V/H/S : Very Horrible Shit (PIFFF 2012)
Le film à sketches V/H/S, c’est la preuve par six que le found footage, quand utilisé pour l’épate, n’a vraiment rien à dire.
À la base de V/H/S, il y a le duo composé de Brad Miska, fondateur du site bloody-disgusting.com, et du jeune cinéaste stakhanoviste Adam Wingard, auteur d’une pelletée de courts-métrages remarqués et d’un long, A horrible way to die, devenu une petite sensation indé. C’est sur la réputation de ce dernier titre que s’est monté le financement de V/H/S, film à sketches brodant sur l’esthétique surexploitée du found footage. Et qui dit film à sketches dit format court et panel de réalisateurs si possible connus des amateurs du genre : car ici, ce n’est pas l’histoire ou le casting qui créé le buzz, c’est le concept et la « team » réunie derrière la caméra. Sur le papier, V/H/S a d’ailleurs plutôt de l’allure : on retrouve un des co-créateurs du chouette The Signal, David Bruckner, le collectif Radio Silence, l’acteur-réalisateur de comédies indé Joe Swanberg, ainsi que la révélation de House of the devil Ti West et l’un de ses collaborateurs Glenn McQuaid (par ailleurs auteur du toujours inédit I sell the Dead). Adam Wingard se chargeant du fil rouge reliant leurs cinq sketches, tout était prêt pour livrer un produit-choc à petit budget, pouvant surfer sur le succès incompréhensible des Paranormal Activity.
Paranormal epilepsy
Et il n’y a pas de raison d’être déçu à ce niveau : produit ouvertement opportuniste, porté par une hype créée on ne sait trop comment à Sundance, V/H/S ressemble à une de ces arnaques bancaires pullulant dans vos boîtes mails, qui malgré leurs ficelles grossières finissent toujours par trouver des pigeons dociles pour prospérer. Le prestige tout relatif des réalisateurs a semble-t-il fait office de note d’intention ET de script, tant chacune des micro-nouvelles racontées ici ne brasse que du vide : les hommes y sont tous des braillards ramollis du bulbe, les femmes des pétasses/victimes exhibitionnistes/coincées, et leurs morbides aventures sont aussi palpitantes qu’un cycle de machine à laver. Quoique, le bon côté d’un lave-linge est qu’il bouge peu, contrairement aux cameramen en pleine crise d’épilepsie qui nous fournissent les « images » de ces cassettes maudites.
« Difficile de sursauter quand on essaie déjà
de ne pas s’endommager la cornée. »
Car oui, bien sûr, le fil rouge reliant les cinq histoires de V/H/S consiste en une série de vidéocassettes mystérieuses qu’une bande de voyous est chargée (par qui ? Pourquoi ? T’as fini de poser des questions chiantes ?) de récupérer dans une maison apparemment dénuée de tout interrupteur. Et comme ce sont des cambrioleurs un peu cons (ils aiment bien casser des faux plafonds), ils se mettent à regarder, chacun leur tour, une des cassettes avant de disparaître. Oui, c’est d’une crétinerie abyssale, et pourtant, on a du mal à comprendre ce « concept » tant il est difficile de distinguer quoi que ce soit dans la masse informe étalée à l’image. Difficile de sursauter quand on essaie déjà de ne pas s’endommager la cornée.
Six nanars pour le prix d’un
Les sketches eux-mêmes ne sont guère plus esthétiques. Comme tous les avatars foireux de Paranormal Apathy, du type Atrocious, Grave encounters ou Episode 50 (il y en a bien d’autres), V/H/S réfute toute idée de mise en scène, tout jeu avec un format qu’il entendait pourtant révolutionner : le premier sketch – le seul un tant soit peu intriguant – est par exemple filmé par une caméra fixée sur une paire de lunettes, un autre se déroule entièrement en visio-chat, tandis que le dernier (attention) est cadré par un type engoncé dans un costume de chien. Pas de révolution sémantique à prévoir pourtant : juste des gimmicks utilisés pour transformer des histoires dignes d’un porno amateur en courts-métrages horrifiques.
V/H/S nous présente donc à six reprises une poignée de mongols sans charisme, généralement très portés sur le sexe, et qui en guise de conclusion meurent tous de manière arbitraire en rencontrant un monstre/un tueur/un fantôme. C’est aussi passionnant à écrire qu’à regarder (mais c’est moins douloureux pour les yeux). Le pire est que chacun des réalisateurs se prend atrocement au sérieux, le summum étant atteint avec le segment de Ti West (le « petit génie » ne ressort clairement pas grandi de l’entreprise) qui suit la lune de miel d’un couple d’acteurs visiblement contraints d’improviser ad nauseam leurs échanges « réalistes ». La nausée : c’est le terme idéal pour décrire « l’expérience » tant vantée par les réalisateurs de V/H/S. Le film impressionnera sûrement les post-ados yankees passionnés de jump scares de cour d’école et d’image SD, ceux-là même qui permettent à la saga d’Oren Peli de prospérer au-delà du raisonnable. Les autres auront déjà, avant même le générique pseudo-punk de fin, rendu les armes face à ce found footage de gueule caractérisé.