The Lure : sous les néons, les nageoires

par | 14 mai 2021 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

The Lure : sous les néons, les nageoires

Deux jeunes sirènes s’extirpent des flots pour devenir les stars d’une boîte de nuit dans le polonais The Lure, qui a bien mérité son statut de curiosité.

Avant de pouvoir résumer The Lure comme un conte gothique et vampirique disco-gore sur deux sirènes enrôlées dans le monde de la nuit (voilà qui est déjà long), il faut noter que ce film signé Agnieszka Smoczynska est la première comédie musicale à venir de Pologne. Le mythe fascinant des sirènes, créatures aquatiques dont le chant divin masque les noires intentions, a inspiré de nombreux cinéastes, dont récemment Stephen Chow avec le bien-nommé (et toujours honteusement inédit) The Mermaid. Ici, Smoczynska, pour son premier long-métrage, présenté notamment à l’Etrange Festival 2015, semble retourner aux racines littéraires du mythe, comme le souligne le très beau générique d’ouverture animé. Mais les références aux contes d’Andersen ne constituent qu’un des aspects d’une œuvre insaisissable, aux parti-pris narratifs hésitants.

Les sirènes de la nuit

The Lure : sous les néons, les nageoires

Des profondeurs d’une rivière surgit le chant mélancolique et hypnotisant de deux sœurs à longue queue, Golden et Silver. Elles ne tardent pas à charmer un trio de musiciens se produisant dans un night-club libidineux. Sans que cela choque grand-monde, les deux créatures dévoilent bientôt leurs charmes et leur brin de voix angélique sur scène. Silver tombe amoureuse du bassiste Mietek, tandis que Golden, qui considère ce passage sur la terre ferme comme une récréation, a du mal à retenir ses pulsions carnivores…

Ce squelette d’histoire est suivi doctement durant la première demi-heure de The Lure. Saturé de scènes musicales censées dérouler ou commenter l’intrigue, le film sacrifie vite au pouvoir languissant de ces intermèdes chantés, au détriment de la narration. L’onirisme et l’absurde prennent le dessus dès les premières minutes passées dans cette boîte de nuit moins glauque que kitsch. Du pop à la disco en passant par le punk, le melting-pot d’ambiances et d’excentricités fonctionne parfaitement, soutenu par le cachet visuel objectivement splendide, tout en paillettes et couleurs froides, du film, au générique duquel figurent plusieurs collaborateurs d’Agnieszka Holland. Mais The Lure tourne malheureusement assez rapidement à vide, introduisant des personnages superficiels et abscons dans l’équation, avant de se précipiter vers une conclusion sans panache, presque prosaïque. Singulier, le film l’est sans l’ombre d’un doute, mais il ne parvient que rarement à dépasser son statut d’intrigante curiosité.