Séance de rattrapage : Méandre
Sorti en plein déconfinement, Méandre est un exercice de style à la Cube implacable et convaincant.
Il y a une certaine audace à avoir voulu sortir sur grand écran, quelques jours à peine après la réouverture des salles de cinéma en mai dernier, un film aussi oppressant et cadenassé en termes d’ambiance que Méandre. Second long-métrage du Cannois Mathieu Turi après le peu vu Hostile, Méandre confirme le potentiel d’un cinéaste visiblement travaillé par la mécanique cinématographique liée aux espaces clos (Hostile se déroulait déjà le genre dans le décor réduit d’une voiture accidentée) et aux femmes en péril. L’opération a été couronnée d’un relatif, mais étonnant succès (70 000 entrées en fin de parcours), mais c’est assurément en vidéo et VOD, au cœur d’une soirée d’hiver rappelant des souvenirs de soirées cloisonnées et covidées, que Méandre s’appréciera le plus, et sans doute le mieux.
C’est du beau goulot
Le pitch pourrait être celui d’un rip-off de Cube, tant le classique de poche de Vincenzo Natali semble proche de cet univers en vase clos : une jeune femme (Gaia Weiss, dans une prestation 100 % physique et viscérale à saluer) se réveille dans une sorte de caisson métallique avec un bracelet luminescent attaché au bras, après avoir été prise en auto-stop par un conducteur recherché par la police… Aurait-on affaire aux prémices d’un torture porn un peu sinistre ? Loin de là. Il apparaît que le calvaire auquel est confronté notre anonyme héroïne n’a rien à voir avec notre réalité quotidienne. Sommée d’avancer d’une salle fermée à une autre, telle une souris dans un labyrinthe, elle doit surmonter des épreuves surréalistes et lutter à chaque fois pour sa survie. Flammes brûlantes, inondation accélérée, goulots étroits, bain d’acide et même prisonnier un peu louche (qui va lui aussi passer par tous les états)… Notre victime récalcitrante doit composer, à l’instinct, avec un arsenal de chausse-trappes dignes d’un escape game sadique, espérant trouver au bout du prochain tunnel sous-éclairé la raison de sa mise en captivité.
« Les plus claustros en auront pour leur argent. »
S’il ne proposait pas, en ouverture et en clôture, des scènes extérieures (trop) explicatives, s’amusant à zigzaguer entre les genres pour mieux nous perdre ou à souligner ses métaphores visibles comme le nez au milieu de la figure, Méandre aurait à n’en pas douter pâti pu être qualifié de « Cube en solo ». Là où Natali se gardait bien de donner un sens et un but clair à son casse-tête mathématique entre six murs, Turi se risque lui à faire de son one-woman-show une sorte de quête émotionnelle en forme de chemin de croix. Avec des moyens dérisoires, mais un sens du design et de l’épure visuelle assez remarquable, Méandre donne d’abord à ressentir plus qu’il ne veut donner à comprendre. Face aux dangers élémentaires auxquels Gaia Weiss doit faire face, le spectateur bascule immédiatement dans l’empathie – et tant pis si la logique interne de ce labyrinthe d’un autre monde reste fragile, tant pis si certains artifices et obstacles reviennent plusieurs fois, faute on l’imagine de plus gros moyens. Le spectateur souffre avec elle, il retient sa respiration avec elle. Et les plus claustros en auront pour leur argent tant le film communique à force d’accumulation cette sensation d’épuisement mental et physique, sans oublier d’être particulièrement sanglant et généreux en termes de body horror.
Méandre claudique un peu plus quand il s’agit de montrer la sortie du dédale, de justifier l’incompréhensible en osant dans le même temps en révéler plus sur son héroïne – c’est à la fois maladroit et convenu, naïf et cheap. C’est le stigmate le plus visible d’une petite production qui impressionne par ailleurs avec trois bouts de tuyaux, un bracelet qui clignote et une actrice qui ne ménage pas ses efforts pour incarner la peur panique et l’esprit de résilience d’un humain pris au piège et résumé à son instinct animal. Vivement que Turi nous remontre de quoi il est capable avec un budget plus confortable.