Good News : satire en plein vol
Inspiré de faits réels, Good News marie reconstitution historique et satire intemporelle sur fond de détournement d’avion. Jubilatoire !
Pour sa seconde collaboration avec Netflix après Kill Bok-soon, le réalisateur Byun Sung-hyun s’attaque avec Good News à un exercice périlleux : transformer un détournement d’avion historique qui a marqué la Corée du Sud en une satire politique féroce et déjantée. Le film s’inspire du véritable et rocambolesque détournement du vol Japan Air Lines 351 en mars 1970. Neuf membres de la faction Armée Rouge japonaise, un groupe d’étudiants communistes armés de katanas et d’un idéalisme aussi confus que dangereux, prennent le contrôle d’un Boeing en route pour Fukuoka. Leur but ? Atteindre Pyongyang, après avoir un temps envisagé Cuba, pour y établir une base révolutionnaire. Pour relater cette histoire, Good News ne cherche pas la reconstitution fidèle, mais utilise cet événement comme un tremplin vers une absurdité débridée.
Un plan simple…ment insensé
Malgré les apparences sérieuses d’un tel sujet, Good News plonge la tête la première dans la farce. Byun Sung-hyun dépeint des pirates de l’air « totalement inaptes », dont les slogans révolutionnaires et l’attachement obsessionnel du chef au manga Ashita no Joe confinent au délire. Face à cette menace plus burlesque que terrifiante, la véritable satire se niche dans la réaction des autorités, où l’ineptie bureaucratique s’avère bien plus dangereuse que les terroristes eux-mêmes.
« Good news profite d’une sa mise en scène flamboyante et inventive, véritable marque de fabrique de Byun Sung-hyun. »
C’est là qu’entre en scène le personnage énigmatique de « Nobody » (la star Sul Kyung-gu, acteur fétiche du réalisateur), un mystérieux stratège manipulateur et insaisissable, enrôlé pour gérer la crise en coulisses. Il recrute le lieutenant Seo Go-myung (le prometteur Hong Kyung), un jeune officier de l’armée de l’air très ambitieux, pour mettre en place un plan insensé : faire atterrir l’avion à l’aéroport de Gimpo, à Séoul, et le déguiser en aéroport de Pyongyang pour tromper les pirates de l’air. À la manière d’un Argo asiatique, l’opération se transforme alors en une véritable production cinématographique, avec figurants et décors de fortune…
Du style et de l’audace
La plus grande force de Good News réside dans sa mise en scène flamboyante et inventive, véritable marque de fabrique de Byun Sung-hyun. Le réalisateur transforme ce drame politique en un spectacle ludique, usant d’un montage frénétique, de souvenirs fantasmés délirants, de transitions audacieuses et de coupes aussi surprenantes qu’efficaces. Le récit, découpé en chapitres, n’hésite pas à briser le quatrième mur, notamment lors des flashbacks, impliquant directement le spectateur dans cette mascarade. On retiendra une scène mémorable de duel de radars et de fréquences radio, mis en scène comme un western spaghetti, qui devient un sommet de tension et d’humour absurde.
Au-delà du spectacle, Good News est donc une satire cinglante de la politique et de la bureaucratie en temps de crise. Il expose avec un cynisme jubilatoire des gouvernements plus soucieux de leur image et de leur carrière que de la vie des otages. Cette critique acerbe est portée par des performances impeccables. Sul Kyung-gu livre une composition magistrale en électron libre plein de ressources, à la fois drôle, charismatique, mais aussi inquiétant. Face à lui, Hong Kyung incarne parfaitement le jeune carriériste pris au piège d’un jeu qui le dépasse.
Si le film est brillant et engageant, il n’est pas exempt de défauts. Son rythme effréné peine parfois à se maintenir sur la durée (près de 2h20) et le troisième acte souffre de quelques longueurs qui affaiblissent l’impact comique initial.
Malgré ce léger trou d’air, Good News reste une œuvre audacieuse et originale, qui démontre si besoin était la vitalité du cinéma coréen. En jonglant avec brio entre la comédie, le thriller et la critique politique, Byun Sung-hyun signe un film jubilatoire et intelligent.
