The Great Battle : tiens, voilà du bourrin
Séance d’ouverture du festival du film coréen, The Great Battle est fidèle à son titre. Au programme, batailles homériques, héroïsme et musique pompière !
Rarement un film nous aura-t-il servi le menu exactement promis par son titre. Si The Great Battle n’est pas le premier long-métrage épique coréen à traiter d’une bataille historique essentielle dans l’histoire du pays (The Fortress, et surtout L’Amiral, plus gros succès au box-office de l’histoire de la Corée du Sud, sont des exemples récents), il se contente en tout cas de souligner l’évidence dès l’apparition de son titre à l’écran. The Great Battle nous ramène jusqu’en 645 après Jésus-Christ, alors que la Corée n’est pas encore un pays mais un peuple uni appelé Goguryeo. Un petit poucet face à l’armée chinoise (et en partie mongole à cette époque également) commandée par l’Empereur Li de la dynastie Tang, qui envahit une ville après l’autre tout le royaume.
L’imprenable forteresse
Tout ? Hé non : la forteresse d’Ansi, dernière étape avant la capitale, est encore inviolée et, sous le commandement du charismatique Yang Man-chun, elle compte bien le rester malgré le rapport de force disproportionné. Le leader militaire a une autre épine dans le pied à gérer : Samul, un jeune capitaine d’armée, a été chargé par son commandant d’assassiner Yang, coupable selon lui de ne pas être venu en aide à ses compatriotes lors d’une bataille cruciale perdue par les Gogureyos. L’officier va toutefois vite mettre sa mission entre parenthèses au contact de Yang et ses hommes (et femmes) : des braves parmi les braves, qui ne vont ni abdiquer ni reculer face à ce qui les attend : une grande bataaaille !
Les Dieux du cinéma populaire coréen ont dû entendre nos reproches après la découverte l’an passé de The Fortress, production objectivement somptueuse mais statique et désincarnée, en plus de manquer de rythme. Dans The Great Battle, les enjeux sont posés en quinze minutes, et la bataille promise, qui arrive à peine au bout d’une demi-heure, est bien ce qui occupe la majorité du métrage. Et quand on parle de guerre, ce n’est pas pour mettre en image des escarmouches ! Le réalisateur Kim Kwang-sik, s’il n’œuvre certainement pas au rayon subtilité, table sur une profusion de CGI pas toujours heureux (la première bataille qui ouvre le film, notamment, souffre de doublures numériques honteuses et laisse présager un moment un véritable désastre artistique) et des effets de mise en scène largement inspirés du Seigneur des Anneaux, pour dépeindre ce siège de longue haleine où 5 000 soldats résistent à une armée de 200 000 hommes. C’est du Alamo version Moyen-Âge, avec tours de sièges en bois, béliers massifs, pluies de lances et de flèches enflammées à gogo !
Conquêtes et clichés
En alternant scènes d’action diurnes et nocturnes, assauts massifs et bastons en corps à corps, The Great Battle donne l’illusion de la variété, sans toutefois esquiver un certain sentiment de lassitude. C’est que le scénario qui se déploie en parallèle des attaques de l’armée impériale n’est pas d’une folle originalité : on sait dès le départ que Samul (joué par une énième idole fadasse de la K-pop, Nam Joo-hyuk) se ralliera à sa cible plutôt que de l’éliminer. De même, le film établit rapidement la droiture des acolytes de Yang (Jo In-sung, plutôt charismatique), entre un bras droit loyal et dévoué, et un duo comique composé d’un archer raffiné et du bourrin spécialiste de la hache, qui aurait plus sa place dans un univers d’heroic fantasy. Des clichés sympathiques, certes, mais des clichés quand même. Le « peuple » de la forteresse est quant à lui réduit à des archères transparentes et des villageois prêts à se sacrifier bêtement pour l’intérêt commun. Dans le camp d’en face, la profondeur narrative se résume à la méchanceté diabolique de l’Empereur, caricature du tyran à moustache qui se borne à exprimer sa jouissance d’écraser ses ennemis et punir ses sous-fifres à la moindre contrariété.
