7500 : SOS cockpit en péril
Pilote d’avion confronté à des terroristes, Joseph Gordon-Levitt est l’attraction principale du confiné 7500, qui prend pas mal de clichés hollywoodiens à revers.
De Lifeboat à Buried, en passant par Phone Game ou Cube, l’exercice du huis-clos extrême, où l’intégralité de l’action se déroule non seulement dans un seul lieu, mais un lieu confiné et étroit, a toujours généré une certaine excitation cinéphile. Pour son premier long-métrage, le réalisateur allemand Patrick Vollrath, nommé aux Oscars pour son court Tout ira bien en 2015, n’a pas choisi la simplicité en confinant ses caméras au strict cadre d’un cockpit d’avion de ligne, le temps d’une prise d’otage aérienne particulièrement vicieuse. Réaliste, 7500 (à ne pas confondre avec la série B de Takashi Shimizu Vol 7500, elle aussi restreinte à un avion) l’est autant que possible, ce qui l’amène à évoquer le souvenir du quasi-documentaire Vol 93 de Paul Greengrass plutôt que celui d’Ultime Décision avec Steven Seagal. Pas d’héroïsme ici, mais l’observation clinique d’une situation impossible pour son héros, incarné par un Joseph Gordon-Levitt qu’on avait pas revu sur les écrans depuis Snowden, en 2016.
Embarqué avec son capitaine de bord Michael (Carlo Kitzlinger) pour un vol Berlin-Paris de routine, Tobias (Gordon-Levitt) exécute ses tâches avec un détachement presque robotique, et il faut l’apparition d’une hôtesse de l’air, Gökçe, avec laquelle il est en ménage et a un fils, pour nous rappeler qu’il y a bien un cœur de trentenaire épanoui derrière la façade imperturbable du copilote. Tout ce train-train quotidien est perturbé par l’irruption de terroristes musulmans (pas une très bonne idée en 2020, mais passons) qui tentent de prendre le contrôle de l’appareil, ravivant immédiatement en nous le souvenir du 11 septembre. Michael est gravement blessé lors de l’attaque et Tobias maîtrise tant bien que mal l’un des assaillants, laissant le reste du groupe tambouriner à la porte du cockpit. Le jeune homme se retrouve seul pour garantir l’atterrissage d’urgence de l’avion, tandis que derrière lui, les terroristes redoublent de menaces et d’efforts pour poursuivre leur mission suicide…
Haute pression dans l’avion
Le cockpit de 7500 est un décor familier qui nous paraît malgré tout étranger lorsque le spectateur s’y retrouve enfermé, aux côtés de pilotes professionnels dont le jargon cryptique et l’attitude invariablement concentrée donnent l’impression d’être dans une dimension à part (le titre fait d’ailleurs référence à un code d’aviation utilisé lors de situations d’intrusion imprévues). La situation dans laquelle se retrouve Tobias a, a contrario quelque chose de viscéralement universel : l’angoisse intense qui s’installe lors d’une tentative d’attentat, le combat intérieur permanent entre pragmatisme d’urgence et peur déraisonnée, entre sang-froid et perte de contrôle totale… Gordon-Levitt, qui alterne entre mutisme intense et familiarité immédiate, est obligé de porter sur ses épaules l’intégralité de ce parcours émotionnel, et il y parvient avec une assurance tranquille.
« « 7500 c’est l’anti Air Force One. Et Tobias est l’anti John McClane. »
De ce cockpit, une fois passée l’introduction faite d’écrans de surveillance que l’on scrute comme un inquisiteur inquiet, la caméra ne sortira jamais. Le seul horizon de 7500 se limite à l’extérieur indéfini, à la porte martyrisée du cockpit, qui sert de motif sonore métronomique, et à la caméra de contrôle que Tobias regarde avec une impuissance grandissante. Un dispositif limité et contraignant que Vollrath, qui a été, ô surprise, l’élève de Michael Haneke, exploite à l’aide d’une mise en scène dénuée d’affects. Le réalisateur trouve dans l’absence d’effets de manche (pas de musique, pas de twist héroïque, pas de contrechamp salvateur) matière à interroger nos réflexes de spectateur habitués, grâce aux productions hollywoodiennes, à détourner les yeux de l’horreur arbitraire qui régit notre monde actuel. En d’autres termes, 7500 c’est l’anti Air Force One. Et Tobias est l’anti John McClane, maladroit quand il voudrait être héroïque, acculé quand il voudrait redevenir maître à bord. L’exercice, captivant sans pour autant être agréable, trouvera ses limites dans une conclusion davantage marquée par les stéréotypes du genre, qui tire du coup plus artificiellement en longueur.