Le Cratère : des simili-Goonies dans l’espace
Escapade spatiale et familiale made in Disney, Le Cratère s’aventure malgré tout parfois sur un terrain sombre et dramatique.
Si les histoires de voyage vers la Lune ne manquent pas au cinéma, plus rares sont les films qui posent cette question : à quoi ressemblerait la vie d’enfants nés sur la Lune, complètement étrangers au concept même de la vie sur Terre ? S’il n’explore pas de manière existentielle cette thématique, Le Cratère, production originale Disney+ signée par Kyle Patrick Alvarez (réalisateur du bien différent The Stanford Prison Experiment), y trouve matière à une aventure spatiale qui a le mérite de l’originalité et du dépaysement, bâtissant même un univers avec sa propre mythologie, propice aux surprises. Mais le manque de tension général et la volonté manifeste de marcher dans les traces de classiques ambliniens lui mettent plutôt du plomb dans l’aile.
Dernier voyage avant l’infini
Planète Lune, année 2257. Le satellite terrien est devenu une colonie minière géante, avec des installations industrielles protégées par des dômes. La Lune fournit le minerai nécessaire pour des voyages de 75 ans vers Omega, une sorte d’Eden lointain vers lequel l’humanité émigre petit à petit. C’est la destination qui attend Caleb (Isaiah Russell-Bailey), un jeune garçon qui vient de perdre son père. Orphelin, la compagnie lui offre et impose de quitter cet univers qu’il a toujours connu – ce qui veut dire quitter pour toujours ses trois meilleurs amis, Dylan, Borney et Marcus. Caleb ne peut s’y résoudre et veut tenter avant son départ forcé une excursion folle : voler un camion d’extraction et aller vers un mystérieux cratère. Une destination que son père voulait absolument lui faire découvrir. Il embarque avec lui ses amis et une « Terrienne », Addison (McKenna Grace), fraîchement arrivée dans la colonie…
« Cette sorte de Stand by me lunaire se paierait même un clin d’œil gonflé à 2001 pour souligner la solennité de la quête de Caleb. »
L’un des aspects les plus frustrants du Cratère, long-métrage plutôt léché et aguicheur (le production design est inventif et soigné, les effets spéciaux convaincants, plus que les costumes ceci dit), est qu’il donne l’impression de marier deux films en un. Le premier ressemble plus à un drame mélancolique qu’à une aimable aventure adolescente. Le film d’Alvarez traite en effet de thèmes assez lourds (deuil familial, déracinement, désenchantement face à l’avenir…) avec une frontalité inattendue pour une production Disney familiale. Le voyage vers le cratère ressemble à un ultime adieu à l’innocence, une sorte de Stand by me lunaire qui se paierait même un clin d’œil gonflé à 2001 pour souligner la solennité de la quête de Caleb.
Cette dimension dramatique, soutenue par les interprétations solides de Russell-Bailey et McKenna Grace (que l’on voit partout ces dernières années, de Malignant à SOS Fantômes : l’héritage), cohabite malheureusement avec ce côté escapade de vilains garnements plus attendu, et bien moins réjouissant. Alvarez, en construisant la dynamique de son petit groupe d’aventuriers, avait manifestement les Goonies dans le viseur (ou Stranger Things, mais cela revient au même, et certains des producteurs du Cratère ont d’ailleurs travaillé sur la série Netflix). Mais le scénario sonne bien creux de ce côté, avec ses simili-menaces en toc (un manque d’oxygène résolu par miracle, une pluie de météorites plutôt timide) et ses diversions infantiles comme la joyeuse mise à sac d’un appartement de luxe. Pour résumer les choses, le temps paraît long avant l’arrivée au cratère et la mise en place du climax. Des idées de pure science-fiction sur le passage du temps viennent donner une résonance inattendue à ce dénouement tout simple et pourtant émouvant. Une manière de terminer cette aventure gentillette, mais pas si légère sur une note plutôt satisfaisante.