In the shadow of the moon : la série B qui remonte le temps
Une tueuse venue du futur chamboule la vie du héros de In the shadow of the moon, ambitieux thriller de science-fiction par le réalisateur de Cold in July.
Il n’y a rien de plus fun pour un scénariste que de s’amuser avec le thème du voyage dans le temps. C’est une idée universelle (et si on pouvait remonter le temps pour corriger les erreurs du passé, ou avertir notre propre époque des dangers du futur ?) et un outil en or pour créer des casse-tête narratifs sophistiqués. De James Cameron avec Terminator à Nacho Vigalondo avec Timecrimes, pour ne citer qu’eux, les exemples de manipulation du temps réussies au cinéma ne manquent pas. Ces deux références viennent d’ailleurs l’esprit quand on découvre In the shadow of the moon, nouvelle production Netflix qui marque le retour sur le devant de la scène du réalisateur américain Jim Mickle, à qui l’on doit Stake Land, We are what we are et Cold in July (le seul de ses longs-métrages à être sorti en salles chez nous). Un thriller de SF qui prend plaisir à mélanger les styles et à semer le trouble dans l’esprit du spectateur, tout en devant manifestement composer avec certaines limites budgétaires. Autrement dit : une série B à l’ancienne, qui n’a pas peur de s’approprier les clichés du genre pour tenter de les moderniser un peu.
Après une ouverture laissant présager des jours sombres pour l’Amérique de 2024, In the shadow of the moon nous téléporte en 1988, sur les talons de Tommy Lockhart (Boyd Holbrook, The Predator, Logan), un flic de la rue bientôt papa qui se verrait monter les échelons de la police de Philadelphie. Avec son partenaire Maddox (Bokeem Woodbine) et son supérieur – et beau-frère – Holt (Michael C. Hall, sous-exploité), Lockhart se trouve vite entraîné dans une étrange affaire de meurtres simultanés aussi sanglants qu’inexplicables. L’apprenti détective remonte la trace d’une mystérieuse inconnue (Cleopatra Coleman), et la confronte au cours d’une nuit tragique. Fondu au noir : nous sommes en 1997, Lockhart a pris du grade mais sa vie privée s’en ressent. Contre toute logique, les meurtres recommencent, et la réouverture de l’enquête va tourner à l’obsession pour l’inspecteur moustachu…
Enquête au futur antérieur
En révéler trop sur In the shadow of the moon (comme le fait la bande-annonce) serait criminel. Car s’il ne débouche pas sur un twist unique – d’autres films plus ou moins similaires sont passés par là pour nous donner une idée de la façon dont tout peut se terminer -, et si le spectateur comprend bien plus vite que les personnages que le voyage à travers le temps est au cœur de l’intrigue, le film de Jim Mickle structure son scénario comme un enchaînement de chapitres éclairant un peu plus à chaque « cycle » les dessous de cette suite de meurtres. On prend plaisir à combler nous-mêmes les trous dans la vie et la carrière de Lockhart, auquel Holbrook prête son relatif charisme : un type ambitieux et doué, dévoré par les regrets et dont la vie part en lambeaux à chaque nouvelle apparition, tous les neuf ans, d’une tueuse venue du futur. Le mécanisme temporel trouvé par les scénaristes Gregory Weidman et Geoffrey Tock permet d’ajouter astucieusement une note mélancolique et touchante à cette aventure cousue de fil blanc (ah, le personnage du scientifique qui vient justifier avec des répliques fumeuses le titre du film…) et assez légère dans son invocation de motifs politiques renvoyant, sans doute involontairement, à une actualité brûlante.
« In the shadow of the moon tient visuellement la route, même si à deux heures au compteur, le film aurait gagné à être resserré. »
Derrière la caméra, Mickle prouve après la réussite de ses précédents films qu’il possède l’étoffe d’un excellent artisan de la série B. Avec son montage énergique, sa photo acérée, sa recréation astucieuse des années 80 (et de son ambiance « buddy movie » des familles, partenaire black caustique inclus) et une certaine ingéniosité dans sa partie SF, In the shadow of the moon tient visuellement la route, même si à deux heures au compteur, le film aurait gagné à être resserré et à éviter le recours à une voix off incongrue. Malgré ces défauts, In the shadow of the moon fait partie de ces petits plaisirs qu’on aime à recommander, tant il dénote au milieu de certaines productions Netflix plus lisses, moins inventives et ambitieuses dans leur propos.