Côté mise en scène, il y a aussi à boire et à manger. À retenir une scène de combat nocturne sur les remparts éclairés par des tours de siège en flammes, ainsi que l’assaut final de l’armée chinoise, qui se résout à construire une montagne de terre (véridique) pour faire déferler ses hommes sur la forteresse depuis les hauteurs. Un morceau de bravoure qui pourrait paraître farfelu s’il n’était pas tiré de faits réels, mais qui là encore, génère une confusion finale regrettable à cause de SFX perfectibles, et de la réalisation pas toujours optimale de Kim Kwang-sik. Malgré ces défauts dommageables (auxquels il faudrait rajouter une musique omniprésente et pompière, qui commente plus qu’elle n’élève l’action), The Great Battle a une grande qualité : celle de n’être jamais ennuyeux, et de remplir avec générosité son objectif, aussi simple et définitif soit-il.
« Joué par une énième idole fadasse de la K-pop, Nam Joo-hyuk »
Manqué ! Nam Joo Hyuk n’a jamais été chanteur ni idole de K-pop. C’est un acteur, tout simplement, et sans être fan de lui, je trouve qu’il fait toujours très bien le job. Que lui reprochez-vous exactement ? Sa jeunesse et sa belle gueule ? Ce n’est pas un argument valable. 😉
Vu votre enthousiasme modéré pour ce film, peut-être que vous deviez vous mettre aux séries coréennes, où les personnages sont plus fouillés et vous parleront peut-être plus. Je vous conseille My Country: The New Age, avec également de belles scènes de bataille et une magnifique histoire d’amitié virile. C’est bien entendu sur la plateforme avec un grand N.
Ah autant pour moi : Na Joo Hyuk n’a jamais été chanteur, mais il a quand même démarré sa carrière comme mannequin et habitué des émissions de variété locales… Et pour l’instant, j’aimerais bien avoir d’autres preuves de son immense talent, mais The Great Battle est son seul rôle de cinéma ^^
Les séries coréennes j’en entends beaucoup parler, mais j’ai déjà du mal à rattraper mon retard pour voir les films coréens qui sortent chez nous, alors…
Merci pour votre réponse! Vu le nombre d’actrices ayant été mannequins, pourquoi cela poserait-il un problème pour un acteur ? 😉 Kim Tae Ri, qui a été révélée par Park Chan Wook dans « Mademoiselle » et sera bientôt dans le film SF « Space Sweepers », est l’égérie de Flower By Kenzo. Vous pouvez voir son visage dans n’importe quelle boutique Séphora en France et bien sûr sur le spot vidéo. 🙂
Par rapport à l’entertainment français, l’entertainment coréen cultive davantage les synergies entre les industries. Les mondes du cinéma, des séries, des variety shows et de la musique sont plus poreux, notamment parce que des agences gèrent des talents de toutes ces industries à la fois. D’où ces passages d’un monde à l’autre qui ne sont pas toujours bien interprétés chez nous. Pour le fait que Nam Joo Hyuk ait participé à des émissions de variétés, c’est le cas de tous les acteurs coréens. La culture du variety show est très développée en Corée, donc les stars font beaucoup de promo dans des programmes TV très créatifs, qui sont regardés en streaming dans le monde entier.
Pour le côté « mannequin », dès qu’un acteur commence à être un peu connu en Corée, les marques le bombardent de propositions. Nam Joo Hyuk a peut-être commencé comme mannequin, mais aujourd’hui, il n’est pas plus mannequin que Lee Byung Hun, l’acteur de « A Bittersweet Life » et « I Saw the Devil », qui gagne beaucoup plus d’argent en faisant des pubs pour Nescafé ou Samsung qu’en jouant chez Kim Jee Woon.
Pour finir, si vous n’avez pas trop de temps pour les séries coréennes, mais que vous êtes quand même curieux, je me permets de vous conseiller une mini-série de 10 épisodes sur Netflix : « Strangers From Hell ». C’est une série d’épouvante bien parano, à la fois très dark et très drôle. Et pour casser les préjugés, l’acteur principal, Im Si Wan, a commencé comme idole de K-pop, mais vous allez vitre l’oublier. Il est aussi dans les films « The Attorney » et « The Merciless ».