The Guilty : un remake pour rien ?
Copie carbone d’un thriller danois à succès, The Guilty peut à peine compter sur Jake Gyllenhaal pour justifier son existence.
Sans être le chef d’œuvre de tension que tout le monde aime à (sur)vendre, le film danois The Guilty, sorti en 2018, reste un bon polar propulsé par la force de son concept, celui d’un huis-clos audiophonique où l’intrigue s’écoute plutôt qu’elle se regarde. Que le personnage principal soit un flic borderline bouillonnant de frustration parce que son seul moyen d’action est de parler et non d’agir sur le terrain, ne gâchait rien à l’affaire, même si celle-ci était finalement plutôt classique. Bien sûr, qui dit concept fort, dit oreille hollywoodienne attentive. Et il n’a pas fallu attendre longtemps avant l’idée d’un remake fasse son chemin jusqu’en Californie, avec aux manettes de la chose l’efficace faiseur Antoine Fuqua (Les sept mercenaires, Training Day) et Nic « True Detective » Pizolatto, chargé d’adapter cette histoire au contexte américain. Tourné en pleine période covidée, The Guilty (ou plutôt (The) Guilty si l’on s’en réfère au jeu sur le titre des cartons du film) est incontestablement en phase avec son époque et l’actualité immédiate des USA, mais cela suffit-il à justifier son existence ?
Au cas où vous n’auriez pas vu l’original, un rappel rapide s’impose : The Guilty raconte la nuit éprouvante que vit Joe Baylor (Jake Gyllenhaal prend la suite de Jakob Cedergren), flic de Los Angeles mis sur la touche le temps que la justice enquête sur une fusillade où il était impliqué. Rapatrié au centre d’appels d’urgence de la police, Baylor s’investit plus que de raison sur l’appel au secours d’une femme qui semble-t-il a été kidnappée dans un van roulant à vive allure. Outrepassant petit à petit sa fonction, envoyant paître tous ses collègues, l’officier de police multiplie les appels en espérant sauver la situation, et ce faisant, révèle ses propres fêlures, qui menacent d’envenimer les choses plus que de permettre de les résoudre…
Toujours à l’écoute
Maintenant que Netflix a mis en ligne l’original, histoire de rendre à César ce qui appartient aux Danois, il est essentiel de mettre les choses au point : tous ceux qui espéraient que l’apport de Pizzolatto, entre autres, allait permettre d’enrichir, voire même d’améliorer les qualités de The Guilty dans son passage outre-Atlantique, en seront pour leurs frais. En termes de narration, de rebondissements, de progression dramatique, la copie est strictement IDENTIQUE à l’original. La duplication maniaque opérée par Antoine Fuqua, qui a troqué le côté glacial des bureaux du film de Gustav Moller contre les couleurs chaudes et hi-tech de la Californie (The Guilty US se déroule pendant des incendies de forêt cataclysmiques aux portes de L.A.) et inséré quelques images mentales évasives « sur le terrain », est presque déstabilisante, tant le script est repris tel quel, avec un effort minimal d’adaptation au contexte nord-américain.
« La copie est strictement IDENTIQUE à l’original. »
Parce que Gyllenhaal est une star, il s’est visiblement plu à rajouter quelques couches de psychologie à son peu aimable personnage, désormais sujet à des crises d’asthme et vivant une douloureuse séparation avec sa femme. Contrairement à l’original, l’acteur est ici en démonstration, au bord de l’explosion, à bout de souffle, les veines en surchauffe : même s’il ne cabotine pas, hormis les voix au téléphone (Ethan Hawke, Riley Keough et Paul Dano se succèdent à l’autre bout du casque), Gyllenhaal est presque seul à l’écran et l’occupe donc avec toute l’énergie dont il est coutumier. Finalement, l’unique moment où The Guilty existe au-delà de la copie paresseuse, c’est dans ses dernières images : une fois l’affaire de Baylor résolue à distance, la confession du flic puis une voix off de journaliste nous en disent plus sur les actes dont il s’est rendu coupable. En quelques phrases, Fuqua et Pizzolatto décrochent de la fiction et rebranchent notre conscience sur la montée des violences policières aux USA, sur l’affaire George Floyd, sur Black Lives Matter… Un post-scriptum qui prête à réflexion, mais presque incongru, hors sujet, comme un ajout de dernière minute qui voudrait faire du film autre chose qu’un remake de plus s’appropriant l’efficacité et les bonnes idées des autres. Trop peu, trop tard.