The Hole 3D : nostalgie dans les ténèbres
Tourné en 2009, le dernier film de Joe Dante n’aura pas les honneurs d’une sortie salles, malgré un usage de la 3D ludique et un talent intact. Damn !
Une seule projection parisienne. En 2D. Voilà ce à quoi aura eu droit le dernier film de Joe Dante, tourné en 2009, et qui s’apprête à sortir directement en DVD et Blu-Ray en France, un pays où on aime pourtant chouchouter les auteurs reconnus plus que tout. Quoi, une tagline « Par le réalisateur de Gremlins » et le mot magique « trois dés » ça ne suffit même plus ? Les voies de la distribution sont peut-être impénétrables, mais on les soupçonne d’être tout de même fréquentées par de sacrés tocards.
Il n’est pas non plus nécessaire de crier au chef d’œuvre en péril. Inexplicablement inédit chez nous depuis sa sortie limitée en 2009, The Hole n’est pas le meilleur opus de Joe Dante. Il procure simplement, au contraire d’ailleurs des come-back de ses glorieux confrères (John Carpenter avec The Ward, John Landis avec Cadavres à la pelle), le plaisir simple et réel de retrouver intact l’univers d’un réalisateur irrémédiablement attachant. Les plus grands succès de l’ancien protégé de Steven Spielberg sont derrière lui, et les nouvelles générations n’ont guère que la saga Gremlins comme repère pour identifier celui qui fut sans doute l’un des premiers cinéastes post-modernes, avec Martin Scorsese, à être aussi féru de cinéphilie que de réalisation.
Le trou de tous les mystères
Cette obsession dévorante du 7e art n’a pas quitté Dante dans son dernier film en date. The Hole, c’est l’histoire d’une petite famille ayant déménagé dans une de ces petites villes de province dont le cinéaste et son mentor barbu aiment à décrire la nostalgique tranquillité. La mère est célibataire, et ses deux enfants, l’un ado et l’autre encore enfant, se chamaillent pour tromper leur ennui. Alors qu’ils viennent de faire la connaissance de leur jeune et ravissante voisine, ils tombent dans leur cave sur un trou, scellé par une porte. Un trou sans fond qu’ils n’auraient pas dû ouvrir, et qui va les confronter à leurs pires cauchemars…
« The Hole est définitivement un film old school, pas exempt de défauts. »
Á partir de ce script en trois actes de Mark Smith (Motel), promesse d’un récit fantastique à l’ancienne, Joe Dante réalise un film d’une surprenante simplicité. Alors que la 3D n’avait pas encore envahi les salles, le cinéaste s’empare de cette technique à sa manière : en jouant à fond la carte du gimmick, comme dans les premières expérimentations du genre dans les années 60, jusque à une dernière partie où l’idée de choisir ce format prend tout son sens. Même à plat, il est aisé de deviner les plans où Dante a voulu jouer sur les profondeurs de champ, les déformations de décors qui rappellent son épisode de La 4e Dimension, cette excentricité ludique qui en fait le parfait metteur en scène d’un fantastique destiné avant tout aux enfants.
Un enfer bien familial
Car si The Hole distille quelques frissons, liés par exemple à un clown sacrément bagarreur, il s’agit surtout d’un conte moral tout ce qu’il y a de plus classique, avec une épreuve s’offrant à nos attachants héros, qui doit leur permettre d’affronter leurs peurs, toutes venues du passé, pour avancer et, littéralement, remonter la pente pour grandir sereinement. Vu que le film parle de terreurs enfantines (et non adultes, ce qui impliquerait une toute autre approche), il n’y a pas de trace de sang ou de mise à mort sanglante. Malgré le suspense, rien ne vient briser ce cocon familial qui en rappelle d’autres (les familles de E.T., Gremlins, au hasard), auquel le naturel des acteurs apporte une chaleur réconfortante. Dès les premiers instants, quand la famille s’emménage, on se love avec plaisir dans le petit monde de Dante.
Manifestement motivé par la découverte de son nouveau jouet, l’auteur de Panic sur Florida Beach en profite pour tenter des plans-séquences numériques à l’intérieur d’un pot d’échappement, cligne de l’œil au cinéma fantastique asiatique, cligne de l’œil à son homonyme (un personnage passe sa soirée à lire… L’enfer de Dante !) et satisfait ses fans en rappelant Dick Miller ou Bruce Dern pour de savoureux cameos. Comme de faux airs des années 90, ce qui ne manquera pas de faire tiquer ceux qui s’attendent à une aventure plus virevoltante, plus punchy. The Hole est définitivement un film old school, pas exempt de défauts (de manière assez incroyable, la séquence de l’ouverture du trou est proprement escamotée, ce qui provoque une erreur de continuité inexplicable pour une telle production), et qui se voit privé, pour une fois, d’un véritable atout lorsqu’il est regardé à plat, alors que l’ajout de la 3D se justifie pleinement thématiquement. Tant pis pour les Français : l’heure est aux Saw en 3D et aux remakes des chefs d’œuvre des années 80. Ce n’est plus demain la veille que nous aurons le droit d’être nostalgique au cinéma.