Difficile de passer après Délivrance. Sorti en 1972, le film John Boorman invente par mégarde un sous-genre au croisement du film d’aventures et de la bande horrifique : le survival. Influence stylistique et thématique (notre bon vieux Jean-Jacques Rousseau sert à chaque fois de prétexte philosophique) définitive, Délivrance reste, trente ans après sa sortie, un imposant monument cinématographique. Un modèle auquel tentent régulièrement de se frotter de jeunes réalisateurs avec des films qui tiennent plus souvent de la série B plus (Calvaire, Wolf Creek) ou moins (Vertige, Détour mortel, enfin surtout ses séquelles) inspirée.
Dans son fascicule, le Pifff (Paris International fantastic film festival) promet avec A lonely place to die un survival qui « va vous faire oublier The Descent ». C’est oublier que le film de Neil Marshall dépasse de loin sa condition de survival au féminin, ne serait-ce que par sa richesse visuelle et thématique. Bien qu’il constitue un honnête divertissement, A lonely place to die* ne prétend à rien d’autre pendant 100 minutes.
Laisse pas traîner ta fille
La première heure convainc, avec sa situation qui rappelle à la fois Cliffhanger (pour le côté alpinistes expérimentés se faisant décimer par des méchants sans scrupules) et l’ibérique Les Proies (pour l’aspect forestier et le côté mystérieux de ces mêmes méchants, eux aussi armés de fusils sniper). Tourné en Écosse dans des massifs montagneux à couper le souffle, A lonely place to die peut en plus se reposer sur un casting intéressant, avec Mélissa George, qui se construit une belle filmo depuis 30 jours de nuit et Triangle, Ed Speelers, qu’on avait pas revu depuis le triste Eragon, ou encore les solides Eamonn Walker (Oz) et Karel Roden (Hellboy). Dans un premier temps, l’histoire de cette fille kidnappée et retenue dans une forêt, secourue par cinq randonneurs dont on imagine forcément qu’ils viennent de signer leur arrêt de mort, tient donc bien la distance. Paysages d’une oppressante beauté, cascades douloureuses, soutenues par des effets sonores qui savent appuyer là où ça fait mal… C’est du grand spectacle, techniquement sans faille, avec des personnages adultes et sensés qui nous changent des têtes d’enclume habituelles dans le genre.
Et puis, sans spoiler plus que de raison, Gilbey fait une erreur fatale. Au lieu de se focaliser sur son groupe d’alpinistes, il fait retomber son intrigue dans les rails du survival bas du front, simplifiant à outrance l’intrigue, multipliant les incohérences gênantes (les méchants kidnappeurs, tireurs d’élite quand il s’agit de dégommer un innocent à 300m, n’arrivent même pas à le toucher à 10m), et rallongeant jusqu’à l’énervement la sauce lors d’un épilogue citadin hors de propos qui tombe comme un cheveu sur la soupe, même s’il devient le prétexte à un duel d’acteurs intéressant. Un dénouement « hollywoodnightien » plus tard, le film se termine de manière complètement anodine, gâchant bêtement un capital sympathie pourtant énorme à la base. Boorman peut donc dormir sur ses deux oreilles.
* retitré Poursuite mortelle lors de sa sortie dvd en 2012, une aberration dénoncée par le réalisateur Julian Gilbey lui-même.
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Poursuite Mortelle (A lonely place to die)
De Julian Guilbey
2010 / Angleterre / 102 minutes
Avec Melissa George, Ed Speelers, Eamonn Walker
Sortie le 1er février 2012 en DVD et Blu-ray
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