Étrange Festival – Starcrash : kitsch intersidéral
Objet culte des années 70, l’hilarant Starcrash se pose comme la version italienne et fauchée de Star Wars. À découvrir ou redécouvrir d’urgence.
Starcrash est un film culte pour son appartenance à la catégorie des plus gros nanars de l’univers. Prenez la trilogie La Guerre des Étoiles. Dépouillez-la de tous les effets spéciaux déjà très coûteux pour l’époque et modifiés au fil des avancées technologiques (pour ressembler à un film, quoi) et vous n’obtiendrez rien de moins que l’ovni de Luigi Cozzi. Les cinéastes italiens des années 70, alors connus pour leurs péplums et leurs westerns ne se gênaient déjà pas pour tourner des copies à très petits budgets des plus gros succès américains. La recette simple et rentable consiste à produire pour une bouchée de pain une imitation, parfois plan par plan d’un film anglo-saxon à succès. D’Alien à Mad Max, de nombreux films passent à cette époque à la photocopieuse kitch de Cinecittà. La fin des années 70 est ainsi marquée par un déferlement intergalactique initié par Georges Lucas. Tout naturellement, en 1978, Luigi Cozzi (auteur d’un giallo The Killer Must Kill Again et de Contamination, une copie d’Alien) se lance donc dans la reproduction à l’identique (ou presque) de la saga de Georges Lucas.
« Dans une galaxie lointaine, très lointaine… », le destin de l’Empire est en danger d’extinction. En effet, un mystérieux (et sardonique) Comte kidnappe le fils de l’Empereur et menace les forces alliées avec une arme secrète (et fluo). L’armée des gentils, impuissante, se fait décimer. Sa Majesté l’Empereur du Premier cercle de l’univers (Christopher Plummer, visiblement sceptique) décide, allez savoir pourquoi, qu’une hors-la-loi de l’espace (Caroline Munro en maillot de bain) et son compagnon chevelu Akton (Marjoe Gortner, petit frère de David Hasselhoff dans la famille des coiffures improbables) sont les seuls à pouvoir sauver le monde. Pour les aider, il fait appel à un duo de flics de l’espace composé d’un être humain, appelé Thor et d’un robot débonnaire, Elias (Dark Vador, du bon côté de la force).
Ce lointain cousin débile
Côté Star Wars, tout y est : les sabres lasers, l’Étoile Noire, le texte balancé sur fond d’espace étoilé, les vaisseaux spéciaux et des planètes mystérieuses. Sauf que les combats se montrent aussi épiques qu’une partie de jeux de rôles avec des figurines. La copie de l’Étoile Noire se révèle une maquette en plastique filmée de très près et repassée en boucle. Même le ciel étoilé manque de crédibilité. Dans ce space d’opérette, les vaisseaux combattent en s’envoyant des rayons laser de boîte de nuit dans un florilège de bruitages laissent presque deviner les câbles qui les maintiennent en place.
Pour couronner le tout, Luigi Cozzi ne se contente pas de copier le film de Lucas : il s’attaque également aux films d’aventures. En la matière, les clichés s’enchaînent : des amazones vengeresses et même des hommes préhistoriques font leur apparition. Hommage quelque peu honteux à King Kong, un robot mécanique, censé mesurer plusieurs mètres de hauteur, menace les héros dans un semblant de mime désarticulé, représentant le summum du ridicule.
Du plaisir à l’état pur
Par bonheur, la copie française du film en 35 mm dégotée par l’équipe de l’Étrange Festival, visiblement dans un état de décomposition avancée, a offert un instant grindhouse de toute beauté au spectateur. Les années 70 engendrent notamment des versions françaises cultes. Le film, rebaptisé Le Choc des Étoiles, renferme de nombreuses pépites de doublage. « Pourriez-vous rouler moins près de l’eau, mes circuits rouillent. » (Elias) « – Je vous les astiquerais ! » (Stella), « Ceci est un hologramme. » (pour les spectateurs aveugles) ou bien encore « Ce n’est pas à un vieux robot qu’on peut faire le coup de l’hyperespace ». Le personnage du robot, avec ses mimiques à la C3PO sous acide, semble lancé dans un stand up permanent. Elias, qui a les plus belles répliques, se plaint sans cesse de sa condition d’homme de fer. Le duo entre Stella l’aventurière et le tas de ferraille fonctionne à merveille. Il faut avouer qu’ils sont les seuls véritables bosseurs de l’expédition, qui quittent le vaisseau en exploration, tandis qu’Akton reste tranquillement au chaud à faire joujou avec ses yeux qui envoient des éclairs.
Le spectateur va de surprise en surprise, tant le film ose tous les artifices ringards et les incohérences flagrantes sans jamais se soucier de la crédibilité de l’image. Cozzi tente même une conclusion mystique interminable, surtout pour Christopher Plummer. L’acteur impassible récite d’un ton monocorde des répliques sidérantes de médiocrité appelant à une probable suite (qui existe bel et bien). Certes, il ne s’agit pas de la période la plus glorieuse de la carrière de Caroline Munro – quoique – et de ses camarades de jeux. Mais Starcrash, surtout célèbre pour sa bande-annonce (un arbre cachant la forêt) reste éternellement culte, à voir et à revoir entre amis, avec toujours autant de plaisir – et de clémence, si possible. Le film démontre, à grand renfort de couleurs flashy, de costumes kitch, de répliques foireuses et de musique de bas étage, que la médiocrité est un art aussi captivant qu’attachant. Ce déluge extravagant, hilarant, mais toujours étonnant n’a pas trouvé pas à ce jour d’égal aussi sincère.
Caroline Munro, 35 ans après
Dans une salle de l’Étrange Festival comble, l’actrice Caroline Munro présente avec une joie non dissimulée Starcrash. Sans complexe et avec un aplomb déconcertant, l’actrice, trente-cinq ans plus tard, revient sur le tournage : « Nous avons tourné dans les studios mythiques Cinecittà et j’ai adoré travailler avec David Hasselhoff ». Mais ce n’est pourtant pas pour les qualités du film que son auditoire l’écoute religieusement. La stupéfaction amusée monte dans la salle à l’évocation de cet acteur has-been. Pourtant, Caroline Munro n’en a que faire.
Icône de sa génération, Caroline Munro a imposé sa plastique de rêve dans un cinéma de genre, raisonnablement masculin, avec une attitude très girl power déconcertante à cette époque encore très phallocrate. Avant de porter le coup fatal au fameux Maniac, Caroline devient le « meilleur pilote » de toute la galaxie dans Starcrash, à la manière de Starbuck dans le nouveau Battlestar Galactica. De quoi faire pâlir d’envie Carrie Fisher tant son rôle de Princesse Leia ne lui donnait pas autant de charisme et d’opportunités de carrière ! N’oublions pas non plus que Caroline est la seule James Bond Girl à ne pas avoir succombé aux charmes de l’agent secret macho, époque Roger Moore, dans L’espion qui m’aimait. Son personnage jouait même d’égal à égal avec 007. Il va sans dire que l’actrice, qui a toujours refusé des rôles dénudés, demeure une effigie féministe du cinéma de genre, où les femmes sont aujourd’hui encore trop souvent cantonnées au statut de victime.