Top 10 spécial trains : la fiction à grande vitesse !
Comme Le Transperceneige, de nombreux films ont pris le train, ce symbole de la révolution industrielle, pour décor principal. Voyage express au pays du rail-movie !
Révolution technologique ayant considérablement modifié le développement des nations au XIXe siècle, le train (à vapeur, puis électrique à partir de 1900) a logiquement été un décor de choix au cinéma dès les balbutiements de ce dernier. À sa naissance, cette technologie qu’on ne nomme pas encore 7e art est après tout, elle aussi, une révolution : quoi de mieux pour en signifier la puissance d’évocation que de filmer un train à vapeur ? C’est l’une des premières idées qui viendra à l’esprit de Louis Lumière, puisqu’il filmera dès 1895 en moins d’une minute L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat, très court métrage qui mystifiera les spectateurs du Grand Café, croyant voir débouler devant eux une locomotive surgissant du fond du cadre.
Par la suite, le train sera tellement utilisé en tant qu’élément de l’intrigue, décor principal ou artifice narratif (l’exemple le plus célèbre demeure Le train sifflera trois fois) qu’il finira par faire partie du paysage. Aujourd’hui, un festival de cinéma y est même dédié (Ciné-Rail à Paris, qui a justement lieu en novembre), et le cinéphage encyclopédiste Patrick Brion lui a consacré un ouvrage, Le train fait son cinéma, recensant les films les plus marquants où celui-ci joue un rôle clé. Western, aventure, drame, comédie, horreur, action et même science-fiction comme le prouve encore cette semaine la sortie du Transperceneige : ce lieu à la fois clos et ouvert aux quatre vents, toujours en mouvement le long d’une ligne claire, qu’il parcourt invariablement d’un point A connu vers un point B plus mystérieux, constitue une parfaite métaphore de l’art de la fiction cinématographique. Bong Joon Ho a relevé le défi de situer l’intégralité de l’action de son film à l’intérieur d’un train. Il n’est pas la premier à tenter le pari : Born to Watch repart en arrière à la découverte de dix longs-métrages qui ont eux aussi choisi d’utiliser le rail comme ligne directrice principale de leur histoire. Vous en connaissez d’autres ? Faites-le nous savoir dans les commentaires. D’ici là… bon voyage !
LE MÉCANO DE LA GÉNÉRAL (1926)
S’il y a bien un film muet qui résume parfaitement l’importance du train dans le genre du western, tout en préfigurant avec quelques décennies d’avance son utilisation intensive dans le film d’action, c’est bien Le mécano de la Général de Buster Keaton. Une production ultra coûteuse pour l’époque (près d’un million de dollars, que Keaton, co-producteur, peina à rentabiliser au box-office), à cause notamment de ses impressionnantes cascades : un train entier fut ainsi précipité dans une rivière de l’Oregon pour les besoins du climax ! Le point d’orgue d’un film pouvant se résumer à une longue course-poursuite au cœur de la guerre de Sécession, menée par un Keaton au meilleur de sa forme, et qui n’hésita pas à assurer lui-même ses cascades, souvent à bord de sa bien-aimée « General » lancée à toute vapeur. Un classique !
UNE FEMME DISPARAÎT (1938)
Les connaisseurs du cinéma d’Alfred Hitchcock savent que le cinéaste britannique avait une affection particulière pour les trains, qui dans sa filmographie sont un lieu de prédilection pour des parties de cache-cache, des scènes d’action ou d’exposition importantes. Des 39 marches à La mort aux trousses en passant par L’inconnu du Nord-Express, les exemples ne manquent pas. Avec Une femme disparaît, adaptation du roman d’Ethel White, Hitchcock se fait plaisir en troussant un suspense mâtiné d’espionnage autour d’un personnage de jeune femme faussement accusé de mensonge. Cette fameuse femme disparue pendant un voyage en train n’existerait pas ! Le mystère se prolonge grâce à une galerie de personnages savoureuse, dans ce qui sera un vrai triomphe critique et commercial, et le dernier succès sur ses terres de sir Alfred, avant son départ pour Hollywood et le début d’une longue et tout aussi deuxième partie de carrière.
LE TRAIN (1964)
À ne pas confondre avec le film français adapté de Simenon, Le Train de John Frankenheimer (qui remplaçait alors Arthur Penn derrière la caméra) est l’un des classiques du film de guerre montrant le rôle-clé joué par la Résistance française. Cousin lointain et musclé de La Bataille du rail, Le Train emploie les grands moyens (explosions réelles d’anciennes gares de triage, tournage à multiples caméras de scènes de déraillement) pour retracer l’audacieux détournement d’un train nazi transportant des tableaux de maître vers l’Allemagne, par la Résistance et les cheminots de la France occupée. Burt Lancaster, fraîchement sorti du Guépard, joue le chef du réseau, Labiche, entouré d’acteurs un peu plus francophones que lui comme Michel Simon et Jeanne Moreau. Le Train, malgré les années et le nombre incroyable de films de guerre sortis à la même époque, demeure un représentant fameux du genre, grâce à son réalisme étonnant, son ton sans compromis et la réalisation assurée de Frankenheimer, alors en pleine effervescence créative.
