Hundreds of Beavers : ça cartoone fort chez les castors

par | 12 novembre 2024 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

Hundreds of Beavers : ça cartoone fort chez les castors

Ovni à petit budget, Hundreds of Beavers mixe hommage au cartoon, au cinéma muet ou encore au jeu vidéo, pour un résultat fou et épuisant.

La formule est galvaudée, mais il va falloir la réutiliser ici parce qu’elle prend tout son sens : vous n’avez jamais vu un film comme Hundreds of Beavers (« des centaines de castors » pour les incorrigibles allergiques à l’anglais). Ce n’est pas tant que ce véritable ovni ayant fait une folle tournée des festivals propose de A à Z du jamais vu : le long-métrage, en noir & blanc, dénué de dialogues, est bourré de références en tout genre et s’appuie sur leur souvenir à chaque seconde. Cela va de Buster Keaton à la culture Nintendo et les Looney Tunes en passant par South Park, le film de kaiju ou le célèbre meme tiré de Jeremiah Johnson. Mais dans sa conception, son esthétique, son rythme et sa façon de passer sans prévenir d’une technique et d’un genre à un autre, au gré d’un scénario délicieusement cintré, Hundreds of Beavers repousse les limites de l’inédit.

J’aurais vos peaux, des centaines de peaux !

Hundreds of Beavers : ça cartoone fort chez les castors

Tourné dans des bleds perdus et les grandes étendues neigeuses du Wisconsin, pour un budget dérisoire de 150 000 dollars, Hundreds of Beavers est un projet aussi chaotique qu’inventif, que le réalisateur Mike Cheslik a porté à bout de bras pendant plusieurs années. Il a pu compter dans son périple sur la dévotion et l’engagement de son acteur principal et coscénariste Ryland Brickson Cole Tews. Celui-ci incarne un brasseur de cidre du 19e siècle du nom merveilleux de Jean Kayak. Constamment saoul, Kayak voit un jour sa production locale réduite en cendres à cause de voraces castors. Le retour à la sobriété s’avère brutal et notre bonhomme, mort de faim, doit s’improviser chasseur de fourrures pour survivre. Amoureux de la fille d’un marchand, il va devoir, pour gagner le droit de l’épouser, rapporter au paternel… des centaines de peaux de castors ! La tâche est colossale, mais Kayak est aussi obstiné qu’il est maladroit. Il va user de tous les stratagèmes pour occire les bêtes sauvages, qui de leur côté, bâtissent un barrage qui pourrait être bien plus que cela…

« C’est une vraie joie de découvrir un film aussi unique qu’Hundreds of Beavers, mais l’impression de trop-plein nuit paradoxalement à l’efficacité de l’ensemble.»

Parce que le film de Cheslik ne veut rien faire comme les autres, ce pitch ne se met véritablement en place qu’au bout de 45 minutes – le générique n’apparaît qu’à ce moment-là, et le titre mettra encore dix bonnes minutes à le rejoindre ! C’est une bizarrerie de plus dans un long-métrage qui les empile comme des peaux de rongeurs – animaux qui, comme les loups, chiens ou lapins que Kayak croise, sont tous incarnés par des adultes en costumes de carnaval. Ces mammifères aux allures de mascottes psychopathes sont aussi nombreux à l’écran qu’ils étaient rares sur le plateau, et ils semblent fournir une cargaison sans fin d’idées de gags à Cheslik. Hundreds of Beavers est en effet un film qui ne s’arrête jamais, malgré sa durée relativement conséquente pour une production de ce type. Qu’il soit débile, inventif, gore, bizarre ou tire exprès en longueur, aucun gag ne semble être celui de trop pour le réalisateur. Cheslik fait ainsi ressembler le périple sauvage de Jean Kayak à un bout-à-bout d’épisodes de Bip Bip et Vil Coyote – Kayak étant le coyote régulièrement victime de ses propres techniques de chasse, en tout cas jusqu’à ce qu’il trouve des moyens plus efficaces de parvenir à ses fins.

Frénétique, généreux… jusqu’à l’excès ?

Hundreds of Beavers : ça cartoone fort chez les castors

Cette énergie folle contraste avec la mise en forme très do it yourself du projet, à base d’effets visuels réalisés sur After Effects, de séquences semi-animées, de transparences grossières et de grands angles cartoonesques. Le choix du noir & blanc permet de donner une cohérence à ce méli-mélo artisanal, qui atteint sa vitesse de croisière dans un dernier acte frénétique, où explosent les emprunts au jeu vidéo (de la carte de l’aventurier qui se remplit façon Zelda aux tuyaux de Super Mario en passant par les courses en traîneaux à la Mario Kart) et les twists de plus en plus barrés. C’est à la fois irrésistible et trop généreux, incroyablement rafraîchissant et agressivement autre. C’est une vraie joie de découvrir un film aussi unique qu’Hundreds of Beavers, mais l’impression de trop-plein nuit paradoxalement à l’efficacité de l’ensemble. 108 minutes, c’est long pour un délire pareil – un cartoon au rythme similaire dure en moyenne cinq fois moins longtemps. Et forcément, il y a des redondances, des gags trop cryptiques, des choses qui lassent plutôt que de faire rire. En bref, Hundreds of Beavers n’est pas un film parfait. Mais on le redit, on le signe où vous voulez : c’est aussi un film à nul autre pareil, et vous n’en avez jamais vu un qui s’en approche, de près comme de loin !