Est-ce parce que son maquillage le rend particulièrement expressif, ou parce que ses costumes criards sont une telle insulte au bon goût qu’ils en deviennent suspects ? Toujours est-il que le clown a toujours eu, en tout cas pour les plus sensibles, une part d’inquiétante étrangeté qui en a fait une figure particulièrement appréciée de la culture fantastique. Stephen King en a fait l’emblème macabre de son terrifiant Ça (immortalisé à la télévision par le tout aussi flippant Tim Curry), les rappeurs bouseux d’Insane Clown Posse leur fonds de commerce, et certains réalisateurs ne se sont pas faits prier pour pervertir la figure du bouffon de cirque, il y a très longtemps avec Killers klowns from outer space (ce titre !) et très récemment avec Balada triste de trompeta (ce titre bis !).
La farce de trop
Le film de Conor McMahon n’innove donc pas particulièrement, même si son clown s’avère beaucoup plus fidèle à l’image de carnaval que l’on s’en fait que le Capitaine Spaulding de Rob Zombie, par exemple. Car Richard Grindle, le croquemitaine en chef de Stitches, est bel et bien un clown pour enfants à la base ! Certes, c’est un beauf alcoolique qui déteste son job et les demi-portions qui se moquent de lui, mais il vit toutefois pour son métier… enfin, jusqu’à ce qu’une farce de trop l’envoie ad patres. La faute à six gamins, qui six ans plus tard, se retrouvent confrontés au macchabée revenu d’entre les morts, prêt à exercer sa revanche sur les infortunés ados à l’occasion d’une « boum » arrosée.
Pas besoin d’avoir pratiqué assidument le genre du slasher pour comprendre que ce pitch émule sans trop d’imagination le premier Scream et tous les avatars d’Halloween qui l’ont précédé. Stitches, production irlandaise, joue la carte du film d’horreur façon années 80 avec déférence et application, mais échoue justement dans cette entreprise par manque d’ambition, de moyens et parfois juste de talent. Le casting du film n’est pas à blâmer : le comique de stand-up britannique Ross Noble, pour son premier rôle sur grand écran, prête sa bouille excédée au personnage de Grindle (c’est un peu comme si Gad Elmaleh avait fait ses débuts de cinéma dans le rôle d’un zombie obsédé sexuel) et se voit attribuer une ribambelle de punchlines pas drôles (genre « Everybody happy ? ») et de situations ridicules, telle cette course-poursuite à tricycle. Pas facile donc de marquer les esprits, surtout que les teenagers de l’histoire, attachants mais handicapés par des dialogues affligeants, occupent l’écran les trois quarts du temps.
C’est un peu décousu, Stitches…
Stitches met en effet un temps affolant à se mettre en place : les 45 premières minutes tournent essentiellement autour de la mise en place de la fameuse « boum » du samedi soir, sans qu’il ne passe pour ainsi dire rien d’intéressant. Et quand le clown ressort de sa tombe avec ses grosses chaussures et son nez rouge, la réalisation ne s’énerve pas des masses. Certes, Stitches mise beaucoup sur ses trucages live, à base de latex, de prothèses et, hum, de rajouts numériques, mais beaucoup de ces « moments forts », malgré leur dimension outrageusement gore, s’avèrent ridicules, en plus d’être peu mis en valeur par une photo absolument hideuse et un montage de téléfilm du dimanche après-midi – seules quelques raccords amusants sortent du lot.
Que retiendra-t-on alors de ce slasher clownesque évoquant plus Leprechaun que John Carpenter ? Une mise à mort imaginative à base de parapluie, une mythologie autour des clowns aussi absurde que bien troussée (leur âme est conservée dans un œuf !)… et c’est à peu près tout. Allez, on arrête ce cirque, amenez-moi l’éléphant zombie !
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Stitches (Dark Clown en VF)
De Conor McMahon
2012 / Irlande / 89 minutes
Avec Ross Noble, Tommy Knight, Lorna Dempsey
Sortie le 6 mai 2014 en DVD
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Je ne peux que féliciter l’auteur de cet article (mais pas pour la raison la plus évidente…) !
Pour quelle raison, dans ce cas ?