Tucker & Dale vs Evil : détour moqueur

par | 16 août 2024 | Rétroaction

Tucker & Dale vs Evil : détour moqueur

Comédie horrifique inversant les codes du slasher redneck, Tucker & Dale vs Evil se révèle être un pur plaisir de spectateur !

Les Anglais ont une expression pour des films comme Tucker & Dale vs Evil, généralement révélés en festival à minuit devant une audience en ébullition : crowd pleaser.  Un pur plaisir de spectateur. Et de fait, le premier film d’Eli Craig (qui n’en a depuis signé qu’un autre, Little Evil) est un véritable bijou de comédie horrifique, qui a gagné ses galons de film culte (une suite a même longtemps été envisagée, malgré son échec au box-office), mais sans doute pas au même titre qu’un Shaun of the Dead. Pourtant les codes qu’il détourne sont presque aussi populaires. L’idée de Craig et son co-scénariste Morgan Jurgenson est tout simplement de s’attaquer au sous-genre très usé du « slasher redneck », en inversant ses clichés habituels.

Dans les années 70, des cinéastes comme Tobe Hooper ou John Boorman ont terrifié des générations de citadins qui avaient fini par oublier le goût de la terre et l’odeur du foin, en leur présentant la campagne américaine comme un repère d’attardés cannibales et consanguins, armés d’outils rustiques (une tronçonneuse, un arc, la bonne vieille machette) pour décimer de l’ado pas dégourdi – et les forces de l’ordre si besoin. Les chocs provoqués par Délivrance ou Massacre à la tronçonneuse ont été assez durables pour que le genre explose dans les années 80, avec la saga Vendredi 13, mais aussi Massacre au camp d’été, Survivance et bien d’autres. Le cliché du bouseux menaçant (généralement habitant de la « Corn belt » étasusienne) a perduré jusqu’à intégrer l’inconscient collectif et de manière détournée les films grand public. Même s’il y a un message de tolérance et de compréhension dans Tucker & Dale vs Evil (en l’occurrence qu’il faut se méfier de ses préjugés à l’égard d’une population donnée), l’objectif premier reste d’inverser le principe, au hasard, d’un Détour Mortel, avec entrain et malice.

Quiproquos meurtriers

Tucker & Dale vs Evil : détour moqueur

Ici, ce ne sont pas les « rednecks » qui rôdent dans les bois pour occire leur prochain, mais des jeunes urbains décérébrés qui se persuadent que tous les paysans qu’ils rencontrent sont des serial killers. La méprise est d’autant plus hilarante que les deux anti-héros en question, Tucker (Tyler Labine, adorable nounours maladroit déjà apprécié dans la série Reaper) et Dale (Alan Tudyk, un régulier de Joss Whedon) sont d’adorables andouilles, qui rêvent juste de profiter de leur cabane au bord du lac. Des Laurel et Hardy du Sud, en quelque sorte, qui s’enfoncent dans des quiproquos macabres, au fur et à mesure qu’un gang d’étudiants en goguette mené par un sportif de service, Chad (Jesse Moss), traumatisé depuis son enfance par les « hillbillies » (en gros les idiots du village), s’auto-décime accidentellement en tentant de neutraliser ces deux ahuris.

« Les mises à mort, stupides et inattendues, s’empilent à cause d’une malchance si « hénaurme » que les éclats de rire sont constants. »

Comme Shaun of the Dead, Tucker & Dale vs Evil réussit le pari de mener de front humour noir et gore cartoonesque, relançant sans cesse sa machine à rebondissements, en faisant intervenir après chaque « accident » de nouveaux personnages toujours plus à la masse, et créant même une histoire d’amour touchante entre Tyler et l’étudiante moins idiote du lot, Allison (Katrina Bowden). Les mises à mort, aussi stupides qu’inattendues, sont assez inventives pour surprendre et s’empilent à cause d’une malchance tellement « hénaurme » (on penserait presque à Destination finale) que les éclats de rire sont constants – et bruyants. L’énergie des dialogues, bourrés de clins d’œil plus ou moins subtils, et l’alchimie entre les deux acteurs principaux sont aussi de sérieux atouts. On peut seulement reprocher à ce vaudeville ubuesque et forestier de se terminer sur des rails un peu trop classiques, une fois que toutes les quiproquos possibles ont été épuisés, et que le véritable méchant de l’histoire (tout aussi réussi que les faux) est révélé. Malgré cette petite baisse de régime en fin de parcours, Tucker & Dale vs Evil a gagné depuis toutes ces années sa place au panthéon des comédies d’horreur incontournables : un genre parmi les plus difficiles à maîtriser, mais les plus jouissifs à voir (notamment en festival) lorsque le résultat est réussi.