Peut-être vous étonnez-vous, parfois, qu’on ne parle pas plus souvent de cinéma français sur BTW, à part pour vanter les qualités de Jacques Audiard. Dans la majeure partie des cas, c’est pourtant pour une raison évidente : le cinéma français, souvent, ça ressemble pas à du cinéma. La direction d’acteurs, la photo, la direction artistique (un sujet presque tabou, celui-là) et souvent, le scénario, ces ingrédients-là semblent être en option chez certains, et, forcément, ça se voit dès l’étape de la bande-annonce.
Vous tous, innocents spectateurs, en subissez une bonne pelletée chaque année, souvent en enfilade (c’est dire le côté brutal de l’expérience), prisonniers de votre fauteuil de cinéma, priant les saints que le prochain trailer soit plutôt le nouveau film de Danny Boyle que la dernière « comédie » avec Frank Dubosc. BFM nous apprenait début 2012 que 80 % des films français ne rentrent pas dans leur budget. Soyons honnêtes : a-t-on seulement envie de se faire offrir une place pour aller voir Turf, sur la foi de son cataclysmique trailer ? Vu le bide du film, la réponse semble être non, mais pour Fabien Onteniente, c’est la faute des confiseurs. Et sinon, avez-vous eu envie d’agripper votre Pass illimité pour foncer voir Arrêtez-moi séance tenante après avoir vu Miou-Miou (MIOU-MIOU, quoi) s’écrier « Oh mais vous allez vous calmer ou j’vous éclate votre putain de gueule, moi ! ».
Alors, parce que la vie est trop courte pour être mal vécue, on a décidé d’enfoncer ces films frenchy qui nous foutent la honte, sur la base de leur bande-annonce. C’est bête, c’est certainement de mauvaise foi, mais hey, n’hésitez pas à nous dire si on s’est trompé, après tout, Camille redouble a bien eu 13 nominations aux Césars (rires). Et autant dire que vu le rythme de production herculéen du 7e art français, que le monde entier nous envie (c’est parce qu’ils ne voient pas les bandes-annonces), cette nouvelle rubrique ne restera pas sans suite…
Mes meilleures nouilles
La première sur la liste est aussi la plus « populaire », parce qu’il faut bien le dire, la bande-annonce des Coquillettes (assortie de sa croquignolette affiche made in Panzani) met immédiatement sur le cul les cinéphiles les plus endurcis. Sa réalisatrice, Sophie Letourneur, a profité d’une sélection au festival de Locarno pour tourner « en mode guérilla » (riez pas, j’ai vérifié, y a effectivement aucun plan droit dans le trailer) une sorte de « Very Bad Trip girly » (nan mais arrêtez de rire, c’est bon, là) sur trois filles qui s’emmerdent tellement dans leurs sapes criardes qu’elles partent se chercher des plans cul en boîte, en buvant sans doute des vodka martini. Letourneur, qui est une véritable auteur puisque l’un de ses précédents films, La vie au ranch, parlait déjà de meufs en manque avec dix ans de moins au compteur, nous promet donc avec les Coquillettes un sommet de débauche à base de doigts dans le derch’ et de chassés-croisés rohmériens. Mode « guérilla » oblige, les bancs-titres semblent sortir des années 80, la voix-off a été enregistrée dans un magnéto analogique, l’image est à moitié floue et les acteurs coupés par le cadre, et, comme souvent dans ce genre de délires égocentriques à fort développement scénaristique, la réalisatrice joue elle-même l’un des cag…, pardon, l’une des girls de la bande. C’est bon, oubliez Mes meilleures amies et Bradley Cooper, elle est là la relève !
La punchline qui vend du rêve : « Nan mais c’est pas ça, Sophie, mais là, j’ai tellement envie de faire caca, je sais pas où aller »
Big bisous
Ah, Danièle Thompson. Thompson, c’est un peu un cas à part dans le monde du « cinéma d’ôteur » bien de chez nous. La fille de Gérard Oury a connu son lot de succès et d’échecs en tant que scénariste avec son père (hey L’as des as, quand même), mais en tant que réalisatrice, on est au moins sûr d’une chose : de La bûche au Code a changé, ses comédies sont toujours à chier. Persuadée que le spectateur lambda se passionne pour les tourments amoureux des écrivains et musiciens qui habitent dans un duplex du XVIIe arrondissement, Danièle Thompson frappe fort avec son nouvel opus, Des gens qui s’embrassent. La « Robert Altman française » (hum) avoue être partie de ce constat éclairé pour son scénario : « il y a des manières différentes de vivre à Saint-Tropez ». Certes. Alors, forcément, qui dit Saint-Trop’, dit yachts à gogo et Kad Merad (euh…), entouré de comiques tout aussi omniprésents qui commencent donc à nous casser les bonbons (Valérie Bonneton, Max Boubil) et de Monica Bellucci, qui semble avoir été engagée pour proférer des insultes « exotiques » en italien et nous offrir la vision cauchemardesque d’une nuit d’amour avec Kad. Ah oui, et il y a donc bien des gens qui s’embrassent, tout le temps, beaucoup, entre deux gags dignes de l’après-guerre et trois notes de Sinatra. Eh oui, Saint-Tropez style, forcément.
