Top 10 : le meilleur et le pire de 2011
Avant de repartir pour de nouvelles aventures, petit bilan des meilleurs films vus au ciné ou à la maison en 2011.
Que retiendra-t-on de 2011 ? L’insolente santé du cinéma français, déjà, qui s’est payé le luxe d’aligner non pas un mais deux cartons cosmiques, deux comédies bien sûr (Rien à déclarer et Intouchables, pour les trois du fond). Derrière, de nombreuses œuvres ont créé la surprise par leur audace et leur justesse, à commencer par Polisse et La guerre est déclarée, qui représentera notre beau pays aux prochains Oscars. Impossible aussi d’oublier Présumé coupable, The Artist, L’ordre et la morale… Des titres à la fois importants et différents.
On oubliera pas non plus justement cette « saison » des Oscars qui a vu déferler en début d’année des films américains, de Black Swan à Winter’s Bone en passant par Fighter, créant l’événement non pas pour leurs stars et leurs effets spéciaux (quoique…), mais pour leur ambition, leurs qualités intrinsèques, leurs propositions d’univers
L’Asie se sera elle moins distinguée sur les écrans, si ce n’est par la présence des inusables Coréens, redoublant d’efficacité quelque soit le support par lequel leurs œuvres nous parviennent. Le problème reste, pour ces cinématographies comme pour celles du reste du monde, de trouver le chemin des salles ou des bacs dans des conditions correctes, voire de les trouver tout court.
Difficile d’exister, avec presque 90 % des parts de marché dans les cinémas cumulés par la France et les USA, et une offre « home cinéma » pléthorique mais mal mise en valeur – essayez donc de naviguer dans les menus VOD de votre fidèle bobox sans savoir quoi regarder, c’est le mal de crâne assuré. Pour Une séparation créant l’événement dans les salles par le bouche-à-oreille, ou un Stake Land dignement présenté en Blu-Ray (c’est-à-dire avec une vraie promotion et moins d’un an après sa présentation dans les festivals), combien de sorties confidentielles, à la marge, ou passant inaperçues ?
Nouvelle décennie, nouvelles pratiques
La tendance de cette nouvelle décennie, c’est sans doute cela : le brouillage des habitudes de consommation des spectateurs. Bouleversées successivement par l’Internet, dont le flux d’infos et d’images donne envie (et permet !) de voir tout et tout de suite, l’adoption de la haute définition, la généralisation contestée de la 3D, ou la virtualisation du vidéo-club, ces habitudes sont un vrai casse-tête à décrypter pour les producteurs comme les distributeurs. Pour le cinéma de genre, par exemple, l’affaire est entendue : l’avenir passe par la multiplication des manifestations événementielles, du type festivals ou séances de minuit, seules manières de voir sur grand écran des films qui n’ont malheureusement plus leur place dans le circuit traditionnel, et/ou par des sortie événementielles en HD soutenues par la presse spécialisée (hello, Christopher Smith). Cela explique sans doute le nombre croissant, voire démentiel, d’œuvres inédites à découvrir directement dans son canapé en 2011.
C’est pour la raison pour laquelle ce top ne serait pas complet sans l’inclusion de titres exclusivement sortis tout près de chez vous, en location ou téléchargement légal. Hé oui, être cinéphile, c’est aussi être un gentil consommateur (et un méchant quand on vous arnaque avec de la mauvaise 3D). Bonne année cinéphagique !
Top 10 cinéma
10. Winter’s bone
À la fois chronique désenchantée d’une Amérique mystique et décharnée, et film à suspense étouffant, Winter’s Bone est un voyage au bout de la nuit fascinant, porté par une vraie révélation nommée Jennifer Lawrence.
9. Murderer
Après un The Chaser bien secouant, Na Hong-Jin montre à nouveau les dents. Peinture d’une caste « d’intouchables » dont l’unique raison d’exister est la fuite en avant, Murderer prend d’abord son temps, avant d’enchaîner les scènes d’anthologie. Barbare, époustouflant.
8. Habemus Papam
L’égocentrisme de Nanni Moretti n’a aucune limite. S’il ne s’était pas donné un rôle de psychiatre fan de volley, Habemus Papam tiendrait du chef d’œuvre. En l’état, c’est une réflexion brillante, mais bancale, sur la religion, la fin des illusions d’une société en perte de repères, du père aussi.
