Septet : sept cinéastes racontent leur Hong-Kong

par | 7 avril 2025 | À LA UNE, BLURAY/DVD, Critiques

Septet : sept cinéastes racontent leur Hong-Kong

Sept légendes du cinéma hong-kongais réunies pour un hommage à leur ville : tourné en 2018, Septet se révèle à la hauteur de nos attentes.

Lancé par Johnnie To, le maître du polar hongkongais, en 2018, Septet : Hong-Kong stories est un projet qui sort des sentiers battus. Il s’agit d’un film à sketches en forme d’hommage à l’ex-colonie britannique de Hong-Kong, composé de sept parties proposées à sept réalisateurs et réalisatrices de renom, auxquels celui qui est aussi un producteur très prolifique via sa firme Milkyway Image a donné une totale liberté créative. Deux restrictions : chaque réalisateur avait la tâche de représenter une décennie et devait tourner en pellicule (¹).

La légendaire star du kung-fu Sammo Hung se charge des années 50. Il y raconte une anecdote d’enfance, souvent drôle, montrant l’entraînement difficile qu’il a connu dans son enfance dans la troupe des « Sept petites fortunes » (avec entre autres le chorégraphe-réalisateur Yuen Woo Ping et son « petit frère » Jackie Chan).

L’enseignement est également au cœur du sketch de Ann Hui (Boat People, Song of Exile), un court très mélancolique sur un directeur d’école et son amour caché pour Mademoiselle Wong, la professeur d’anglais. Ce récit se déroule sur deux décennies, les années 60 et 2000, puisque c’est lors des retrouvailles avec d’anciens élèves que le souvenir de l’enseignante ressurgit.

Une ville de migrants et d’opportunités

Septet : sept cinéastes racontent leur Hong-Kong

Patrick Tam (The Sword, After this our exile) explore la vague de migration des années 80 en racontant l’histoire d’un couple d’étudiants contraint de se séparer, car la jeune fille suit ses parents en Europe. Le film raconte leur nuit d’adieu. Bien que cette partie soit sans doute la plus faible du lot, elle raconte une histoire universelle.

La migration est également abordée par Yuen Woo-ping (Iron Monkey, Ip Man Legacy, chorégraphe des Matrix et Kill Bill), cette fois dans les années 90. Un grand-père, ancien artiste martial, accueille sa petite-fille quelque temps, le temps que ses parents puissent s’installer aux États-Unis. Cet opus est plutôt drôle, avec Yuen Wah interprétant un vieillard encore bien agile, mais qui a du mal à s’adapter au changement.

« Septet n’a pu être exploité pendant 7 ans à cause du bureau de censure chinois. »

Johnnie To, l’homme qui chapeaute ce projet et à qui l’on doit, entre autres, Election, PTU et Drug War, revient sur un thème qu’il avait déjà développé dans La vie sans principe en racontant l’histoire de trois boursicoteurs qui pensent faire fortune en investissant pendant la bulle internet de 2000, avec un succès quelque peu mitigé. Il en résulte un sketch très rythmé et assez cynique sur la situation financière du pays.

Des larmes et une si longue attente

Septet : sept cinéastes racontent leur Hong-Kong

Le sketch suivant est un film testamentaire puisqu’il s’agit de celui de Ringo Lam. Le réalisateur de Full Alert et City on Fire décédera en effet pendant la post-production de Septet en 2018. Sa vision est une déclaration d’amour à Hong Kong, sa ville natale, qui était sans doute « mieux avant », mais qui est et restera sa ville de cœur. On y suit Simon Yam qui revient d’Angleterre et découvre une mégapole totalement changée. Le final fera couler beaucoup de larmes, mais il s’agit sans doute du meilleur sketch du film.

C’est au « Spielberg asiatique » Tsui Hark qu’il revient de conclure le film, avec une discussion loufoque entre un patient et son psy dans un asile psychiatrique, à moins que la situation ne soit pas ce qu’elle semble être. Ce sketch permet de conclure l’exercice de manière assez originale.

Il aura fallu sept ans pour que Septet sorte enfin chez nous (un film décidément placé sous le signe du sept). D’abord proposé au Festival de Cannes 2020 (qui n’aura pas lieu), le bureau de censure chinois ayant refusé le visa d’exploitation au film, il ne put être exploité pendant toutes ces années. Ce n’est qu’en 2025 que le film peut être visible en France, via l’éditeur Metropolitan Films. On a l’habitude de dire (parce que c’est vrai) qu’un film à sketches a souvent des hauts et des bas. Mais par sa profusion de styles et sa richesse, Septet se tient extrêmement bien sur toute sa durée (1h51), chaque sketch semblant répondre à l’autre dans une peinture nostalgique, mais jamais passéiste d’une ville-univers. Une œuvre à découvrir de toute urgence, donc.

¹Un huitième sketch sur les années 70 avait été proposé à John Woo, mais le réalisateur dut y renoncer pour des raisons de santé.