La punchline qui vend du rêve : « – T’es célibataire, maintenant ? – Non, je suis veuf, papa – Quoi, ben ça revient au même, non ? »
Un ami qui vous veut… quoi exactement ?
Bon, là, c’est un petit peu plus insidieux, quand même, moins évident, mais, ne nous voilons pas la face, quand même bien embarrassant. Désordres n’est pas une comédie sans gags mais un drame sans tension, dirait-on, dont le postulat de départ rappelle beaucoup l’excellent Harry, un ami qui vous veut du bien, en plus fauché et beaucoup moins bien joué. À vrai dire, si la bande-annonce ne nous annonçait pas « bientôt au cinéma », on jurerait que c’est le prochain téléfilm du samedi soir de France 3. La preuve : il y a Sonia « non non j’ai pas été Miss France » Rolland qui tente de jouer la colère et une tête à claques venue du Québec qui a trop regardé Funny Games pour son propre bien. Ça doit être le cas aussi du réalisateur Étienne Faurel, connu pour avoir fait jouer à Sébastien « Cri-cri d’amour » Roch un rôle de drogué-trop-borderline-tu-vois dans In extremis. Manque de pot, Faurel n’est pas Haneke, et sans doute pas Dominik Moll (ça se saurait), du coup, le plus gros frisson du trailer de Désordres reste sans doute l’apparition effrayante d’un paysan du cru à la fenêtre de Sonia. Ouh, bon Diou, c’est que ça fout les ch’tons, la campagne.
La punchline qui vend du rêve : « Vous pourrriez pô me rendre un servisse ? »
Daubasse à Deauville
C’est bien connu, en France, quand on veut vendre du rêve au petit peuple, on l’emmène soit sur la côte d’Azur, soit à Deauville. Parce que Deauville, ça rime avec luxe et stars, et là-bas, il y a l’hôtel Normandy. Coup de bol pour les proprios, c’est un film tout entier bâti autour de leurs chambres quatre étoiles qui va sortir, très justement titré Hôtel Normandy. Avec un titre pareil, vous serez sûrement étonnés d’apprendre qu’il s’agit d’une comédie romantique, signée par l’immortel auteur de la série H et du Carton, l’irremplaçable Charles Nemes. Un gage de qualité, d’autant plus attirant que ce courageux divertissement nous révèle dès sa bande-annonce le rebondissement central de son scénario, à savoir que la ravissante cruche Héléna Noguerra croit avoir couché avec un gigolo… alors qu’en fait, non, c’est un vrai mec amoureux d’elle, joué par un Éric Elmosino qui après avoir joué Gainsbourg, imite maintenant Pierre Richard ! Tout est dit, non ? En tout cas, le film est déjà un succès assuré, comme en témoigne ce post merveilleux d’une future spectatrice sur Allocine : « J’irais le voir, Deauville est un endroit merveilleux ». C’est bon, les gars, arrêtez d’écrire, on s’en fout. Allez juste filmer l’hôtel et n’oubliez pas : rapportez au moins un plan de Noguerra toute nue. On est là pour vendre du rêve, ou bien ?
La punchline qui vend du rêve : « C’est pas très romantique comme plat, les fruits de mer… »
Je me suis bien marrée en lisant tes commentaires. Il faut dire que tu as choisi les pires films qui vont sortir ces prochains mois ! Mais le cinéma français, ce n’est quand même pas que ça, si ? L’adaptation de L’écume des jours m’a l’air bien plus intéressante.
D’après les premiers échos, oui, Michel Gondry a l’air d’avoir fait un film à sa sauce qui divise, mais ne laisse pas indifférent. On va en parler très bientôt sur le site.
Sinon, des films français qui s’annoncent bien, il y en a quand même quelques-uns : le 11,6 avec François Cluzet, L’autre vie de Richard Kemp, Jacky au royaume des filles, Quai d’Orsay ou même Les Gamins avec Alain Chabat, dont la bande-annonce, ô surprise, m’a fait rire.