Along with the Gods : vers la fantasy et l’au-delà
Étrange blockbuster mélodramatique, le premier opus de la saga Along with the gods séduit pourtant par sa vision d’un au-delà en forme de tribunal karmique.
Affirmer, et répéter, que la Corée du Sud est depuis des années l’une des seules cinématographies à pouvoir rivaliser en terme de spectacle avec Hollywood est devenu une évidence. La simple vision d’un Dernier train pour Busan ou d’un Okja suffit à appuyer ce constat, et les Coréens ne sont pas du genre à se reposer sur leurs lauriers (même s’ils adorent, comme tout le monde, employer jusqu’à plus soif les formules qui marchent). En 2017 et 2018, les films qui ont devancé les productions Marvel au box-office ont eu pour nom Along with the gods : deux blockbusters tournés simultanément, adaptés d’une bande dessinée populaire, qui ont attiré respectivement 14 et 11 millions de spectateurs dans les salles. En attendant de pouvoir découvrir The 49 days, la séquelle, le Festival du film coréen programmait le premier opus, The Two Worlds, qui nous emmène dans un monde de fantasy, de fatalisme et de tourments éternels.
Jugements divins à répétition
Y a-t-il une vie après la mort ? Oui, répond Along with the gods, mais elle n’est pas de tout repos, et ressemble à s’y méprendre à une production fantastique chinoise ! Dans le film de Kim Yong-hwa (Mr. Go), les humains doivent faire face dès leur trépas à une série de sept audiences devant des tribunaux divins, qui pèsent le pour et le contre de leurs actions, mauvaises comme bonnes, pendant 49 jours. Si vous échouez, à vous les flammes de l’enfer, les poissons carnivores ou les rouleaux compresseurs en granit (oui, les Dieux de l’au-delà sont facétieux). Le karma est une peste qui ne pardonne pas lorsque vous devez répondre de votre avidité, de votre lâcheté ou de vos manquements aux devoirs familiaux.
Kim Ja-hong (Cha Tae-hyun, qui a bien vieilli depuis My Sassy Girl), pompier héroïque et désintéressé ayant succombé à une chute mortelle, n’échappe pas à la règle malgré ses états de service. Une jeune fille, un fier-à-bras vantard et un sage charismatique joué par la star Ha Jung-woo (Mademoiselle, Tunnel) lui servent d’anges gardiens dans chacune de ses épreuves. Même s’il obtient à chaque fois un jugement favorable, et se voit même promettre une réincarnation, Kim dévoile des défauts qui font de moins en moins de sa vie sur Terre un exemple à suivre : il s’est éloigné pendant des années de sa famille, a menti et a déclenché sans le savoir des mauvaises actions… Surtout, il laisse derrière lui un petit frère en colère, qui va contribuer à rendre son périple bien moins confortable qu’il n’y paraissait…
Du spectacle, oui, mais pas seulement
C’est un mélange assez inattendu que propose, sur près de 140 minutes, cet Along with the Gods affichant dès ses premières secondes sa volonté d’en mettre plein les mirettes. L’idée d’un au-delà aux paysages variés et distincts (forêt piégeuse, étendues glacées, ensablées ou volcaniques, rivière évoquant le Styx) renvoie illico aux préceptes de l’univers vidéoludique, et les Gardiens, qui voyagent entre deux mondes et brandissent des épées rougeoyantes quand le danger se fait sentir, évoquent un savant mélange entre des Jedi et des Super-Sayans échappés de la Matrice. Cet univers de fantasy, plus original et élaboré qu’il n’y paraît (même si, comme souvent, ses règles sont révélées au fur et à mesure en fonction des besoins des scénaristes), constitue la base du spectacle épique promis par Kim Yong-hwa, et tient visuellement la route, grâce au soin et à l’attention portés aux effets visuels, se permettant même une pique tout à fait hors de propos aux Avengers hollywoodiens.
Pourtant, malgré sa fonction de divertissement un peu répétitif (sept jugements, ça fait beaucoup), le film est tout autant dévoué à l’exploration du drame familial qui entoure le personnage de Kim Ja-hong. Témoin passif de ses procès, Kim n’a malgré les accolades qu’il reçoit qu’une envie : pouvoir revoir une dernière fois sa mère, dont il s’est trop longtemps éloigné. Along with the Gods joue longtemps avec ce sentiment de culpabilité, qui cache, façon poupées russes, une myriade de secrets terribles que le film prend soin de révéler dans des flash-backs successifs. Le procédé est un peu incohérent dans le cadre de l’histoire (comment les juges et anges gardiens peuvent-ils ignorer ce que le scénariste nous révèle, puisqu’ils sont omniscients ?), mais remplit malgré tout sa fonction de détonateur émotionnel. Les Coréens, il faudrait le rappeler aussi souvent, sont friands de mélodrame, et Along with the Gods, aussi virevoltant soit-il, est particulièrement chargé dans ce domaine. Sans aller jusqu’à nous tirer des larmes (le film n’est pas exactement subtil), les dilemmes et tragédies qui s’abattent sur la famille de Kim auraient de quoi nous plomber le moral dans d’autres circonstances.
Mais nous ne sommes pas chez Kim Ki-duk, et dans Along with the Gods, cette abondance de lyrisme lacrymal reste avant tout une péripétie dans un panorama épisodique plus large. L’histoire de Kim Ja-hong n’est que le départ d’une saga, qui repart sur des bases différentes dès la dernière scène annonçant l’arrivée de The 49 Days. Le succès monstres des deux longs-métrages a entraîné la mise en chantier de deux nouveaux films : autant dire que l’on a pas fini d’entendre parler de ces Gardiens et de leurs 7 tribunaux…