Ça sonnerait presque comme un vieux disque rayé, mais la propension des producteurs à vouloir absolument spoiler tous les rebondissements d’un film dans des trailers à rallonge m’agace prodigieusement. Dans certains cas, cela tient presque du gag : on croit le montage terminé, les cuts se sont accélérés pour opérer une cascade quasi-subliminale de money shots, bam, bam, bam, écran-titre. Pfiou, ça y est c’est fini ? Ben non, on t’en refait encore un, encore plus aveuglant et rapide que la lumière, histoire d’achever les derniers réticents. The dark knight rises, La colère des Titans, John Carter, Battleship, Jack le tueur de géants, Blanche-Neige et le chasseur… L’avalanche récente de « trailers de blockbusters » n’a pas échappé à cette envie de toujours en montrer plus, au détriment de cette excitation pourtant bien réelle de ne rien savoir ou presque du film que l’on va voir. Signe de fébrilité, de manque de confiance dans le potentiel rassembleur de ces franchises à gros budget ? À voir les résultats astronomiques des entrées en salles en 2011, on aurait envie de dire que les studios n’ont rien  à craindre, et tout à gagner, à stimuler un peu plus l’imagination des internautes qui aiment à se ruer sur leur écran dès qu’un trailer y tombe en HD. Et non, je ne vais pas vous faire une comparaison avec les femmes et leurs mystères, même si elle est tentante… Effervescence oblige, cet épisode 7 était à deux doigts d’être estampillé « été 2012 », tant les titres attendus de cette future année orgasmique se sont bousculés sur Youtube pendant les fêtes.

Mais non. My trailer is rich garde son credo initial : varier les plaisirs, surprendre, passer de la Thaïlande à l’Amérique du sud en faisant une halte en Espagne… Avec, soyez-en sûrs, une dose relative de spoilers dans le lot, histoire de rester, hum, excités. N’essayez pas de comprendre : regardez.


L’autre planète interdite

Est-ce une préquelle, est-ce un spin off, est-ce un androïde blond que je vois là ? Les mystères abondent dans Prometheus, imposant et fascinant projet de Ridley Scott, qui marque son retour à la SF presque 30 ans après en avoir redéfini l’ambition visuelle. Officiellement, Prometheus se déroule avant les événements du premier Alien, et se focalise lui aussi sur le périlleux voyage entrepris par l’équipage d’un vaisseau (qui n’a pas comme le Nostromo vocation de transport, mais d’exploration) sur une planète lointaine, renfermant bien sûr son lot de secrets, et peut-être même une vilaine créature familière… Comme avec The Thing 2011, on pouvait craindre une sorte de remake déguisé d’un film intouchable, mais le  fabuleux teaser dévoilé à Noël témoigne surtout d’une ambition démesurée de la part de Scott et ses scénaristes Jon Spaihts (The darkest hour) et Damon Lost Lindelof. De la SF viscérale et adulte à portée métaphysique, explorant à la fois les origines d’un mythe – l’Alien, bien sûr, mais aussi le space-jockey – et de notre civilisation ? Bring it on, sir Ridley.


Un anneau, une pipe, un hobbit, et c’est reparti

On pourra toujours pleurer sur l’éviction (plus ou moins consentie par l’intéressé) de Guillermo del Toro du projet, et tiquer sur la timidité de cette bande-annonce qui cherche surtout à capitaliser sur le souvenir de la trilogie. N’empêche : The Hobbit a enfin pris vie, et l’étrangeté familière des décors (les mêmes, mais reconstruits en Nouvelle-Zélande pour l’occasion), la reprise de codes établis et bien connus (les chansons tirées des livres de Tolkien, les plans aériens tournoyants, le choix d’une narration en voix off et d’un ton mélancolique, les plongées et contre-plongées affolantes de Jackson et son usage inspiré du grand angle), ainsi que la sobriété trompeuse de ces premières images suffisent à transporter de bonheur n’importe quel addict de la saga. Maintenant, il va falloir se taper toute cette année 2012 avant de le découvrir. Bagginsss !