7. Insidious
Le retour du cinéma qui fait peur et qui fait du bien, par un réalisateur qui connaît toutes les (bonnes) ficelles. Jump scares de folie, détournement malin des codes du film de maison hantée, énergie bluffante de la mise en scène… Un vrai train fantôme, version 2.0.
6. Les aventures de Tintin
6. Les aventures de Tintin
Adaptation « indianajonesque » endiablée du mythe belge, le dernier Spielberg retrouve une joie de filmer presque enfantine, emballant des séquences fabuleuses de virtuosité déchaînée avec l’aide d’une 3D enfin maîtrisée. Plaisir régressif garanti.
5. J’ai rencontré le diable
Esthète inégal mais inspiré, Kim Jee-Won s’est surpassé pour signer ce I saw the devil réservé aux spectateurs bien accrochés. Conte cruel d’une vengeance aussi intolérable que le crime qui l’a engendré, ce chef d’œuvre nihiliste fascine autant qu’il choque.
4. Black Swan
Ballet cronenbergien hallucinatoire, Black Swan a démontré que l’on pouvait utiliser les effets d’un film d’épouvante pour un pur drame psychologique. Ici, c’est la manière qui importe, de la fièvre contagieuse de Portman aux expérimentations chaotiques du cinéaste.
3. The Artist
Film muet mais plus « parlant » que beaucoup d’autres dissertant sans fin sur le pouvoir du 7e art, The Artist est une leçon, un plaisir, une friandise autant qu’un défi. On déguste les clins d’œil, l’alchimie ducouple vedette, l’idéal de cinéma que ce retour vers le futur incroyable propose.
2. Animal Kingdom
Une baffe venue d’Australie, une tragédie qui n’aurait pas déplu au Coppola des grands jours, où le poids écrasant de la famille n’autorise aucun échappatoire. Rempli d’acteurs que l’on aimerait mieux connaître, maîtrisé jusqu’au dernier plan, Animal Kingdom est à découvrir d’urgence.
1. Drive
Un appel dans la nuit, un mantra (« I just drive »), un sentiment familier et mélancolique, celui de vouloir se perdre sur les routes de LA, cure-dents à portée de bouche… Drive n’est pas qu’un film (uber) cool. C’est une synthèse aussi gratuite qu’essentielle de 30 ans d’un cinéma commercial et exigeant, une galaxie où Kubrick, Michael Mann et David Lynch auraient déjà posé leurs valises. Winding Refn fait désormais partie de ces étoiles que l’on garde éternellement dans nos mémoires.
Top 5 DTV
5. Redline
Fruit de presque dix ans de travail, Redline écrase sans ménagement le boursouflé Speed Racer, tout autant que la Podrace d’une Menace Fantôme de sinistre mémoire. Décomplexé, ludique, furieux et complètement fou, voilà qui va vous réconcilier avec l’animation japonaise.
4. Stuck
Enfin sorti chez nous après trois années d’oubli, le dernier film de Stuart Gordon est un vrai électrochoc. Satire sociale horrifique et cruelle, Stuck s’inspire d’une histoire vraie (on vous laisse de la découvrir) bien plus terrifiante que n’importe quel Saw. Observateur impitoyable mais juste, Gordon livre avec cette fin de trilogie « réaliste » (après King of the Ants et Edmond) son meilleur film.
3. Slice
Thriller gigogne et baroque commençant comme un vulgaire torture porn avant de dévisser brutalement pour se transformer en chronique « kingienne » d’une enfance sacrifiée, le thaïlandais Slice se permet en plus d’offrir un twist si barré et imprévisible qu’on se demande comment les Américains ont fait pour ne pas l’avoir déjà remaké.
2. Heartless
Coup de coeur oblige pour le retour discret mais efficace de Philip Ridley, le Terrence Malick du ciné indé, qui n’a pas loupé son troisième film en visant l’horreur sociale et la parabole bien vue sur le pouvoir de l’apparence dans notre société moderne. C’est riche, profond, ouvert aux interprétations, modeste dans sa confection et ambitieux dans son propos : une perle à voir d’urgence.
1. Super
On en parlait il y a peu (le film est sorti en décembre), et il faut bien en remettre une couche : l’incorrect, foutraque et hilarant Super est un bonheur de film, une réflexion aussi comic qu’agressive sur les raisons de la fascination provoquée par les super-héros (disons que la religion et la connerie proverbiale du genre humain y sont largement pour quelque chose). C’est aussi une célébration de l’esprit « do it yourself » que n’aurait pas renié Michel Gondry.
