Proud Mary : pas de quoi être fière…
À mi-chemin entre Gloria et A history of violence, Proud Mary vise l’hommage à la blaxploitation mais manque complètement sa cible.
Pour tous ceux qui suivent la carrière de Taraji P. Henson depuis Benjamin Button (elle y jouait la mère adoptive du vieux Brad Pitt) jusqu’aux Figures de l’ombre, en passant par la série Empire dont elle est l’incontournable emblème, un véhicule comme Proud Mary tombe sous le sens. Enfin un rôle-titre en haut de l’affiche pour l’actrice, dans un film qui se veut badass, et au vu de son titre et de son matériel marketing, tarantinesque dans son adoption des codes de la blaxploitation. Les héroïnes dures à cuire, en particulier afro-américaines, sont rares dans le cinéma américain, et Proud Mary promet de proposer à son public la glorieuse relève de Pam Grier. Cette note d’intention tient effectivement la route, en tout cas jusqu’à la fin d’un générique d’ouverture sur fond de lettrages exagérément flashy et de « Papa was a rolling stone » lancé à plein tube. Une entame appliquée mais déjà farcie de clichés, à l’image d’un long-métrage presque entièrement dénué de fun et d’originalité…
Mary Goodwin, incarnée bien sûr par Henson, est une tueuse à gages professionnelle et solitaire, du genre à cacher dans son dressing une étagère entière d’armes de guerre. Mary est sans pitié mais elle a du style à revendre. Seulement, lors d’un contrat en apparence classique, elle fait du jeune Danny (Jahi Di’Allo Winston) un orphelin réduit à errer dans les rues de Boston et à un travailler pour un chef de gang surnommé L’Oncle (brr…). Taraudée par le remords, Mary suit le gamin à la trace et décide un jour de le prendre sous son aile en abattant tout simplement son « patron ». Un acte qui déclenche la colère du boss de Mary, Benny (Danny Glover), à la tête d’une famille du crime florissante sur laquelle louche un héritier tout désigné, Tom (Billy Brown), incidemment ancien amant de Mary. La tueuse au cœur tendre et l’ado en perdition vont-ils pouvoir s’acheter chacun une conduite et démarrer une nouvelle vie loin du crime ?
Arrête ou Mary va tirer
À mi-chemin entre le Gloria de Cassavettes et A History of Violence de Cronenberg, le script de Proud Mary, sur lequel ont bossé pas moins de trois scribouillards, s’avère rapidement aussi familier que prévisible. Capable de battre John Wick sur son propre terrain, Mary la tueuse se doit aussi d’avoir un point faible et des sentiments maternels pour mettre le public dans sa poche. Babak Najafi, à qui l’on devait l’ultra-réac La Chute de Londres, ne lésine donc pas sur les séquences introspectives dans lesquelles Henson et son jeune partenaire se livrent à cœur ouvert, en se chamaillant pour la blague ou en devisant chacun sur le sens des responsabilités – Mary omet bien entendu dans un premier temps de révéler à Danny qu’elle est celle qui a tué son père. Le scénario tente de paraître plus riche en faisant de notre héroïne toute de noir vêtue le jouet d’un clan familial faussement placide. Comme Danny, Mary a en effet été prise sous son aile par un mentor protecteur, joué par un Danny Glover sous-exploité, et le temps est venu, comme dans la chanson, de lever la tête et de quitter la ville pour être enfin indépendante. Rassurez-vous donc, lorsque le temps du règlement de comptes final arrive, la reprise de Tina Turner est bien là pour écraser la bande sonore d’une manière aussi funky qu’inappropriée.
Déjà maladroit et bancal dans sa narration, Proud Mary trébuche aussi dans sa réalisation, tout simplement indigne d’un tel projet. Mal éclairé et mixé, monté et cadré en dépit du bon sens (pas une seule scène de dialogue qui ne soit surdécoupée, à contre-jour ou de travers), tourné dans des décors de studio interchangeables et sans personnalité, le film de Najafi déçoit sur à peu près tous les plans, excepté lors d’une brève mais correcte fusillade entre Tom, Mary et une escouade de voyous russes pas très réactifs – mais même là, les impacts de balle et jets de sang numériques ternissent l’impression d’efficacité dégagée par le découpage. Du DTV de bas étage, donc, là où on s’attendait à un divertissement racé grand luxe. Dommage pour Taraji.