Empalé de rire

C’est qu’il deviendrait dur à suivre, le gros barbu. Non, pas George Lucas (où croyez-vous qu’il aille ?*) mais l’ibérique Alex de la Iglesia, tout juste sorti d’un Balada triste de trompeta qui en a laissé plus d’un sur le carreau. Plutôt que de se reposer sur ses lauriers, le jovial et brillant réalisateur a tout de suite enchaîné sur une nouvelle pelicula, une satire acerbe (pléonasme) typique de son univers. Jose Mota, qui est un peu le François Damiens espagnol, tient la vedette de ce Chispa de la vida (littéralement « l’étincelle de vie ») aux côtés de Salma Hayek. L’histoire ? Un publiciste au chômage, malgré qu’il soit l’inventeur du slogan local de Coca-Cola (la fameuse « chispa de la vida »), termine après un accident empalé sur une barre de fer, dans un vieux théâtre romain. Vivant, mais impossible à bouger, le malheureux va transformer son calvaire en show médiatique, pour assurer des revenus à sa famille, avec la complicité d’un promoteur sans scrupules. Quelle époque, hein ?

* DTC, pardi.

Impossible n’est pas… ah bah si, là, quand même

Les parrains, on a rarement la chance de les choisir soi-même dans sa famille. Dans le cinéma, c’est pareil, sauf que c’est comme avec les aimants : le talent attire généralement un plus grand talent, qui le prend sous son aile, comme un parrain, quoi. ‘Voyez ? Un exemple, tiens : Juan Antonio Bayona a littéralement explosé avec L’Orphelinat, énorme succès en Espagne, qui lui avait été confié par Guillermo del Toro. Maintenant, (jambon) Bayona vole de ses propres ailes, et a décidé de se foutre sous l’eau pour raconter, dans une ambiance de survival apocalyptique – c’est de saison -, le calvaire invraisemblable et pourtant vrai d’une famille de touristes lors du tsunami asiatique de 2004. Le teaser de The Impossible explose facile le récent Au-delà, Bayona ayant opté pour des effets pratiques et non digitaux, et annonce un récit à hauteur d’homme chargé en émotions.


Quand votre sueur fait boum

L’Argentine ne fait pas que des bons films de prestige avec Ricardo « oui je joue dans tous les films de mon pays et alors ? » Darin, du style Dans ses yeux. L’horreur, ça marche plutôt pas mal aussi là-bas, en tout cas pour Adrian Garcia Bogliano, auteur d’une quinzaine de films dont le seul connu chez nous, I’ll never die alone, était une merde sans nom. Ça paraissait donc mal parti, mais son petit dernier, Sudor Frio, aka Sueur Froide, s’annonce bien plus schwinguant : en gros, ça parle d’une bande de jeunes blaireaux qui s’égare, comme d’habitude, là où il ne faut pas. En l’occurrence, une maison habitée par deux vieux cinglés, qui s’amuse à cloîtrer les imprudents dans un réseau de caves surchauffées (d’où la sueur) remplies… de caisses de vieille dynamite hautement instable. Soyez-en certains : le trailer est aussi WTF que le pitch.


À l’envers, deux terres (lol)

Encore un Juan dans cette fournée, à croire qu’ils se reproduisent entre eux, à la fin ! Cette fois c’est Juan Diego Solanas, très remarqué avec son court-métrage dans l’esprit de Magritte, L’homme sans tête, qui a réuni un joli casting (Jim Sturgess et Kirsten Dunst) ainsi que des fonds franco-canadiens pour réaliser discrètement cet Upside Down… renversant. Comme dans un roman SF, le film imagine deux mondes posés l’un au-dessus de l’autre, avec des immeubles littéralement « sens dessus-dessous », des gens à l’endroit donc (ceux d’en bas, les prolos), et d’autres à l’envers (ceux d’en haut, les riches). Évidemment, ça va commencer à tourner dans tous les sens et à foutre la g… une fois qu’un Roméo et sa Juliette vont braver l’interdiction de mêler ces deux mondes. On s’attend donc à des poursuites défiant la gravité, des passages de plate-forme qui évoquent curieusement Super Mario, et, heureusement, une absence totale de 3D. Vous imaginez, un sac à vomi pour aller voir une histoire d’amour ?