Top 10 Flop 2011
1. Sucker Punch
On a tous fantasmé sur la vision geek de Snyder. Avant de se rendre compte que le réalisateur avait en tête une tentative désincarnée de faire son Inception version teenager en chaleur. Graphiquement certes, ça démonte, mais on se sent plus concerné par une cinématique PS3.
2. Devil
Un huis-clos démoniaquement nul, qui aurait pu faire un bon épisode de La 4e Dimension si ce n’était pas aussi pontifiant et ridicule. Bonus : le coup de la biscotte. Qui n’a rien de sexuel, non.
3. LA Zombie
Peu de gens le verront, et c’est tant mieux. Invraisemblable bouse arty-horrifico-gay tournée à l’arrache dans les rues de Los Angeles, LA Zombie ne charrie que du vide, de l’ennui et un besoin abscons de choquer à la fois la communauté homo et les amateurs de films d’horreur. À quoi bon ?
4. Harry Potter 7.2
Alors c’est ça la conclusion épique à la soporifique saga du gentil sorcier ? Un duel de baguettes « C’est moi qui ait la plus longue ! – Oui mais moi elle est plus dure ! » à la X-Men avec trois plans de batailles pompés chez Peter Jackson ? Bon bah, ok. C’était long, quand même, hein.
5. Time Out
Roh le bon concept : le temps qui devient réellement de l’argent. Voilà une idée brillante, mais malheureusement, c’est Andrew Niccol, le Marc Lévy de la science-fiction, qui l’a eue. Dommage.
6. Hideaways
On a évoqué un mélange entre Amélie Poulain et Twilight. Et c’est exactement ce qu’on a avec Hideaways, qu’on pourra trouver au choix mignon tout plein ou complètement crétin. J’opte pour la deuxième solution, Jean-Pierre.
7. Battle L.A.
C’est un peu la maladie grave des blockbusters de 2011 : la forme, impressionnante, est parasitée par des mécaniques scénaristiques carrément honteuses. Battle Los Angeles a beau dépoter, son patriotisme décérébré et ses trous béants dans la narration laissent songeur.
8. Killer Elite
Robert de Niro continue de creuser sa tombe en rejoignant un Clive Owen égaré dans ce véhicule faussement ambitieux pour le Stat’ : entre film d’espionnage et pelloche d’action énervée, Killer Elite choisit le camp du n’importe quoi anonyme.
9. Green Lantern
Budget astronomique et ambition démesurée pour un super-héros aussi casse-gueule que Thor. Là où le kitsch rigolo l’emporte chez Branagh, Green Lantern s’essaie au premier degré intergalactiquement naze, avec Reynolds en combi fluo et des méchants consternants.
10. Company Men
Se donner bonne conscience après la crise en filmant le retour aux vraies valeurs d’une poignée de conn… cadres au chômage, en voilà une bonne idée. Si vous voulez savoir comment survivre à l’inflation, voilà ce qu’il faut faire : retapez des maisons et soyez gentils avec vos patrons.
Texte bilan intéressant et Top pas loin d’être irréprochable… J’adhère ^_^
Je suis tellement d’accord avec ce que tu dis sur Habemus Papam ! C’est quand même dingue de « gâcher » un tel film juste parce que on s’aime plus que tout au monde !
Et je suis aussi incroyablement d’accord pour « Super », qui est quand même ZE surprise de l’année.
Bon bah si tout le monde est d’accord, c’est parfait, alors. 🙂
Quelques regrets tout de même : pas encore vu Shame et Hugo Cabret, et j’ai brillamment loupé les derniers Allen, Lars Von Trier et Alex de la Iglesia. Peut-être que le top aurait été différent si ça n’avait pas été le cas…
Ben oui, mine de rien, ça te fait quand même 3 quasi-chefs d’œuvre loupés + 1 excellent film + un film pas mal mais coincé (à toi de retrouver qui est qui). Ça commence à faire beaucoup, enfin !
Harry Potter un flop ? Nous n’avons vraiment pas vu le même film !
Eh mais c’est qu’il modifie ses articles, l’animal ! Pouf ! Un top flop qui apparaît de nulle part !
Eh oui, je me suis aperçu après que j’en avais quand même bien vu, des mauvais films. Mais il vaut mieux, je crois, voire parfois un vrai mauvais film qu’un truc moyen. C’est horrible, les films moyens, deux mois après, tu ne te souviens même plus de quoi ça parlait. Alors qu’un navet, un vrai, ça s’oublie pas. 🙂