The Contractor : dur dur d’être un barbouze
Loin de la légèreté des Star Trek, Chris Pine joue les mercenaires en perdition dans le « bournesque » The Contractor.
Peut-être parce qu’il n’a pas eu l’occasion d’enfiler les tenues en Spandex propres aux super-héros, peut-être aussi parce que sa filmographie manque de jalons incontournables, en dehors de la trilogie Star Trek qui en a fait une, de star, et de pépites comme Comancheria, Chris Pine n’a pas encore l’aura intouchable des autres vedettes hollywoodiennes de sa génération. Son statut bankable n’a pas été suffisant pour éviter à The Contractor une sortie directement sur Amazon Prime Video. Le film, qui marque la première incursion dans la production en anglais de Tarik Saleh, réalisateur de Metropia et Le Caire Confidentiel reparti primé de Cannes pour son futur Boy from heaven, semblait pourtant idéal pour le grand écran. C’est un véhicule pour Chris Pine, qui délaisse sans regrets l’univers plan-plan de Jack Ryan pour s’aventurer sur le terrain, plus porteur, du thriller d’espionnage musclé à la Jason Bourne ou Jack Reacher. À l’image de son débrouillard et stoïque héros, les compétences du casting comme de l’équipe technique sont d’un très bon niveau dans The Contractor, même si cela ne suffit pas à en faire une production mémorable.
Pour l’amour du drapeau… et de l’argent
La première heure de The Contractor est pourtant à même de dérouter les plus impatients spectateurs. Saleh prend le temps de s’immerger, et nous avec, dans l’univers de James Harper (Pine, constamment au bord de l’implosion), un officier des Marines ayant grandi dans la pieuse Amérique de la Red Belt et symbole vivant de la trinité « Dieu, famille, patrie ». L’armée, c’est sa vie, mais après cinq tours en Iraq et en Afghanistan, son genou est en vrac et ses supérieurs le virent parce qu’il s’est dopé pour surmonter la douleur. Acculé, couvert de factures, Harper accepte sur les conseils de son frère d’armes et ancien supérieur Mike (l’excellent Ben Foster, qui reforme avec Pine le duo de Comancheria) de passer dans le privé en bossant pour Rusty (Kiefer Sutherland, sous-exploité), à la tête d’une société de mercenaires opérant en souterrain pour la Maison-Blanche. Attiré par son discours anti-establishment et une coquette somme d’argent, Harper se rend à Berlin pour une opération visant à questionner un scientifique douteux. La routine, sur le papier. Mais dans ce monde sans règles, l’honnêteté n’est pas une ligne obligatoire sur le CV…
« Un divertissement linéaire bondissant d’une fusillade à une poursuite. »
Sous ses oripeaux de film d’action militariste yankee (on peut quasiment humer l’âme de cette Amérique pro-armes, patriarcale et blanche, où le patriotisme se construit même en réaction à l’éducation paternelle), The Contractor, avec sa mise en place patiente, son héros aux pieds d’argile – dans tous les sens du terme – obligé de vendre ses talents pour une mission finalement vide de sens, a des choses à dire sur l’état de la société américaine. L’amour de l’argent y a remplacé, insidieusement, celui du drapeau, et Harper, malgré son talent et sa droiture, va se salir les mains comme les autres avant de réaliser son erreur. À partir du moment où l’action se déplace à Berlin, toujours accrochée aux basques, aux routines méticuleuses, presque hypnotiques, du barbouze en mission, The Contractor devient petit à petit ce qu’il devait être : un divertissement linéaire bondissant d’une fusillade à une poursuite, en mode Bourne grisâtre paniqué – sauf au niveau de la caméra, Saleh filmant les échauffourées de manière plus prosaïque qu’un Greengrass. Le casting international se déploie (Fares Fares, Nina Hoss ou encore Eddie Marsan passent brièvement une tête), la méticulosité laisse place aux facilités, le scénario prenant un tour prévisible des plus décevants. Chris Pine laisse sa rage exploser, mais son personnage perd en cohérence lors d’une vendetta finale qui conclut de manière bien trop manichéenne un scénario qui naviguait au départ dans des zones grises plus intéressantes.