Fountain of Youth : une aventure en quête d’identité

Malgré les gros moyens d’Apple, son rythme soutenu et ses décors exotiques, Fountain of Youth peine à se hisser au panthéon des films d’aventure.
Dernier-né de la collaboration (a priori fructueuse, puisque la firme révèle rarement ses chiffres de visionnage) entre Apple et le studio Skydance, après notamment le récent The Gorge, Fountain of Youth partage un point commun avec les films de chasse au trésor dont il s’inspire allègrement. Le long-métrage de Guy Ritchie court de toutes ses forces après un artefact rare et précieux : la formule du film d’aventure parfait, détenue et appliquée par Steven Spielberg avec Les Aventuriers de l’arche perdue. Tout comme Star Wars dans le genre du space opera, Indiana Jones (en tout cas la trilogie des années 80) trône si haut dans son domaine qu’il est presque injuste pour ses suiveurs d’oser s’y confronter. Et pourtant, nous y revoilà en 2025, avec Fountain of Youth. Un divertissement à gros budget qui sautille entre les continents pour suivre les péripéties des descendants d’un chasseur de trésors (prénommé Harrison !) à la recherche de la Fontaine de jouvence. Un graal – la comparaison est justifiée – en forme de promesse d’immortalité : le genre de destin auquel le film ne peut, même avec sa bonne volonté, objectivement prétendre.
Pas de temps à perdre pour être immortel

Fountain of Youth démarre pourtant sur les chapeaux de roue avec la première d’une longue série de courses-poursuites, dans les rues surpeuplées de Bangkok. Luke Purdue (le fringant et placide à la fois John Krasinski, habillé comme le Nathan Drake d’Uncharted), aventurier devenu voleur d’art, doit échapper aux propriétaires d’une toile qu’il a subtilisée. Bien montée, primesautière, cette introduction en amène une autre, alors que Luke reprend contact à Londres avec sa sœur Charlotte (Natalie Portman, visiblement mal à l’aise dans le rôle), conservatrice de musée qui a rompu les liens avec son frère après la mort de leur père. Bien sûr, Luke est là pour lui voler une toile, et la convaincre de le suivre dans sa petite épopée : lui et leur ancienne équipe – qui a encore moins de personnalité que votre facteur – sont sur la piste de la Fontaine de Jouvence, que recherche un milliardaire gravement malade, Owen Carver (Domnhall Gleeson). Cette source mythique, dont l’existence est mentionnée à travers les siècles, est à leur portée : l’équipe de Luke doit rassembler six toiles qui forment un code menant à la Fontaine. Mais plusieurs ennemis leur compliquent la tâche : un agent d’Interpol déterminé (Arian Moayed) et un assassin d’une société secrète ayant juré de protéger la source (Eiza Gonzalez, qui se démarque autant que dans Le ministère de la sale guerre du même Ritchie) sont à leurs trousses…
« Fountain of Youth, sur plus de deux heures, contient peu de moments creux, obsédé à l’idée de bondir d’une ville exotique à une autre. »
Le scénario de Fountain of Youth, signé par James Vanderbilt (derrière la nouvelle trilogie Scream) ne ment pas quand il fait dire, plusieurs fois, à ses héros que le voyage importe plus que la destination. De ce côté-là, Guy Ritchie, avec l’expérience qui est la sienne, et quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur sa filmographie, a bien compris sa mission. Fountain of Youth, sur plus de deux heures, contient peu de moments creux, obsédé à l’idée de bondir d’une ville exotique à une autre – pour le plus grand plaisir, on l’imagine, de son casting. Tourné sur les lieux de l’action, le film ne tient pas en place, terminant à peine une séquence – spectaculaire – de fouille maritime à bord de l’épave du Lusitania qu’il enchaîne avec un petit morceau de bravoure à la Mission : Impossible dans une bibliothèque viennoise. Les apartés théologiques à la Da Vinci Code sont expédiés, tout comme le développement des personnages. Seule compte l’ivresse de l’évasion, les paysages de cartes postales dont la beauté serait pourtant plus mise en valeur au cinéma que sur une plateforme de streaming.
Cette opulence et ce rythme effréné pourraient être grisants, mais il manque à Fountain of Youth un ingrédient capital, aussi insaisissable que le masque doré que Luke hésite à voler dans des scènes de rêve prémonitoires : une véritable identité. Parce qu’il mange gentiment à tous les râteliers du genre (l’ambiance familiale et l’exotisme égyptien de La Momie et sa suite, le mysticisme un peu tarte des adaptations de Dan Brown, l’action virile des jeux Uncharted, le décodage d’énigmes séculaires façon National Treasure…), parce qu’il pâtit du manque d’alchimie évident de son couple vedette – qu’ils soient frère et sœur ne change rien au problème -, parce que son climax, bien qu’impressionnant, ne fait que patauger dans l’ombre tutélaire de Spielberg, Fountain of Youth s’assèche bien trop vite. Un aveu de semi-échec entériné par un happy end pataud, qui voudrait annoncer de possibles suites que personne, devant ou derrière la caméra, ne semble vouloir. Heureusement qu’il nous restait un peu l’ivresse…