LE CRIME DE L’ORIENT-EXPRESS (1974)
Archétype même du « whodunit » en lieu clos, Le Crime de l’Orient-Express demeure le plus connu des romans d’Agatha Christie. La tâche était donc d’autant plus périlleuse en 1974 pour Sidney Lumet, alors reconnu plutôt pour ses polars urbains rugueux, qui devait rendre justice à ce classique de la littérature policière britannique. Pour reconstituer cette enquête d’Hercule Poirot à bord du célèbre train transcontinental reliant dans l’histoire Istanbul à Calais, le réalisateur de Serpico put heureusement se reposer sur un casting de haute volée (Lauren Bacall, Sean Connery, Ingrid Bergman… la liste est longue) dominé par un Albert Finney parfait sous la moustache du détective malgré son jeune âge, une musique mémorable de Richard Rodney Bennett, et un tournage grand luxe en Turquie, à Londres et en France (les ateliers SNCF de Saint-Denis figurant notamment… Istanbul !), le célèbre train étant fidèlement reconstitué jusqu’à sa moindre dorure. Pur plaisir coupable à sa sortie, Le crime… n’a rien perdu de son charme trente ans plus tard.
LE PONT DE CASSANDRA (1976)
Rarement cité lorsqu’on évoque les films catastrophe des 70s, Le pont de Cassandra passe pourtant mieux les années que certains de ses confrères, Tremblement de terre ou Le toboggan de la mort (oui, ce film existe) pour ne pas les nommer. Originale à défaut d’être crédible, l’intrigue du film de George Pan Cosmatos (futur réalisateur de Rambo II et Tombstone) imagine qu’un terroriste infecté par un mystérieux virus s’introduit dans un train suisse en direction de Stockholm. Les autorités mettent les passagers en quarantaine et veulent dérouter le convoi vers la Pologne, en passant au-dessus d’un pont hors service depuis la Guerre. À bord, on retrouve comme à chaque fois dans ce genre toute une galerie de personnages interprétés par des stars (Sophia Loren, Richard Harris, Martin Sheen…) entrecroisant leurs sous-intrigues, en attendant le redouté climax final : pour l’anecdote, le fameux pont en ruines vers lequel toute l’histoire converge était en réalité le viaduc de Garabit (Cantal), construit par… Gustave Eiffel. Décidément, on ne peut plus faire confiance aux produits français !
GALAXY EXPRESS 999 (1979)
Jacques Lob et Jean-Marc Rochette, les créateurs de la BD Le Transperceneige, sont-ils tombés un jour sur l’anime Galaxy Express 999 ? Créée par Leiji Matsumoto, le papa d’Albator, cette saga aux multiples itérations prend elle aussi place à bord d’un train du futur. Mais pas n’importe lequel : comme dans un rêve fiévreux, Matsumoto imagine ce Galaxy Express 999, avec sa locomotive à vapeur C-62 comme un moyen de transport interstellaire, qui s’élance dans l’espace et prend ses passagers d’une planète sur l’autre. Comprimant une dizaine de volumes du manga en deux heures et quelques, Rintaro (futur réalisateur, entre autres, Metropolis) faisait en 1979 ses débuts sur grand écran avec la version long-métrage de la série, reprenant ses personnages principaux Maetel et Tetsuro, et incluant quelques cameos de personnages célèbres de Matsumoto, Albator en tête. Une séquelle, réalisée par la même équipe, est sortie deux ans plus tard, poursuivant le l’histoire poétique et hypnotique du train de l’espace. À redécouvrir.
LE MONSTRE DU TRAIN (1980)
Tueur en série à bord ! Produit dans la foulée immédiate du triomphe de Halloween, Le monstre du train (ou Terror Train en VO, ce qui est bien plus classe) possède encore aujourd’hui le charme désuet des slashers improbables qui ne s’embarrassaient pas, au début des années 80, de prétextes originaux pour attirer les teenagers en quête de frissons faciles. Ainsi, il paraît difficilement crédible qu’une confrérie d’étudiants débiles et obsédés sexuels (rien d’inhabituel, donc) choisisse de louer un train à l’ancienne pour y faire une fête costumée où apparaît même, le temps d’un spectacle de magie, un tout jeunot David Copperfield. Tant pis pour eux ! Roger Spottiswoode (Demain ne meurt jamais), pour son premier film, n’aurait pas pu sinon orchestrer son jeu de massacre en lieu clos, un tueur à la hache masqués décimant méthodiquement les passagers en se réservant Jamie Lee Curtis, qui en était déjà à son troisième slasher, pour la fin. Cette confrontation finale reste d’ailleurs le meilleur moment d’un film par ailleurs aussi kitsch qu’opportuniste, malgré son concept indéniablement unique.
