The Kid : à l’ombre des légendes de l’Ouest
Western à cheval entre tradition et réinterprétation, The Kid rejoue le duel entre Pat Garrett et Billy le Kid à la façon d’un conte initiatique. Une tentative plutôt intéressante.
Si elle se base bel et bien sur des faits réels, l’histoire de la longue chasse à l’homme menée au temps du Far West par le shérif Pat Garrett pour stopper le hors-la-loi Billy le Kid s’est depuis longtemps transformée en matière dont on fait les légendes. Adapté au cinéma pratiquement dès les débuts du format, le récit a connu de multiples versions sur grand écran, parmi lesquelles certaines fameuses comme Young Guns en 1988 ou surtout le Pat Garrett & Billy the Kid de Peckinpah en 1973. Tout comme le réalisateur de La Horde Sauvage, Vincent d’Onofrio, célèbre acteur passant pour la deuxième fois derrière la caméra, a choisi de démythifier les légendes en réalisant The Kid, en commençant par son titre trompeur, qui ne désigne pas forcément le fringant jeunot auquel on s’attend.
Entre brutalité et mélancolie
Le véritable héros de ce western au tempérament mélancolique et brutal à la fois, se nomme Rio (Jake Schur). Gringalet au cœur tendre qui ne vit que pour protéger sa sœur, Rio voit sa vie bouleversée quand il tue sa brute de père pour la sauver, et doit s’enfuir dans la foulée pour éviter les représailles de son taré d’oncle Grant (Chris Pratt à contre-emploi, qui retrouve d’Onofrio et le genre après le remake des Sept Mercenaires). Rio va-t-il pencher du mauvais côté de la famille à forcer de vouloir faire le bien ? C’est ce que le garçon commence par penser en tombant dans sa fuite sur Billy (magnétique Dane De Haan, plus « dicaprien » que jamais), qui avec son gang cherche à se réfugier dans une grange des hommes de Pat Garrett (Ethan Hawke, lui aussi ancien Mercenaire et décidément accro aux grands espaces depuis In a valley of violence). Les deux hommes s’attachent sans s’en rendre compte au jeune homme et à son périple, tout en lui servant indirectement de grand frère ou de père de substitution. Ballotté d’un camp moral à un autre, Rio doit choisir quel homme il souhaite devenir, tout en évitant les balles que tout ce beau monde s’échange…
« The Kid tente d’évoluer dans les zones de gris typiques du western post-moderne. »
S’il n’est pas entièrement dénué d’action et de cavalcades, du reste plutôt bien mises en scène et photographiées sans atteindre les sommets, au hasard, d’un Open Range ou même des Sept Mercenaires (on devine que le budget est un poil plus modeste), The Kid s’apprécie surtout dans ses moments de creux, de doute, où Vincent d’Onofrio fait se confronter ses personnages à leur propre destinée. De Haan, et surtout Hawke, sont des vecteurs idéaux pour faire ressentir ce poids qui pèse sur les épaules de ces hommes qu’on devine usés par le rôle dans lequel ils se sont enfermés. Le pilier de la loi d’un côté, qui sait qu’il doit mettre de côté sa noblesse morale pour remplir sa mission ; l’éternel électron libre de l’autre, qui ne peut s’empêcher même menotté de tenter de s’évader, comme poussé par une force motrice qui ne pourrait, même s’il le voulait, en faire autre chose qu’un bandit. Il suffit de voir la manière dont The Kid rejoue la dernière rencontre entre les deux hommes, ou la façon dont Billy s’excuse presque de descendre les hommes de loi qui se retrouvent sur son chemin, pour voir que le film tente d’évoluer dans les zones de gris typique du western post-moderne. Dommage que The Kid peine à équilibrer son scénario entre ses personnages fictionnels, fatalement moins fascinants, et ce duo de légendes malgré elles. Les deux intrigues semblent se percuter sans jamais déboucher sur une fusion satisfaisante (Rio aura-t-il appris quelque chose de ces rencontres pour le futur ? On en doute un peu), produisant au final deux maigres récits plutôt intéressants malgré tout.