Interceptor : clés de bras en haute mer

par | 16 juin 2022

Interceptor : clés de bras en haute mer

Hommage énamouré aux sous -Die Hard des 90 s, Interceptor a peu d’atouts pour s’imposer, à part l’athlétique Elsa Pataky.

Le grain de sable dans la machine. C’est ainsi que John McClane se définissait dans l’un des dialogues de Piège de cristal, film séminal à plus d’un titre et dont la formule gagnante continue de faire des petits, 35 ans après. Ainsi va Interceptor, premier long-métrage du romancier geek australien Matthew Reilly, qui ne cache pas vraiment son amour inconditionnel pour les films de gros bras du siècle passé. Des péloches sous stéroïdes, qui se caractérisaient par une abondance de muscles luisants, de punchlines soigneusement délivrées, de seconds couteaux patibulaires et de dangers mondiaux ridiculement élevés.

Interceptor est donc l’avatar avoué de Piège en haute mer, le gros spectacle militariste qui fit brièvement de Steven Seagal une star hollywoodienne : l’action s’y passe en plein océan, non plus dans un croiseur de l’armée, mais une plate-forme secrète américaine, rempart contre une potentielle attaque nucléaire russe (au hasard). Un site secret et stratégique, qui va être pris d’assaut par une poignée de mercenaires décidés à réduire l’Amérique en cendres — et à gagner quelques dollars au passage. L’escouade gaze tout le personnel à bord avant de s’attaquer à la salle de commande. Mais !

Un océan pas très pacifique

Interceptor : clés de bras en haute mer

Mais il y a un grain de sable dans la machine. Et c’est une femme, JJ Collins, officier d’élite rapatrié de force sur la plateforme en guise de punition, elle qui a osé dénoncer les attouchements de son supérieur haut gradé. Le regard d’acier d’Elsa Pataky (vu dans les Fast & Furious), qui ne tarde pas à tomber l’habit protocolaire pour faire admirer des biceps saillants (indice !), suffit à nous indiquer qu’avec cette fille à papa à la mâchoire serrée, les méchants vont passer un sale quart d’heure. Interceptor est donc du genre facile à résumer, et à ingurgiter également. Le film de Reilly a la politesse d’être court et de s’en tenir à son programme gentiment archaïque. L’engagement physique de son actrice, qui doit successivement se coltiner en mano-à-mano tous les clichés du gang de vilains qui s’opposent à elle (le colosse indestructible, le traître ricanant, la psychopathe adepte du couteau, le leader beau gosse qui adore s’écouter parler), sert de point d’ancrage indéboulonnable. Et ce pourrait presque être assez pour passer un bon moment, surtout que le découpage des bastons en question est lisible et soigné, avec une pincette de gore numérique pour rehausser l’addition.

« Le film de Reilly a la politesse d’être court et de s’en tenir à son programme gentiment archaïque. »

Mais finalement, non. Malgré sa courte durée, Interceptor s’avère longuet et monotone. La faute à un décor quasi-unique aussi épuré visuellement qu’un escape game de province, dont le film ne s’échappe que pour des plans trafiqués numériquement d’une pauvreté criante. Le film a coûté 15 millions de dollars à peine, et cela se voit : le production design est inexistant, la photo a un look de série télé de network, les acteurs meublent souvent pour ne rien dire, l’interprétation est loin d’être impressionnante… Interceptor a effectivement les atours d’un DTV de luxe, planant juste à quelques mètres au-dessus des fonds de catalogue où se croisent souvent Dolph Lundgren, Randy Couture ou, malheureusement pour lui, Scott Adkins. Interceptor est plus moderne, plus féministe aussi forcément et trop sérieux, mais avec sa réalisation pataude, les répliques qui tombent à plat (Pataky semble souvent ne pas être convaincue non plus), les facilités vraiment trop faciles et un caméo aussi étiré que débile de Chris Hemsworth, cette série B nostalgique d’un temps révolu se tire trop de balles dans le pied pour devenir aussi culte que ses aînés.