The Icebreaker : ennui polaire
Avec l’aventure maritime Icebreaker, la Russie s’essaie au film catastrophe en milieu polaire. Mais cette aventure-là nous a laissé froid…
Comme nous l’avions pressenti dans notre dossier sur les nouveaux blockbuster russes, la patrie du camarade Poutine est entrée dans une période de transition décisive en matière de cinéma de divertissement. Même s’ils restent complexes à exporter dans le monde occidental, les films slaves ont de la technicité et de l’ambition à revendre. Et à force d’impressionner la rétine des acheteurs et d’affronter sans complexe l’ogre hollywoodien dans les genres qui font sa réputation (les super-héros avec Guardians, l’épopée en costumes avec Viking…), ce cinéma-là va bien finir par traverser pour de bon nos frontières. Le festival du BIFFF 2017 a tenu à souligner cette tendance, en projetant entre autres le glacial film d’aventures maritime Icebreaker.
Un brise-glace qui laisse froid
En découvrant l’existence d’Icebreaker, que l’on doit aux producteurs de Metro (une rame déraille dans le métro, les survivants doivent s’échapper de tunnels inondés : on vous le conseille !), il était permis d’espérer une sorte de variation en col bleu sur le thème de Titanic. Après tout, il s’agit d’une histoire basée sur un incident qui s’est déroulé en 1985, sur un brise-glace endommagé par un iceberg et resté prisonnier des glaces pendant des mois. Et à l’écran, ce film tourné au large de Murmansk, tout au nord du continent russe, a un vrai potentiel de dépaysement : le seul décor qui vient perturber l’immensité glacée qui s’étale à l’écran, c’est le bateau « Mikhail Gromow » et ce satané iceberg qui dérive, ô malédiction, dans le même sens que le navire qu’il vient de croiser.
Mais contrairement à ce que laisse penser le très remuant premier quart d’heure de Icebreaker, qui ressemble au climax d’un film catastrophe à très gros budget, il est très peu question de survie et de sacrifice dans ce long-métrage aussi pesant que redondant. Plus proche du drame politique que du survival, le scénario raconte par le menu la frustration qui s’empare de l’équipage du bateau, depuis le capitaine mis sur la touche (Pyotr Fyodorov, vu dans Stalingrad et Darkest Hour) jusqu’au cuistot en passant par le nouveau maître des lieux (Sergey Puskepalis, Black Sea), un loup de mer débarqué en hélicoptère et aussi patibulaire que renfermé. Icebreaker, qui prend des airs de Révoltés du Bounty sauce communiste, fait bien malgré lui l’éloge de l’immobilisme : des victimes, il y en aura peu, de l’action et du suspense aussi. À la place, le réalisateur Nikolay Khomeriki nous propose des manigances politiques confuses et sans intérêt, des batailles d’ego sans importance, ou des mutineries sans panache. Icebreakerne se réveille, et le bateau avec, que dans le dernier quart d’heure, le temps d’un beau moment de n’importe quoi où le pilote d’hélicoptère parvient à heurter le seul obstacle présent à des centaines de kilomètres à la ronde : l’iceberg. Maigre bilan pour un film que l’on aurait imaginé bien plus palpitant, et moins clément envers les figures du pouvoir (même contestée, l’autorité du nouveau capitaine n’est jamais mise en défaut par la narration) qu’il glorifie vainement.