Operation Red Sea : quand la Chine s’en va-t-en guerre
Operation Red Sea est le dernier blockbuster guerrier envoyé par la Chine. Aussi patriotique, spectaculaire et bourrin que ceux du collègue yankee… Voire plus ?
Vous aimez les films de guerre américains qui font boum ? Figurez-vous que vous n’êtes pas les seuls. Même si tout film de guerre devrait être, par essence, anti-belliciste, les grosses productions pyrotechniques suant l’héroïsme et le sens du sacrifice ont fait école dans de nombreux pays, à commencer par la Russie, la Corée du Sud, et la Chine. Les Chinois sont même TRÈS amateurs du genre, comme le box-office a pu le constater lors de la sortie triomphale de Wolf Warrior II avec le pas très expressif Wu Jing. Avec Operation Red Sea, vous allez être, plus ou moins, logés à la même enseigne. Sans être aussi involontairement ridicule que son prédécesseur, ce blockbuster piloté par un vieux routier du cinéma hongkongais, le très efficace Dante Lam, visualise les conflits à l’étranger comme un jeu vidéo grandeur nature. Violent, oui, et pas qu’un peu. Impitoyable avec ses personnages, amis ou ennemis. Mais patriotique, ça oui, et sacralisant jusqu’à l’absurde les valeurs de l’engagement militaire, tout en renforçant le côté soft power du cinéma de divertissement local, décidément jamais éloigné de la propagande pure et simple.
Mission évacuation
L’action d’Operation Red Sea (à ne pas confondre avec Opération Mékong, du même Dante Lam, qui lui est plutôt supérieur) se passe dans un pays imaginaire, le Yewaire (sic), fac-similé du Yémen, où la Chine possède quelques centaines de ressortissants à sauver. Comme dans Wolf Warrior II (qui s’ouvre aussi sur une scène de sauvetage en pleine mer par les forces spéciales), l’armée est chargée d’évacuer ses compatriotes sans déclencher d’incident diplomatique, alors qu’une guerre civile est en train d’éclater. En gros, ça signifie déployer des unités d’élite équipées comme des agents de Mission : Impossible (le film veut vous prouver que l’armée chinoise possède une myriade de technologies avancées, au point qu’on a l’impression de se retrouver devant un spot de salon militaire), qui vont dessouder des dizaines et des dizaines de méchants terroristes arabes, pour éviter qu’un seul Chinois soit tué ou blessé.
« La « générosité » de l’ensemble a un effet parfois grisant. »
Et ça n’est pas gagné, car dans Operation Red Sea, nos courageux héros casqués font face à des vagues infinies d’ennemis, dans les rues dévastées d’une capitale, puis lors d’une embuscade en plein désert (avec duel de snipers de longue haleine), un village retenant des otages qui va être méthodiquement détruit, et même en pleine tempête de sable lors d’une poursuite de tanks – quand on vous dit que le film évoque Mission : Impossible.
Il manque juste une manette
Bien sûr, tout cela fleure bon le spectacle bourrin à la vue basse. Depuis les dialogues se résumant à des avalanches d’ordres beuglés par-dessus les balles ou à des platitudes comiques, philosophiques ou émotionnellement baveuses, jusqu’à la surdose complaisante d’effets gore (amputations express, corps en morceaux, plaies ouvertes… you name it) tranchant avec les effets numériques inégaux qui parsèment les scènes d’action. Les amateurs des jeux Sniper Elite seront aux anges, vu le nombre de ralentis à la Matrix dont Dante Lam truffe son long-métrage. Et de fait, Operation Red Sea s’envisage moins comme un récit à la progression logique et satisfaisante, que comme l’avatar filmique d’un jeu fictif découpé en niveaux à la difficulté croissante.
La « générosité » de l’ensemble, qui dépasse tout de même les 2 h 15, a malgré ce côté inconséquent un effet parfois grisant, Dante Lam n’étant pas un manchot pour emballer ce type de spectacle. Les gros moyens du film, qui a bénéficié de l’apport logistique de l’armée (sans déconner), autorisent quelques passages dantesques, et le résultat, globalement, flatte l’œil, même handicapé par sa durée excessive et son manichéisme délirant. Il va sans dire que si vous vous engagez dans l’aventure, c’est que vous savez déjà où vous mettez les pieds…