Mondocane : la cité des enfants perdus
Mariant les genres, Mondocane s’accroche aux basques d’un gang d’enfants dans une étrange Italie post-apo. Immersif et réussi.
Lorsque vous prononcez à la suite les mots « Italie » et « apocalypse », une foule d’images reviennent en tête, et il est possible de dater leur origine. Inspiré par le succès phénoménal de Mad Max 2, une bande d’artisans et producteurs sans trop de scrupules initia pendant les années 80 ce qu’on finit par nommer le « post-apo rital », des films d’exploitation plus ou moins fauchés surfant sur l’imagerie motorisée et dépenaillée créée par George Miller. Près de quarante ans après, il est tentant de penser que Mondocane, long-métrage écrit et réalisé par Allessandro Celli, vient payer un hommage tardif à ce sous-genre hirsute, mais attachant. Mais le cinéaste semble au final peu intéressé par le décorum rétro-futuriste que promet son scénario. Si Mondocane se déroule dans un avenir indéfini dans lequel le pays de Nanni Moretti a sombré dans l’extrême pauvreté et la pollution tous azimuts, il s’agit avant tout d’une toile de fond pour conter l’itinéraire de deux jeunes garçons prêts à tout pour survivre et trouver un modèle paternel digne de ce nom. Autant dire que dans cet univers-là, c’est une quête sans espoir.
Le gang des petits soldats
Le carton introductif de Mondocane nous apprend que la cité de Taranto est devenue un cloaque pollué de toute part, à tel point que la zone a été mise sous quarantaine et que les forces de l’ordre n’osent plus y entrer. À l’intérieur, les habitants doivent lutter pour grappiller de quoi survivre. C’est un terrain de jeu industriel idéal pour les gangs, dont celui des « Fourmis », mené par Testacalda (« tête chaude »). L’armée du charismatique chauve moustachu est composée d’enfants laissés à eux-mêmes, transformés en petits soldats à sa botte. Pietro et Cristiano, deux ados inséparables maintenus en esclavage par un vieux pêcheur pervers, rêvent de rejoindre ses rangs. Après maints efforts pour prouver leur valeur, Testacalda accepte de recruter le premier, surnommé « Mondocane » (« monde de chien »), mais pas le second, appelé « Pisspants » car sujet à des crises d’épilepsie. Mais le duo se serre les coudes et fait son trou en multipliant les larcins, jusqu’à attirer l’attention de la police à l’extérieur de la zone et à impliquer une jeune fille, Sabrina, qui aimerait pénétrer dans la zone pour se recueillir sur la tombe de ses parents…
« Mondocane évoque une version dystopique de La cité de Dieu, qui tente d’introduire un vernis de conscience écologique et de lutte des classes. »
Porté par les convaincantes prestations de deux jeunes débutants, Dennis Protopapa et Giuliano Soprano, et le numéro de leader quasi-messianique (mais plutôt sadique) à mi-chemin entre Fagin et Lord Humungus, d’Alessandro Borghi (vu dans Suburra), Mondocane évoque une version dystopique de La cité de Dieu, qui tente d’introduire un vernis de conscience écologique et de lutte des classes dans un carcan de thriller prévisible. Les symboles et les archétypes sont ici assez évidents pour laisser deviner où le parcours initiatique de Pietro et Cristiano va les mener. Investissant à la fois des décors industriels désertés passés au filtre orange et des banlieues bourgeoises balnéaires inondées de soleil (le scénario est malheureusement très vague sur les détails et la logique de cet univers futuriste, qui ressemble plutôt à une version décatie et stylisée de notre époque actuelle), le film s’éparpille en multipliant les personnages et les trajectoires vouées à s’entrechoquer. Celli maintient toutefois fermement la barre de son récit quand il le recentre sur ses turbulents héros, déboussolés et soudés par les épreuves, mais voués à se déchirer. Le spectateur s’accroche à leur destin jusqu’à une conclusion un peu facile et plutôt frustrante, qui vient conclure sur une note moyenne un long-métrage immersif en forme de carte de visite idéale pour son auteur.