God is a bullet : la traque des satanistes est lancée
Le réalisateur Nick Cassavetes traite un pitch de pure série B avec un sérieux étonnant dans le sombre et assez lent God is a bullet.
L’époque où les sociétés occidentales s’inquiétaient d’une montée en puissance des mouvements satanistes (sentiment appelait, dans les années 80, la « satanic panic » aux USA) paraît lointaine. Mais l’imagerie liée aux nihilistes sectaires, aux marginaux adeptes du no future a fait long feu, au regard du dernier film de Nick Cassavetes God is a bullet. Le fils de John a été acteur (notamment dans le Volte/Face de John Woo) avant de passer derrière la caméra avec des longs-métrages drastiquement variés, de la populaire bluette N’oublie jamais aux thrillers sociaux John Q et Alpha Dog, en passant par la comédie romantique Triple Alliance. Une filmographie qui part dans tous les sens, réactivée cette fois avec un polar noir de chez noir, qui exploite une histoire d’une simplicité biblique en y insufflant un maximum d’atmosphère, pour un résultat languissant entrecoupé d’éclats de brutalité intense.
Une Amérique sans morale, mais bien armée
Officier de police besogneux et très croyant, Bob (un Nikolaj Coster-Waldau très concerné) voit sa vie basculer lorsqu’il découvre un matin que son ex-femme a été sauvagement assassinée et sa fille adolescente kidnappée par une secte sataniste tatouée et ultraviolente. Il comprend vite, à sa grande colère, que l’enquête n’aboutira pas assez vite et décide de remonter la piste des ravisseurs lui-même, avec l’aide de Case, une ex-adepte du culte, kidnappée elle aussi enfant (Maika Monroe, métamorphosée et magnétique). Ce duo on ne peut plus opposé, mais qui partage une même forme de désespoir va devoir apprendre à s’apprivoiser et se rapprocher, tout en tournant, grâce aux conseils et aux infos d’un marginal manchot et décoloré (Jamie Foxx en caméo transformiste de luxe), autour des membres de la secte, qui ne plaisantent pas avec ceux qui les poursuivent…
« Brossant le portrait d’une Amérique désertée, Cassavetes trace aussi en creux des personnages ne sachant plus à quels Dieu ou anti-Dieu se vouer. »
En d’autres mains, God is a bullet aurait pu être un thriller bis et bas de plafond, emmené par un tas de muscles mono-expressif et des voyous à crête aussi idiots qu’interchangeables. Mais le film de Cassavetes, s’il ne brille quand même pas par l’extrême finesse de son script, ne chasse pas sur les terres de ce genre de DTV. Adoptant plutôt un rythme patient, proche du road movie (le film dure déjà 2 heures, mais il existe aussi un montage alternatif de 2 h 36), le long-métrage prend son temps pour suivre l’enquête, plutôt confuse, de Bob et Case. Brossant le portrait d’une Amérique désertée, celle des motels crasseux, des stations-services interchangeables et des étendues pelées et ensablées qui encerclent les villes, Cassavetes trace aussi en creux des personnages ne sachant plus à quels Dieu ou anti-Dieu se vouer. « Cette balle c’est la seule image de Dieu » explique à un moment Case à Bob pour légitimer le titre et résumer sa morale autodestructrice. God is a bullet a beau rendre perplexe à force de faire tergiverser ses héros et d’imposer son faux rythme (à vue de nez, 15 minutes pourraient être excisées du montage sans que le récit en pâtisse), il sait effectivement imposer les armes comme le seul pouvoir divin de l’histoire. Les scènes d’action sont rares, mais sèches, impitoyables, sanglantes, à la manière par exemple d’une série comme Sons of Anarchy. Le dernier quart d’heure en particulier constitue un déchaînement de violence saisissant, aussi opératique que trivial.
Un dénouement pas si radical qu’attendu cependant, même s’il nous fait prendre conscience, sur le tard, de l’attachante alchimie du duo Coster-Waldau/Monroe, dont l’impeccable implication est l’une des principales qualités de ce curieux film.