Replicas : Keanu Reeves fait du copier-coller

par | 24 janvier 2020

Un film de SF potentiellement passionnant se cache derrière ce Replicas lourdaud et anonyme, fréquenté par un Keanu Reeves plus robotique que jamais.

S’il y a bien un acteur qui a réussi à faire continuellement le buzz en 2019, au point de redevenir un phénomène viral à part entière, c’est Keanu Reeves. Du carton prévisible de John Wick 3 à sa modélisation surprise dans le jeu vidéo Cyberpunk 2077 en passant par son guest vocal dans Toy Story 4, son caméo dans la comédie romantique Always be my maybe et les anecdotes qui pullulent sur les réseaux sociaux (comme ce road-trip improvisé à Bakersfield), le monde n’a eu d’yeux que pour Keanu ces derniers mois. Et ça ne risque pas de s’arrêter là (hello Matrix 4). On en voudra donc pas à l’acteur le plus laid-back d’Hollywood de mettre parfois en boîte des séries B montées on l’imagine uniquement sur son nom. Tout comme Siberia, Replicas fait partie de ces petites bandes qui sans son nom sur l’affiche seraient restées profondément dans l’anonymat. Des clones, des robots futuristes, Keanu avec un casque de VR ridicule (un hommage volontaire à Johnny Mnemonic ?) : il n’en faut pas plus pour piquer notre curiosité !

Will Foster (Keanuuu) est un neuroscientifique sur le point de réussir ce qu’aucun savant n’avait réussi avant lui (et pour cause, ils avaient dû lire Frankenstein) : transférer une conscience humaine pour la « télécharger » dans la mémoire d’un ordinateur, en l’occurrence un robot plutôt bien looké tant qu’il ne se met pas à bouger. Financé par une compagnie confortablement installée à Porto Rico, Will rumine ses échecs jusqu’à un week-end fatidique où il emmène sa famille en week-end. Surpris par la tempête, Will quitte la route et sa femme Mona (Alice Eve) et ses trois enfants meurent dans l’accident. Traumatisé, Will décide sur un coup de tête d’utiliser la technologie de clonage développée par son collègue Ed Whittle (Thomas Middleditch) pour transférer l’esprit de ses proches dans des copies parfaites, à une exception mémorielle près… 

Une série B comme boîteuse

Malgré l’amour que l’on a pour la star de 47 Ronin, l’attrait d’un script qui sur le papier jongle avec des questions existentielles intemporelles (est-ce mon corps ou mon esprit qui constitue l’essence de mon être ? Peut-on vivre en sachant qu’une partie de notre mémoire n’existe plus ? Vous avez trois heures) et des principes de hard sci-fi ludiques, Replicas ne fait pas longtemps illusion. Jeffrey Nachmanoff (le film d’espionnage Trahison) échoue à rendre crédible l’environnement dans lequel Will et ses collègues de travail, en plus de singer sans gêne Minority Report en mettant à contribution un Keanu Reeves qui ne comprend visiblement pas la moitié de ses dialogues. Et encore, c’est avant que sa famille disparaisse, que Will soit forcé à faire un « choix de Sophie » et que ne démarre un drôle de buddy movie (qui ne devrait pas être drôle, ou alors dans un autre film) avec le héros de Silicon Valley, qui fait un scientifique plus crédible que Reeves, mais dont on peine à comprendre les raisons de son implication.

« Même s’il imite bien Tom Cruise dans Minority Report, Keanu Reeves n’est pas pour rien dans ce sentiment de gâchis. »

Ce n’est que l’une des incohérences de ton (et incohérences tout court) qui parsèment Replicas. Un film à la Transcendance, c’est-à-dire beaucoup trop sentencieux et boursouflé vu la relative crétinerie de ses rebondissements. Un film tourné à l’économie, aussi – malgré un budget pas ridicule de 30 millions de dollars, que les producteurs ne reverront jamais -, dont les bonnes idées sont sabordées par un manque de rigueur dans la réalisation, le scénario ou même la direction d’acteurs. Même s’il imite bien Tom Cruise, Keanu Reeves n’est pas pour rien dans ce sentiment de gâchis. Plus robotique encore que les machines qu’il tente d’humaniser, l’acteur ne démontre pas une once de folie dans le jeu, qui pourrait magnifier un personnage à la fois sauveur et démiurge raté qui copie-colle sa famille au risque de mieux la reperdre (pas de panique, le happy end offre une forme de renoncement total et idiot à cette idée). Son manque d’implication, de « vérité » est d’autant plus troublant, quand on connaît les drames personnels vécus par Reeves il y a des années – sa propre ex-compagne était décédée dans un accident de voiture. À oublier, donc, sauf si les histoires à la clone sont votre passion.