Les happenings à Cannes et aux Oscars, les sketchs et autres formes de marketing viral (ah, cet hommage après l’élection de « François Hollandaise »…) ont presque éclipsé ces derniers mois le fait qu’il existait bien un film derrière le nouveau costume bariolé de Sacha Baron Cohen. Non, il ne s’agit pas d’un personnage échappé de son Ali G Show, ou d’un pari perdu, mais bel et bien d’une création made in Baron Cohen : une caricature, donc, proche du cartoon dans ses attributs (la fausse barbe, le costume de général d’opérette) et surjoué avec juste ce qu’il faut d’onctueuse odieuseté pour faire passer dans un éclat de rire les pires âneries possibles.
Un dictateur à New York
Il y a donc un film, The Dictator, qui s’intéresse à l’histoire de cet Amiral Général Aladeen, « grand ami de Kim Jong-Il » régnant sur la république imaginaire du Wadiya, quelque part au sud de l’Egypte. Aladeen développe bien évidemment des armes secrètes, oppresse son peuple et vit dans le luxe le plus indécent depuis sa naissance, grâce au pétrole qui git sous ses terres. Sacha Baron Cohen dessine dans ce personnage de dictateur satisfait et capricieux un portrait contemporain moins inquiétant que celui de Chaplin. Autre époque, autre humour : The Dictator arrive à une époque trouble pour des raisons différentes (notamment les révolutions Arabes), mais esquive la satire frontale en singeant deux affreux qui font déjà partie du passé – Saddam Hussein et Kim Jong-Il. Le film ne risquera pas de heurter quiconque : on est plus proche ici de l’esprit potache et scato des ZAZ période Hot Shots, voire même des frères Wayans, même si Cohen et son fidèle collaborateur Larry Charles semblent vouloir rester dans le cadre d’une comédie « classique » à gros budget.
Passées les premières minutes drôlatiques et efficaces au Wadiya, où Cohen et Ben Kingsley, qui joue un oncle Tamir rêvant de prendre la place de son neveu (pour vendre le pétrole local à des Chinois assez riches pour sodomiser n’importe quelle vedette hollywoodienne… littéralement), nous font leur Iznogoud au pays de l’Or noir – avec force caméos de stars jouant les prostituées de luxe -, l’histoire nous embarque dans un voyage chez l’ennemi préféré de l’humoriste : l’Amérique. Tout d’un coup, on débarque dans un remake à peine avoué d’Un prince à New York (oui, celui avec Eddie Murphy, pas le chef d’œuvre de Sidney Lumet), l’héritier bling bling étant dépossédé de son pouvoir au profit d’un double encore plus idiot que lui. S’ensuit une histoire d’amour improbable avec une écolo-idéaliste poilue incarnée par la toujours ravissante sotte Anna Faris, qui paie (de loin) son hommage au film de Chaplin.
Satire et grosses blagues
À partir de là, on peut savourer ou non l’humour sans limites de l’ami Sacha, qui se livre pour la première fois à des numéros comiques « à nu », sans postiches : on y critique la paranoïa post-9/11 des yankees, leur ingérence tout aussi dictatoriale sur les pays du monde musulman… Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit aussi de l’équipe derrière Borat : une scène d’accouchement scato, des gros plans sur les parties génitales de la star et autres répliques pileuses sont à prévoir, et elles sont plus ou moins heureuses. Cohen tente tout, se loupe parfois (notamment avec un personnage de scientifique réfugié aux USA arrivant comme un cheveu sur la soupe), mais ce n’est à vrai dire pas le plus important : s’il fait rire, The Dictator échoue toutefois à faire grincer des dents, ce qui était jusque là la force de l’humour à double tranchant de l’intrépide comédien. Moins imprévisible et anar(chique) qu’un Team America, plus attendu et calculé, y compris dans son final s’efforçant de faire passer un message pacifiste ponctué par un gag lourdaud, The Dictator est une farce plus inoffensive qu’elle ne le devrait, à l’image de son chef tout-puissant qui s’aperçoit que tous les importuns qu’il ordonne de tuer sont en fait épargnés derrière son dos.
[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
The Dictator
De Larry Charles
2012 / USA / 83 minutes
Avec Sacha Baron Cohen, Anna Faris, Ben Kinglsey
Sortie le 20 juin 2012
[/styled_box]