Kandahar : il faut sauver le soldat Butler
Film d’action et d’espionnage inutilement alambiqué, Kandahar offre un nouveau rôle générique de dur à cuire à Gerard Butler.
Par un curieux concours de circonstances, Amazon Prime Video a accueilli cet été deux films de guerre aux thématiques relativement similaires, lâchant en territoire afghan ennemi des militaires américains qui doivent compter sur leur interprète pour rester en vie. Le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan n’a pas été une bonne nouvelle, c’est un euphémisme, pour ces collaborateurs de l’armée US, plus ou moins lâchés par leurs alliés. Par le biais de la fiction, The Covenant de Guy Ritchie, et aujourd’hui Kandahar de Ric Roman Waugh, tentent de repeindre cette relation tragique sous un jour plus positif, plus… hollywoodien, en somme.
Après Jake Gyllenhaal, c’est Gerard Butler, devenu un genre à lui tout seul, qui incarne un troufion d’élite envoyé en mission dans la région afghane, seul et sans couverture. Tom Harris, c’est son nom (dont on se moque bien), est un barbouze opérant sous le manteau pour la CIA. Après une mission de sabotage d’usine nucléaire réussie dans l’Iran voisin, la véritable identité de Harris est dévoilée par une journaliste d’investigation : dès lors, sa tête est mise à prix par l’armée iranienne. Il doit fuir la région et rejoindre une équipe d’extraction à Kandahar, avec l’aide de son traducteur, Mo (Navid Neghaban), revenu d’Amérique où il s’était réfugié pour retrouver sa sœur. Le duo doit aussi échapper à un agent pakistanais coriace, Kahil (la star indienne Ali Fazal, vue dans Mort sur le Nil), pressé de planter la tête de Harris sur son tableau de chasse pour enfin quitter le désert afghan. La traque peut commencer…
Quand t’es dans le désert…
Troisième collaboration entre Butler et Ric Roman Waugh après Greenland (petit succès en salles au moment du Covid) et le nanar La chute du Président, Kandahar se démarque — un peu — des films d’action habituels fréquentés par le monolithique acteur écossais. Le personnage de Butler devient l’élément moteur d’un script artificiellement complexe. Les 40 premières minutes nous ramènent plus à l’atmosphère des séries modernes d’espionnage comme Homeland et Téhéran (dans lesquelles revient d’ailleurs Navid Neghaban), avec la présentation d’une foule de personnages secondaires et une intrigue qui saute d’un continent et d’un gouvernement à l’autre, dans un effort de montrer les forces en présence et les conséquences de la fuite médiatique exposant les agissements de Harris. C’est à la fois dense et frustrant, car nombre de ces sous-intrigues et protagonistes s’avèrent sous-développés (comme le kidnapping de la journaliste lanceuse d’alerte ou les motivations de Roman (Travis Fimmel), le donneur d’ordres de Harris), au point de générer une certaine confusion. Tout est sacrifié à partir du moment où l’action s’enclenche vraiment, quand Tom et Mo se lancent en voiture dans une fuite éperdue à travers le désert.
« Le film est plutôt bancal, mais pas dénué d’une certaine vista lorsqu’il s’agit d’orchestrer quelques moments spectaculaires. »
Waugh est incontestablement plus à son aise pour injecter de l’adrénaline dans ces scènes de poursuite et de survie, que pour bâtir un film d’espionnage convaincant et original. Les objectifs du duo (retrouver leur famille, s’échapper d’Afghanistan), le charisme mystérieux et bizarrement absurde de leur traqueur (Kahil, qui se déplace en moto, ressemble à un électron libre plus intéressé par la culture occidentale que le régime taliban), fournissent une ligne claire à cette deuxième partie séquencée autour de plusieurs morceaux de bravoure : un affrontement tendu autour d’un marché, une lutte en vision nocturne contre un hélicoptère qui renvoie aux expérimentations de McTiernan sur Rollerball, une poursuite finale « convergente » fournie en fusillades et en explosions… Kandahar peut dans ces scènes exposer à travers une belle photographie la cinégénie de paysages désertiques et montagneux rarement vus à l’écran, et pour cause : le film a été en grande partie tourné dans le royaume d’Arabie Saoudite — ce qui ne manque pas d’ironie, comme de cynisme de la part des studios, vu la peinture peu favorable faite des sociétés iraniennes et afghanes. Plutôt bancal donc, trop engoncé dans les réconfortantes facilités du « Gerard Butler movie » (happy end invraisemblable en bonus), mais pas dénué d’une certaine vista lorsqu’il s’agit d’orchestrer quelques moments spectaculaires, Kandahar ne redorera pas par magie l’image des Américains en Afghanistan. Roboratif et dépaysant, mais loin d’être inoubliable.