RUNAWAY TRAIN (1985)
Attelage étrange à la base que celui de Runaway Train. Basé sur un scénario du maître Akira Kurosawa, le film fut produit par la firme israélo-américaine Cannon, et réalisé par le Russe Andrei Konchalovsky dans les décors naturels du Montana et de l’Alaska. Runaway Train s’attache à deux évadés de prison (Jon Voight et Eric Roberts, tous deux nominés aux Oscars) transformés en prisonniers d’un train devenu fou après la mort de son conducteur. Impossible de sauter, impossible de ralentir la machine : après avoir retrouvé l’illusion de la liberté, les deux hommes doivent-ils accepter leur destin ou trouver le moyen de survivre ? Ce film d’action existentiel et impressionnant, remis au goût du jour par une ressortie en salles en septembre dernier, n’a rien perdu de son pouvoir de fascination. Le film bénéficie à la fois d’images fortes (ce train traversant à toute allure des paysages enneigés, la locomotive arborant bientôt l’apparence d’un monstre de métal hirsute et tranchant) et d’un duo de personnages charismatiques et tourmentés. Succès timide à sa sortie, Runaway Train engendrera pourtant une pelletée de lointains rejetons, de Commando Express jusqu’à Unstoppable en passant, pourquoi pas, par Piège à grande vitesse.
LE DARJEELING LIMITED (2007)
Les films de Wes Anderson ne ressemblent qu’à eux-mêmes. Impossible en tout cas de rapprocher Le Darjeeling Limited d’une autre œuvre au premier abord, à part La famille Tenenbaum ou La vie aquatique. Même douce loufoquerie, même famille dysfonctionnelle au dernier degré, même surréalisme soigneusement étudié enfin, dans un décor qui s’y prête merveilleusement bien : l’Inde. Rendant à sa manière hommage aux films de Satyajit Ray, Anderson envoie trois frères (les habitués Owen Wilson et Jason Schwartzman, accompagnés par Adrien Brody) à bord du train éponyme, aussi luxueux qu’imaginaire, pour un voyage mouvementé devant les amener vers leur mère. La fratrie, qui s’est souvent déchirée, se réunit inévitablement au fil des rencontres, des gags et des étapes qui marquent leur traversée du Darjeeling (où le film… n’a pas été tourné). L’alchimie visible entre les trois acteurs, le cadre à la fois dépaysant et plein de surprises de cet « India Express » font du Darjeeling Limited un petit bijou de rail-movie à visiter sans plus attendre.
SOURCE CODE (2011)
Croisement hautement ludique entre Un jour sans fin et Matrix, Source Code se sert du train, ici un équivalent américain de TER de province, comme un vecteur de suspense et de menace angoissante. Le capitaine Stevens (Jake Gyllenhall) qui est à bord du dit train, doit empêcher ce dernier d’exploser dans un attentat meurtrier. Seulement, Stevens n’est pas vraiment à bord du train : c’est son cerveau, prisonnier d’une réalité alternative, qui est envoyé dans une matrice appelée « Source Code » pour déjouer ce futur proche. Tordu jusqu’au vertige, Source Code confirme le talent inné de Duncan Jones (Moon) pour rendre accessibles les concepts de SF les plus complexes qui soient, même si avec tous ses twists et déraillements imaginaires (ou pas ?), culminant dans un final controversé, le film s’égare parfois lui-même dans sa logique narrative de réalités superposées à la Inception. À noter que pour les besoins du tournage, lui aussi très technique, un train a été construit de toutes pièces, avec des wagons escamotables et démontables à l’envie : un vrai puzzle, un peu à l’image du film lui-même.
Piège à grande vitesseuh !!!!!! 😀
Sinon, ça fait grave plaisir de voir Galaxy Express 999 dans ce top.
Un jour peut-être, j’oserais mettre un Steven Seagal dans un Top BTW…
Salut,
J’ajouterai à cette excellente liste « La bête humaine », adaptation par Renoir du roman de Zola en 1938 et « Unstoppable » de Tony Scott. C’est un peu ce qu’on appelle le grand écart façon JCVD…
Roggy.
La bête humaine a failli figurer dans le Top 10… Mais pas Unstoppable ! (eh oui, j’assume)