Last Straw : SOS serveuse en détresse
Un diner pour décor, une femme seule contre des hommes masqués : le thriller Last Straw vise la simplicité, mais ménage quelques surprises.
Aussi rapidement identifiables pour le spectateur français que les motels de la route 66 et les drive-in poussiéreux, les diners font partie intégrante du décorum américain. Plus encore que leur version métropolitaine, les mini-restaurants aux tables chromées sont facilement reconnaissables lorsqu’on les croise sur le bord de la route. Avec leur contour d’autobus clinquant et leur enseigne clignotante, ils font partie intégrante de la pop culture. Avec Last Straw, le réalisateur Alan Scott Neal – qui fait ses débuts dans le long-métrage après avoir longtemps écumé l’industrie en tant que directeur de castings – exploite dans ses moindres recoins et ce mini-décor confiné et familier, le temps d’une nuit de terreur à laquelle doit survivre sa blonde héroïne. Un exercice de style qui n’est pas inédit (John Carpenter par exemple avait montré la voie avec The Gas Station, sketch d’ouverture de Body Bags ; plus près de nous, Jericho Ridge avait circonscrit son histoire à un minuscule commissariat de campagne), mais le cinéaste pimente d’un twist à mi-parcours qui balaie, pour le meilleur et pour le pire, les attentes du spectateur.
Devine qui vient dans mon diner ce soir
Nancy (Jessica Belkin, vue dans American Horror Story et qui décroche ici un premier rôle déterminant) passe une mauvaise journée. Tout juste diplômée et délurée, la jeune femme apprend qu’elle est enceinte (mais elle ne sait pas de qui), voit sa voiture tomber en panne et rejoint malgré tout son lieu de travail à pied : le diner Fat Bottom Bistro, que possède son père Edward (Jeremy Sisto). Le paternel, qui emploie sa fille comme serveuse, l’a fait passer manager pour lui donner le sens des responsabilités. Alors qu’il la laisse en charge du restaurant et de l’équipe, Nancy, déjà nauséeuse, doit se coltiner une bande d’adolescents menaçants et les remontrances de son cuisinier, Jake (Taylor Kowaslki), un junkie jaloux de sa promotion selon lui imméritée. Alors qu’elle devait faire le service de nuit avec Jake, Nancy décide de le virer sur-le-champ. Erreur fatale : elle se retrouve seule le soir venu, face à des intrus masqués bien décidés à la terroriser – et à entrer dans le restaurant…
« Pas déshonorant, le film fruste plus qu’il ne réjouit. »
Avec son unité de temps, de lieu et de personnages, sa durée ultra ramassée (80 minutes hors générique), sa violence sèche et une actrice plutôt solide en tête d’affiche, Last Straw semble cumuler tous les attributs d’une série B de premier plan, ou au minimum d’une belle carte de visite pour son jeune metteur en scène. Et durant sa première moitié, Last Straw confirme ces promesses en filant droit au but, malgré une écriture scolaire qui tente vainement de créer de l’empathie pour Nancy et son mal de vivre de post-teenager. Notre héroïne, constamment irritée entre deux vomissements, devient par ses choix et son comportement également irritante. Elle a beau être une victime en puissance, le scénario fait aussi d’elle, sans doute involontairement, une architecte de son propre malheur.
Et puis, et puis… Last Straw ose un retournement de situation à mi-parcours. Un renversement des perspectives qui amène une nouvelle énergie au film, le détourne de son programme initial… tout en ouvrant la porte à une ribambelle d’incohérences, de raccourcis et de comportements incompréhensibles. Plutôt carrée jusque-là, la mise en scène s’épuise à justifier ce virage narratif et l’escalade brutale dans la violence. Last Straw remplit alors, docilement (et parfois dans la confusion niveau montage), son quota de mises à mort attendu – car, oui, le film démarre sur un flash forward des plus inutiles – avec une inventivité relative. Et les grosses ficelles apparaissent, une à une, au point que le spectateur moins conciliant ne résistera pas à l’envie de bondir de son canapé en hurlant « mais pourquoi fait-elle ça ?! ». Pas déshonorant, le film fruste plus qu’il ne réjouit. Il faut saluer malgré tout l’envie de son auteur de renverser ainsi la table à mi-parcours, à la manière d’un Barbare, même s’il ne maîtrise pas autant au final son numéro d’équilibriste.