Les créateurs de Twilight et de Hunger Games continuent d’explorer le filon prolifique de la littérature pour ados avec l’adaptation de Divergente, le premier volet de la saga éponyme signée Veronica Roth. Disons-le tout net, ce type de littérature n’offre, en général, pas de chef-d’œuvre. Les romans sont composés comme un voyage initiatique pour une jeune femme dans un monde soit fantastique (avec des vampires, par exemple), soit de science-fiction (avec futur dystopique copié sans vergogne sur Battle Royale… par exemple). En général, les lecteurs et les téléspectateurs retrouvent les mêmes ressorts scénaristiques et la même volonté affichée de respecter la chasteté de leur précieuse héroïne, avant un hypothétique mariage avec un beau ténébreux au charisme d’huître de Bouzigues.
Un plaisir coupable
[quote_right]« Deux heures plutôt fun, remplis de rebondissements et de frissons. »[/quote_right]Divergente ne fait pas exception à la règle, mais sort du lot en proposant une storyline intéressante et rondement menée, qui a le bon goût de limiter le sentimentalisme à une scène particulièrement culcul-la-praline, mais drôle. De fait, le spectateur (ou une spectatrice) attiré par ces univers et déçu par l’invraisemblable platitude de titres comme les Âmes Vagabondes ou encore Créatures Célestes, se laissera volontiers aller avec ce plaisir coupable, pas si horripilant qu’il ne le laisse croire au premier abord.
Divergente se déroule dans une société fascisante dans laquelle chaque personne se trouve classée dans une caste spécifique. Les Érudits dirigent le monde avec leur cerveau, les Audacieux courent partout pour protéger les citoyens, les Sincères disent toujours la vérité (la plupart sont avocats ?), les Fraternels nourrissent les citoyens avec des produits agricoles, et enfin les Altruistes, les assistants sociaux, viennent en aide aux plus démunis, les sans-factions qui restent sans logis dans la rue. Manque de bol pour l’héroïne, son test de personnalité révèle son caractère « divergente », c’est-à-dire qu’elle correspond à toutes les factions, sans exception. Or, les Érudits éliminent les divergents qu’ils considèrent comme une menace.
Bastoooon !
Tout en laissant planer de manière plutôt évidente un sous-texte moralisateur poussant les jeunes gens à agir selon leur désir sans se laisser porter par la pression sociale et leur entourage, Divergente veut également donner une leçon de courage et de pugnacité. À 18 ans, Béatrice choisit la « maison » des Audacieux, au grand dam de sa famille d’Altruistes qu’elle doit quitter définitivement, et en sachant que son statut secret de divergente ne lui facilitera pas la tâche lors de sa formation. Les Audacieux sont ici décrits comme un groupe de badass musculeux et tatoués (forcément) qui passent leur temps à repousser leurs limites physiques et à se battre entre eux, sans jamais se blesser bien entendu. Comme la jeune femme ne manque pas de courage, elle partira de zéro pour remonter l’échelle du mérite et deviendra une Audacieuse très douée.
Divergente propose avant tout du spectacle, car l’action se déroule en grande partie au siège des Audacieux. Ces derniers courent à la poursuite du RER qui les ramène à la maison, sautent du train en marche, se lancent dans le vide, lancent des couteaux et se battent pour montrer leur valeur et leur ténacité. Neil Burger (Limitless, l’Illusionniste) offre un show de plus deux heures plutôt fun, rempli de rebondissements et de frissons. Même si les références, citées en exemple, à Full Metal Jacket et à Inception ne sautent pas vraiment aux yeux, le metteur en scène s’en tient à une sobriété salvatrice. L’image plutôt sombre garde un aspect réaliste, fidèle à l’idée d’une fable futuriste mais pas fantaisiste. Malgré le rythme soutenu du film, nous lui sommes reconnaissants d’éviter de secouer sa caméra, comme dans un Hunger Games sous amphétamines. Malgré tout, le spectateur ne manquera pas de déchanter en découvrant que Divergente n’est que la première partie en forme d’introduction d’un diptyque qui ne s’achève pas vraiment. Ssuite au succès au box-office américain de ce premier volet, une très lucrative suite, Insurgent, est bien évidemment déjà annoncée.
Mission plutôt accomplie
Divergente se pose en héritier assumé et tout aussi violent d’Hunger Games, LA saga à succès du moment. La jeune pousse du cinéma indépendant américain, Shailene Woodley (The Spectacular Now, The Descendants) a été choisi pour suppléer à Jennifer Lawrence. La jeune femme s’avère plutôt crédible dans le rôle de la chenille devenant athlétique papillon. Fidèle au roman, Divergente fait succomber Béatrice à son mentor, incarné par le beau Theo James (Underworld : Nouvelle Ère), présent pour son physique propre à faire soupirer les midinettes. Heureusement, comme nous l’avons mentionné, la « scène d’amour » s’inscrit dans le registre du second degré et fera plutôt rire. La méchante de l’histoire, incarnée par Kate Winslet (Titanic) semble par contre s’ennuyer ferme dans un rôle simpliste, caricatural et sans grande profondeur, proche de celui qu’incarnait Diane Kruger dans le nanar d’Andrew Niccol.
Contrairement à la plupart de ses affligeants prédécesseurs, Divergente remplit son contrat à la lettre, avec plus d’inspiration et de qualités techniques. Le film propulse en haut de l’affiche une jeune et prometteuse actrice, projetée dans un univers plutôt fascinant, au montage haletant et qui ne laisse pas la place à l’ennui. Mais, aussi honnête et distrayante soit-elle, cette production ne rend pas pour autant indispensable le visionnage de sa séquelle.
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Divergente
De Neil Burger
USA / 2014 / 140 minutes
Avec Shailene Woodley, Theo James, Kate Winslet
Sortie le 9 avril 2014
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