The Revenants : les justiciers de l’au-delà
Inclassable, jouissif et incorrect, The Revenants fait partie de ces séries B qui savent surprendre et renouveler un genre éculé. À découvrir !
Certains films connaissent un destin véritablement injuste et incompréhensible à la fois. Ainsi, bien qu’il ait fait le tour des festivals en 2010, The Revenants (qui a pris un « s » qui veut dire spoiler pour son exploitation française) est resté cantonné ces trois dernières années à un anonymat assez incroyable, compte tenu de la qualité et de l’originalité du l’œuvre. Pourtant, la découverte du film de Kerry Prior, son deuxième après Roadkill en 1996, s’impose pour tout fan nostalgique des œuvres de Stuart Gordon (Re-Animator), Don Coscarelli (John dies at the end) ou Brian Yuzna (Society). Nostalgique, The Revenants l’est peut-être, mais il constitue malgré tout l’une des plus belles surprises du genre zombiesque de ces dernières années.
Tué en Irak dans de mystérieuses circonstances, le lieutenant Bart Gregory (David Anders) revient aux Etats-Unis dans un cercueil recouvert d’un drapeau. Plutôt que d’y rester éternellement, il revient à la vie et s’échappe avec une idée en tête : trouver refuge auprès de son meilleur ami, Joey… Tout comme dans le film de Bob Clark Le mort-vivant, auquel on pense inévitablement, Bart va comme le titre l’indique, revenir d’entre les morts, littéralement. Sans rien comprendre à son état cadavérique (il sent mauvais, est incapable d’ingérer de la nourriture, n’a plus d’iris et tombe raide mort dès que le jour se lève), il va tout de même trouver un abri durable chez ce bon vieux Joey, qui, après avoir frôlé la crise cardiaque, décide de profiter du bon temps qui lui est donné avec son ami trop tôt disparu, devenu non pas un vampire ou un zombie, mais un « revenant », une sorte de goule atteinte d’un virus à l’origine inexpliquée. Le duo arpente Los Angeles toute la nuit pour faire la fête, jusqu’à ce qu’une agression fasse entrevoir à Joey le véritable destin de Bart : devenir un justicier immortel voué à débarrasser la ville de ses racailles !
Amis pour la vie… et l’éternité
Malgré son ancrage politique chargé, The Revenants semble, à plusieurs niveaux, surgir d’une époque révolue, les années 80 en l’occurrence : son rythme patient, son inclassable mélange d’horreur, de vigilante movie, de comédie potache et de drame le rendent particulièrement difficile à marketer pour un public biberonné au slasher épileptique et bas de plafond. Ses longues plages de dialogue, la tendance de Prior à se servir du plan-séquence, notamment lors d’une incroyable scène de braquage d’épicerie, pour conférer une ambiance organique et opératique à son histoire, tout cela tient plus de l’univers du film indé US que de la série B goresque. Bart et Joey, malgré les comparaisons lancées un peu vite avec Shaun of the Dead, n’ont rien non plus de gentils slackers que même la mort ne peut faire bouger de leur canapé : menteurs, lâches, amoraux, cupides, les deux lascars agissent au débotté sans jamais se soucier des conséquences, qui vont bien entendu être désastreuses et meurtrières. Surtout à partir du moment où le duo se transforment en avatars californiens des Anges de Boston, tout en trenchcoats et armes lourdes.
« The Revenants s’avère aussi triste qu’il est acidement drôle, le dénouement n’hésitant pas à verser dans la diatribe anti-militariste. »
Rétrospectivement, c’est aux personnages de Bellflower (2012), lui aussi un film californien décalé dans son époque, que Bart et Joey font penser : des trentenaires sans avenir, immatures et indécis, transis de peur à l’idée de s’engager dans une relation autre que leur amitié potache et régressive. Même l’irruption du surnaturel et leur rutilante bagnole ne peuvent contenir leur sentiment de solitude : contre toute attente, The Revenants s’avère aussi triste qu’il est acidement drôle, le dénouement n’hésitant pas à verser dans la diatribe anti-militariste, assorti d’un esprit comic-book furibard. Inclassable, on vous dit.
Old school horror
Farouchement indépendant, indéniablement incorrect (notamment la séquence du métro, qui contribue à plomber l’ambiance et à redistribuer brutalement les cartes en remettant en perspective le côté « cool » du Bart justicier), The Revenants est aussi et avant tout un glorieux retour au film d’horreur prosthétique qui tâche. Le spécialiste des effets spéciaux de maquillage qu’est Kerry Prior, qui a notamment usé ses pinceaux chez James Cameron, et tiens, tiens, Coscarelli (sur Bubba Ho-Tep et les Phantasm, notamment), s’exprime ici en créant, avec sans doute des bouts de ficelles, des effets gore impeccables d’un bout à l’autre, en ayant le moins possible recours au numérique : la « tête parlante » sort notamment du lot grâce à des trucages proprement incroyables pour une modeste production. La photographie des scènes nocturnes, qui acquiert dans la deuxième partie du film une patine chromée, a également fière allure.
Également auteur du scénario, Prior attache un soin particulier à explorer chaque chaque possibilité dramaturgique d’une histoire en apparence linéaire. Anders, pilier de séries comme Alias ou The Vampire Diaries dans l’une de ses rares incursions cinématographiques, trouve un rôle or, faisant de Bart tantôt une victime, un couard, une bête sanguinaire, un héros tragique ou un ahuri attachant, le tout en étant couvert de plaies et de maquillages divers. Plus énervé et expansif, Wylde a peut-être moins l’occasion de varier son jeu et les quelques longueurs du film se nichent souvent dans ses tirades invariablement garnies de « fuck » en tous genre. Plus sombre, son personnage s’avère tout aussi attachant par le lien indéfectible et exclusif qui le lie à son ami. C’est peut-être sur cet aspect précis que l’aventure des Revenants fait penser à Shaun et Ed. Comme Wright, Prior parvient à maintenir en place, parfois au sein d’une même séquence, chacun de ces différents aspects émotionnels, tout en surprenant à chaque nouveau carrefour les plus blasés des spectateurs. Plus que la sortie tardive, directement en vidéo, du film, le vrai scandale est que depuis 2009 et son exploitation limitée en salles aux USA, Kerry Prior n’a plus donné signe de vie. Voilà qui tient de l’inexplicable.