The Hole in the ground : le garçon est la bête

par | 28 avril 2020

Film de « gamin flippant » dans la tradition, The Hole in the ground tire parti de son cadre rural irlandais, sans surprendre mais avec une certaine maîtrise.

Même s’il est peu prolifique, le cinéma de genre irlandais nous procure malgré tout parfois de beaux frissons. C’était le cas il y a déjà quelques années avec Citadel. C’est aujourd’hui The Hole in the ground, du prometteur Lee Cronin, qui vient titiller notre échine, en s’engageant sur la voie déjà bien familière du film de « gamin flippant ». Une figure du fantastique à part entière, au même titre que le vampire ou la momie, qui fonctionne à tous les coups si le casting est réussi et la mise en scène assez solide pour générer un malaise diffus rien qu’en filmant un visage poupin. A ce petit jeu de l’innocence pervertie, The Hole in the ground part gagnant, même si l’approche choisie par son réalisateur pour installer l’angoisse, puis verser pour de bon dans l’horreur visuelle, peut désarçonner ceux qui viendraient y chercher un scare-fest roboratif à la Esther.

Une famille au fond du trou

Se déployant via de majestueux travellings aériens, le cadre rural à la fois virginal et rupestre de The Hole in the ground a quelque chose d’immédiatement familier pour les connaisseurs. Sarah (Seana Kerslake, qui affiche une ressemblance troublante avec la britannique Hannah Murray) a quitté la grande ville pour venir s’installer – et fuir un mari invisible, que l’on devine brutal – à la campagne avec son fils Christopher (James Quinn Markey, bonne bouille virginale de garçon inquiétant). Leur maison est presque une caricature du genre : les peintures sont à refaire, les plancher craquent la nuit, la cave est éclairée à l’ampoule en fin de vie… Pour ne rien arranger, un couple de seniors (dont l’inusable Ecossais James Cosmo) du type pas net leur sert de voisins, et la forêt environnante dans laquelle le gamin aime aller jouer sans prévenir abrite un immense cratère, dont la présence et la nature s’avère inexplicable (tout comme le fait que les locaux ne semblent pas connaitre son existence). Cette nouvelle vie plait peu à Christopher, qui confronté à l’absence du père et au comportement erratique de sa mère, se renferme de plus en plus. Au point que Sarah, sur les nerfs après un événement traumatisant, se met à penser que cet enfant-là n’est plus vraiment le sien…

« Il suffit de jeter un coup d’oeil à l’affiche pour savoir que The Hole in the ground n’est pas qu’un drame psychologique intimiste. »

Même s’il a tout du film de festival, jouant sur une partition connue et un folklore fantastique facilement identifiable (même si le scénario se garde bien de toute surexplication), The Hole in the ground affiche malgré tout un caractère revêche, cultive une forme de mélancolie macabre qui tient au corps. Ramassée sur 90 minutes, l’intrigue prend toutefois son temps pour disséquer une relation familiale en voie de décomposition. Le père absent, évoqué uniquement via des dialogues emprunts d’une douleur et d’une colère intense et rentrée, joue le rôle de l’éléphant dans la pièce, l’élément-clé qui fait passer la relation entre Sarah et son fils de fusionnelle à distante. Comme pris d’une crise de puberté précoce, Christopher se rebelle, s’isole, à mesure que sa mère dévoile les limites d’un amour qui se heurte à un non-dit terrible : la réalisation que son petit garçon lui rappelle de plus en plus ce père qu’elle cherche tant à fuir et à oublier.

Bien sûr, il suffit de jeter un coup d’oeil à l’affiche pour savoir que The Hole in the ground n’est pas qu’un drame psychologique intimiste, et que les raisons du changement de comportement brutal, puis inexplicable, du jeune Chris, ont un caractère surnaturel. Même si le film joue habilement la carte de l’ambiguité, en mettant dans la balance la santé mentale de Sarah, il ne fait aucun doute qu’elle a de bonnes raisons de s’inquiéter, comme le prouveront deux ou trois scènes centrales bien dérangeantes, jouant en partie sur le visage soudain dénué d’émotions du petit Markey. Adepte d’une horreur feutrée, cantonnée si besoin au hors-champ, avare en jump scares mais sachant nous mettre délicieusement mal à l’aise, Lee Cronin abat pour de bon ses cartes dans le dernier quart d’heure. Un climax encore plus sombre, littéralement, que ce qui précède, convoquant des symboles maternels aussi évidents qu’entendus et laissant planer un doute salvateur. Pas de quoi hurler au génie, cependant, puisque cette résolution nous ramène vers des classiques du fantastique largement reconnaissables et souvent cités. Pas de quoi non plus entâcher l’impression positive que laisse ce premier long-métrage appliqué, qui donne envie de suivre avec intérêt la carrière de son jeune réalisateur.