Spenser Confidential : un buddy movie pantouflard
Cinquième collaboration entre Peter Berg et Mark Wahlberg, Spenser Confidential, comédie policière moins old school que paresseuse, est une vraie déception.
Depuis qu’il s’est révélé à lui-même avec le magnifique drame teenage sportif Friday Night Lights (et la non moins fameuse série qu’il a engendré), l’acteur devenu réalisateur Peter Berg est devenu un portraitiste fameux de l’Americana dans tous ses états, qu’il remue son surmoi guerrier dans Du sang et des larmes et Le Royaume, ausculte avec effroi l’effondrement du monstre mécanique qu’est l’industrie du pétrole dans Deepwater, ou sublime les traumas d’une mégapole sous tension dans Traque à Boston. Même s’il a oeuvré dans le blockbuster pur et dur (Hancock et Battleship, c’était lui), Berg s’épanouit bien mieux dans un style réaliste et des enjeux resserrés sur l’humain et ses failles. Le cinéaste a en tout cas trouvé depuis longtemps sa muse, en la personne du all-american-hero Mark Wahlberg, qui s’est fait une spécialité d’incarner des outsiders forts en gueule issus de la classe ouvrière. Après l’échec de 22 Miles, le duo collabore pour la cinquième fois ensemble avec Spenser Confidential. Et pour ce projet financé par Netflix, ils ont apparemment décidé de laisser la gravité au vestiaire, et de se faire plaisir en retournant sur de familières terres bostonniennes pour livrer une comédie policière pure et dure, adaptée d’une célèbre série de romans de Robert B. Parker.
Du néo-noir à la comédie
Wahlberg incarne ici le détective privé Spenser, qui a déjà fait l’objet d’une série télé dans les années 80, et de plusieurs téléfilms à l’orée des années 2000. Mais le côté pulp et néo-noir de cet univers n’intéresse pas Peter Berg, et on le comprend dès l’apparition de l’ami Marky Mark à l’écran, roulant des mécaniques et tabassant tout ce qui bouge : Spenser Confidential est tout sauf un film à prendre au sérieux. Oh, bien sûr, il y a une forme d’intrigue policière qui se noue autour de son personnage (un ex-flic jeté en prison pour avoir tabassé son boss, et qui à sa sortie décide de laver l’honneur d’un collègue assassiné pour de sombres raisons), tout droit tirée du roman Wonderland (non signé par Parker) que le scénariste Brian Helgeland adapte très librement. Mais à voir la légèreté avec laquelle le film traite ses enjeux dramatiques (à ce titre, la révélation des véritables motivations des méchants de l’histoire est un non-événement), il est clair que ce sont les péripéties que Spenser et son nouvel ami Hawk (un apprenti boxeur intimidant et incarné avec un détachement pataud par le transparent Winston Duke) qui passionnent le plus un Berg soudainement revenu à l’époque de son très léger – et pourtant bien plus fun – Bienvenue dans la jungle.
« Le résultat, reprenant une esthétique complètement passe-partout, ressemble bel et bien à un pilote de série télé d’autrefois. »
Le réalisateur l’avoue facilement en interview, il voulait relâcher la pression après une série de films sérieux, pratiquement tous inspirés de faits réels, et s’offrir en même temps une franchise à gérer avec son buddy Mark. Difficile de dire si Netflix et ses abonnés mordront à l’hameçon, mais le résultat, tourné dans un format 2:0 inhabituel pour Berg et reprenant une esthétique complètement passe-partout (dommage, vu que le film investit de charmants décors bostoniens assez peu vus au cinéma), ressemble bel et bien à un pilote de série télé d’autrefois. L’intrigue est un prétexte à rassembler une « famille » autour de Spenser (Hawk, donc, mais aussi son ancien coach et ami fidèle joué par ce cabotin d’Alan Arkin, ainsi qu’une ex cintrée et excentrique), l’action se limite à quelques bagarres de bar et un bref mais spectaculaire carambolage, et l’originalité de l’ensemble, qui ressasse des gags fainéants et des passages obligés vieux comme l’Amérique avec une absence criante de dynamisme, est aux abonnés absents. Wahlberg, dont le timing comique et la carrure d’action hero sont plus que rodés, n’en sort pas grandi. On se prend à espérer que pour mériter son titre, cet oubliable Spenser reste définitivement confidentiel…