Netflix va-t-il vraiment pouvoir acheter Warner et HBO Max ?
L’annonce choc de l’achat de Warner Discovery par Netflix vient d’être contrée par une OPA de Paramount Skydance. Qui va s’emparer du légendaire studio ?
C’est le feuilleton de la fin d’année que l’on n’avait pas vu venir. Trois jours après avoir fait trembler Hollywood, les exploitants de salles de cinéma et plus globalement l’industrie cinématographique mondiale en s’emparant, pour 82,7 milliards de dollars, du groupe Warner Discovery, comprenant la chaîne HBO et la plateforme HBO Max, Netflix fait face à un rebondissement digne de ses feuilletons produits à la chaîne. Le leader du streaming illimité se faisait déjà une joie d’acquérir le studio centenaire, son catalogue prestigieux et (surtout) ses franchises de premier plan, comme Harry Potter ou les récent Dune et Barbie. Il réussissait aussi une contre-attaque préventive avec l’arrivée dans son giron du catalogue de HBO – difficile d’imaginer à terme le concurrent HBO Max rester actif dans le paysage de la SVOD.
Mais cette acquisition inattendue, qui n’est pas dans les habitudes de la firme californienne, n’est pas vue d’un bon œil par un autre prétendant au rachat de Warner. Le groupe Paramount Skydance, propriété de la famille Ellison (dont le patriarche, Larry, est le deuxième homme le plus riche du monde) vient de lancer une offre publique d’achat (OPA) agressive en mettant sur la table la bagatelle de 108,4 milliards de dollars ! Une somme financée avec l’aide du propre gendre de Donald Trump, Jared Kushner. La nouvelle enchère concernerait cette fois la totalité du groupe, dont la division télévisuelle qui comprend la célèbre chaîne CNN.
Quand Trump se mêle de 7e art
Si l’irruption dans cette histoire du président des États-Unis paraît incongrue, elle est en réalité décisive. Larry Ellison est un soutien déclaré et un donateur important de Trump, et son fils David, à la tête de Paramount, a l’oreille et l’attention du locataire de la Maison-Blanche. Le deal entre David Zaslav, CEO de Warner, et le co-CEO de Netflix Ted Sarandos doit encore être entériné par les actionnaires et surtout confirmé par les autorités de régulation américaines, les mêmes qui ont autorisé le rachat de 20th Century Fox par Disney et celui de MGM par Amazon. Ces étapes n’interviendront pas avant la mi-2026. D’ici là, le clan Ellison n’entend pas relâcher la pression. Trump s’est déjà positionné dans ce débat devenu très politique, en s’inquiétant de voir Netflix détenir « une si grosse part de marché » du streaming avant de déclarer vouloir « s’impliquer » dans la décision des régulateurs. Rappelons que l’enjeu n’est pas innocent pour Trump, pour qui une chaîne comme CNN fait partie des « fake news médias », et qui a exercé un véritable chantage sur Paramount pour que la firme lui verse 16 millions de dollars de dommages et intérêts après une menace de procès.
« Warner est l’un des emblèmes de l’industrie du 7e art, qui a l’audace de produire encore des projets originaux et risqués. »
À Hollywood, en attendant la fin de ce duel de gros sous et d’influence, l’inquiétude est de mise chez les artistes comme chez les producteurs. Warner est l’un des emblèmes de l’industrie du 7e art américain, un fervent défenseur du cinéma sur grand écran qui a l’audace de produire encore des projets originaux et risqués. En 2025, cette audace a payé, avec les succès de Sinners, Evanouis et le triomphe attendu aux Oscars d’Une bataille après l’autre. Les cartons de Minecraft, Destination Finale : Bloodlines, Conjuring : l’heure du jugement et Superman ont aussi aidé le studio à réaliser l’une de ses meilleures années au box-office. Le rachat par Netflix, dont le but premier, malgré les propos se voulant rassurants de Ted Sarandos, n’est pas d’amener les spectateurs dans les salles, mais de les faire rester à la maison, pourrait mettre en péril, pour de bon, cette dynamique. Si Paramount Skydance venait à gagner la bataille, il est permis de douter de la promesse de David Ellison de « produire et sortir en salles 30 films Warner chaque année », quand le studio derrière les Mission : Impossible n’a réussi à en sortir que 6 en 2025. Et on ne parle même pas de l’influence que ses patrons et mécènes ultra-conservateurs pourraient avoir sur les choix de projets financés par Warner…
Reprenant avec malice l’immortelle tagline du film Alien vs Predator, certains internautes amoureux des salles obscures ont déjà résumé la situation avec désenchantement : « Quel que soit le vainqueur… Nous serons les perdants. »