Il ne vous a sans doute pas échappé que la sortie de L’Odyssée, le biopic sur le Commandant Cousteau crée l’évènement cet automne. Sur les routes pour promouvoir le film, son équipage, composé du réalisateur Jérôme Salle, du césarisé Pierre Niney, ici second rôle essentiel, et de Stan Collet, chef monteur, s’est plié au jeu des questions/réponses face à un auditoire de blogueurs. BTW s’est joint à la croisière… et s’est bien amusé !
Quelle approche avez-vous choisie pour ce film ?
Jérôme Salle : Nous n’avions pas envie de réaliser un biopic classique, façon Wikipedia. Après avoir rencontré Pierre, j’ai souhaité développer le rôle de Philippe en abordant la question du rapport de Cousteau avec l’écologie, grâce à la relation passionnelle entre le père et le fils. La rencontre avec Jeanne Cousteau, à Washington, m’a beaucoup ému dans sa manière de me raconter son histoire.
Comment se sont déroulées les prises de vue maritimes ?
JS : Mal ! Nous utilisions un vieux bateau en mauvais état à Cape Town. Ses moteurs étaient capricieux, il ne rentrait pas dans le port, il fallait un remorqueur pour le déplacer… Au final, nous étions confrontés aux mêmes soucis que Cousteau : argent, météo, matériel.
Stan Collet : En plus du bateau qui ne marchait pas, il a fallu tourner sur l’eau, sous l’eau, avec des animaux, en Antarctique, avec des conditions climatiques complexes. Mais le résultat est plus réel et authentique, avec le moins d’effets spéciaux possibles.
Comment cela s’est-il passé en Antarctique ?
JS : L’Odyssée est le premier film de cinéma à avoir été tourné là-bas. Nous étions contents d’être en quelque sorte des pionniers. Exactement au même endroit où Cousteau l’a connu, nous avons essuyé une très grosse tempête pendant 15 heures. Pendant que nous avions le mal de mer, le commandant a dû diriger le bateau en évitant les icebergs qui le menaçaient. Le lendemain de la tempête, la lumière rasait l’eau, comme un miroir, à Paradise Arbor. On a pu y faire les plus beaux plans du film.
Est-ce que l’Odyssée est un film militant sur l’écologie ?
JS : J’ai grandi au bord de la mer, donc, j’ai une sensibilité écologique en effet. Mais je ne suis pas parti sur cette thématique. J’ai plutôt préféré raconter cette histoire, qui aborde beaucoup de choses intéressantes sur le XXe siècle, comme effectivement le rapport avec l’écologie, mais aussi aux médias. Mais quand je regarde l’effet produit par cette histoire sur les spectateurs que je rencontre, je constate leurs sensibilités à cette évolution de l’homme avec la nature. Je ne vous mentirai pas sur mes intentions, je trouve que c’est une bonne chose.
Pierre Niney : L’écologie n’est pas du militantisme politique, c’est une évidence. Nous avons pu voir en plongeant de par le monde que partout la biodiversité est fragile et précaire.
JS : Il y a très peu d’effets spéciaux dans le film. Mais nous avons dû truquer les images du début (les bancs de raies), lorsque Cousteau plonge avec sa famille dans la Méditerranée. En effet, ce paradis perdu n’est plus aussi beau qu’il l’était dans les années 50, il n’existe plus.
Comment avez-vous construit l’image du film ?
JS : Pour la première fois, je travaillais avec Matias Boucard (Alone), le chef opérateur. Pour la première partie, nous nous sommes inspirés des films des années 50, comme Le monde du silence. La difficulté de faire remarquer l’époque était que nous n’avions à l’image que des acteurs en maillot de bain ! Donc nous ne pouvions pas nous servir des habits. À l’époque, les pellicules n’étaient pas sensibles. Aussi, pour augmenter au maximum la luminosité, avoir un ciel bien bleu il fallait tourner avec le soleil dans le dos. Nous avons repris cette esthétique. Nous avons aussi limité les ombres pour rappeler la ligne claire d’Hergé. L’objectif était de faire instantanément penser aux années 50-60. Pour la deuxième partie entre 70 et 80, nous avons travaillé sur une image plus moderne, en utilisant davantage de contre-jours.
Pourquoi n’y a-t-il pas d’images d’archives du Commandant Cousteau ?
JS : Pour moi, le vrai Cousteau pendant le film, c’est Lambert Wilson. Je ne voulais surtout pas sortir le spectateur du film avec des images réelles. En outre, la Cousteau Society vend ses images très très cher.
Quelle est la part de fiction dans l’histoire ?
JS : J’ai essayé de coller aux faits. Je me suis attardé sur certains moments et j’en ai accéléré d’autres tout en laissant des zones d’ombres. J’ai quand même fait attention à ne pas blesser les membres de la famille Cousteau, comme Jeanne, la femme de Philippe, par exemple. Pour le symbole, j’ai modifié légèrement les circonstances de la mort de Philippe. Ils ont tous été très ouverts et compréhensifs.
PN : Il n’existe pas beaucoup de références autour de Philippe Cousteau. Les gens le connaissent pas ou le connaissent à travers les films de son père. Certains se souviennent de cette tête brûlée sur la Calypso. Personnellement, pas du tout. Du coup, j’ai parlé à des anciens de la Calypso, Jeanne, son épouse, m’a donné de précieuses lettres qu’ils s’écrivaient. Dans ces courriers magnifiques, il lui racontait tout, les engueulades avec Bébert, sa mère, sa relation avec son père. Il avait une place énorme à bord, au sein de la Cousteau Society, il a coréalisé des films avec père, seul avec son avion. Pourtant, il a été effacé par l’histoire. Le film lui redonne la place qu’il mérite dans une famille écrasée par le poids du père. J’ai fait aussi le film pour le message écologique qui transparaît par le biais de Philippe.
Comment s’est passé le montage ?
SC : Les pellicules étaient développées la nuit après le tournage et je les dérushais le lendemain. Avec les scènes de plongée on ne pouvait pas faire beaucoup d’images par jour. La séquence des requins nous a pris deux semaines, par exemple. Au fur et à mesure du tournage, je classais les images et notais ce qui manquait pour en informer plus rapidement Jérôme. Après le tournage, je savais que j’avais toute la matière pour me focaliser sur la narration.
Comment s’est déroulé le tournage avec les requins ?
PN : Elle a été tournée aux Bahamas. Ce sont les derniers plans qu’on a tourné. J’avais dit que si cela était possible, je voulais de le faire en vrai. La production a réussi à le financer et les assurances ont dit oui, preuve que le danger n’est pas forcément là où on pourrait l’imaginer. En effet, je suis fasciné et effrayé par les requins depuis tout petit. J’ai vu beaucoup de documentaires, comme Les requins de la colère, qui insistent sur le fait que les requins ne sont pas du tout des prédateurs de l’homme. Bon, tant que la plongée n’avait pas été faite, j’avais quand même un doute ! (rires) J’ai passé un instant exceptionnel, j’étais conseillé par de très bons plongeurs. Je n’ai ressenti aucune agressivité de la part des requins. J’ai un très beau souvenir aussi du tournage avec les otaries, c’était un super moment, indescriptible.
Crédits photos : Wild Bunch Merci à l'équipe de Way to Blue pour l'organisation de cette séance