Mort ou Vif : le nouveau western a déjà 17 ans !
En attendant Django Unchained, hommage à un représentant précurseur du « spaghetti post-moderne ».
Mort ou vif aurait pu être un coup de grâce pour le jovial Sam Raimi. À l’époque, cette grosse production censée redonner un coup de fouet au genre du western, enterré avec les honneurs par Eastwood lui-même, est un pari de taille pour le futur réalisateur des Spider-Man, qui ne compte aucun « vrai » succès public à son actif (Darkman et Evil Dead 3 ayant pour le moins déçu leurs producteurs). The quick and the dead (titre original) a l’honneur d’être présenté hors-compétition au festival de Cannes. L’effet Sharon Stone, sans doute, qui en 1995, bénéficie encore des ondes positives post-Basic Instinct. Mais le film fait un four : à peine 18 millions de dollars de recettes, auxquelles s’ajoutent des critiques guère tendres avec les tentations post-modernes de Sam Raimi. Comme Wyatt Earp, comme les quelques autres tentatives de la décennie de faire rimer revolver et box-office, celle-ci se solde par un échec sans appel. Une sentence injuste, et un coup dur pour Raimi, qui attendra trois ans avant de repasser derrière la caméra. Mort ou vif souffre sans doute d’avoir été en avance sur son temps. Lapalissade ? Pas vraiment : à l’heure où Costner et Eastwood dissertaient sur la frontière ténue entre légende et réalisme, Sam Raimi osait ressusciter les grandes figures du western spaghetti, confirmer son penchant pour les plans impossibles et ultra-millimétrés, et faire de son sex-symbol féminin un Django en cache-poussière, blonde comme les blés et rapide comme l’éclair. Okay, Johnny Guitare était là avant, mais franchement, n’était-ce pas du jamais vu dans le genre ?
Une femme dans la ville
Soit donc une femme sans nom, débarquant un beau matin dans la petite ville de Rédemption, un trou perdu écrasé sous le soleil où un tyran nommé John Herod règne sans partage. Celui-ci ameute chaque année les meilleurs tireurs de l’Ouest, à l’occasion d’un concours de duels dont il écrit lui-même les règles. A la clé, la somme énorme de 123 000 dollars pour le vainqueur. Notre héroïne est bien sûr venue pour le tournoi, tout comme le Kid, le propre fils d’Herod, que celui-ci refuse de reconnaître ; le taciturne sergent Cantrell (« vous écrivez ça comment ? » lui demande-t-on au moment des inscriptions. « Sans faute » répond-t-il en fumant sa pipe) ; ou bien Ace Hanlon, un magicien vantard et haut en couleurs qui se prétend aussi bon d’une main que de l’autre. Une faune hétéroclite et particulièrement dangereuse, donc, attirée par l’appât du gain. La femme sans nom, elle, a plutôt un compte personnel à régler avec Herod : une vengeance qu’elle prépare et rumine depuis vingt ans…
Première originalité et pas des moindres, donc, dans le rôle typique du western à l’italienne, celui de l’étranger arrivant en ville avec un passé à découvrir et un objectif secret à accomplir, c’est une femme que la caméra accompagne dès les premières minutes. Stetson vissé sur la tête, santiags clinquantes et regard d’acier, Sharon Stone n’a jamais été aussi belle et iconique que dans ce rôle, pas vraiment à la portée de n’importe quelle actrice (revoyez le pitoyable Belles de l’Ouest pour vous en convaincre). L’incongruité totale du personnage, une femme libre, déterminée, douée au pistolet et habillée comme un homme en plein Ouest sauvage, est intelligemment mise en abyme par les réactions même qu’elle provoque lors de son arrivée. Entourée d’hommes soudain décontenancés par cette inversion des valeurs, la miss Stone joue du poing et des répliques pour se faire respecter, avec d’autant plus d’aplomb qu’Herod lui-même l’a vite remarqué, et soupçonne dès lors un double jeu derrière sa participation au tournoi. Tous ont, d’une manière ou d’une autre, une idée derrière la tête, un mensonge à cacher, une vérité à prouver. La mise au point se fait à chaque fois par les armes, dans un cadre (la rue centrale de la ville, sous l’horloge) à chaque fois identique, mais dans des conditions (visuelles, temporelles, narratives) à chaque fois différentes. Tous les personnages, secondaires ou non, tels l’Indien indestructible qui se relève encore et encore malgré les balles, ont droit à leur moment de gloire, dans une farandole de séquences autonomes proprement jubilatoire.
Au son des barillets
Dans un flash-back léonien, Ellen se remémore le décès de son père, juché sur une croix, la corde au cou, malmené par la bande de Herod. Il était une fois dans l’Ouest, oui, pas de doute, mais un Ouest aux allures de purgatoire en attente d’être pulverisé par une colère divine. Ce n’est pas un hasard si le maître des lieux, tyran infanticide et paranoïaque retranché dans sa baroque demeure, se nomme John Herod : dans l’Antiquité, le roi Hérode était un dictateur placé par les Romains a la tête de Jérusalem, et c’est lui qui, pour éviter la venue du « roi des Juifs », fera assassiner tous les enfants de moins de deux ans de la ville.
Un classique sans héritier
Ces multiples références pourraient alourdir le propos : elles ne font au contraire que donner une singularité accrue au film de Raimi, tout entier voué à sa bizarrerie fantasque, à son étrange dimension oedipienne (Herod a, presque malgré lui, retourné contre lui tous ses héritier(e)s spirituels et familiaux, de Cort à Ellen en passant bien sûr par le Kid). Elles lui donnent aussi l’un des méchants les plus grandioses de l’histoire du western, une pléiade d’effets visuels inhabituels dans ce contexte, une absence totale de vérisme historique qui doit beaucoup aux aventures intemporelles tricotées par Corbucci, Tessari et leurs collègues des sixties.
Tout le contraire de Deadwood ou de True Grit, donc, bien mieux tombés que Mort ou vif en termes de plébiscite public et critique. Leur héritage n’a sans doute rien en commun. Le « western moderne » se partage ainsi entre un retour, à peine constellé de quelques transgressions, aux codes de l’âge d’or hollywoodien, et une modernisation contre-nature du genre, qu’il flirte avec d’autres périodes temporelles (No country for old men, Red Hill) ou partouze carrément avec des cousins inattendus (le panasiatique Warrior’s Way, le film d’horreur The Burrowers, ou encore Cowboys vs Aliens).
Respecter les codes et l’imagerie en vigueur, ce n’est assurément pas l’objectif de The Quick and the dead, ronde de mort burlesque et spectaculaire qui n’a aucun vrai héritier – attendons de voir ce que propose tout de même Quentin Tarantino avec son propre Django, mais qui assure à elle seule la postérité du genre « spaghetti post-moderne ».
Article modifié paru à l’origine sur www.dvdrama.com
Un bon western réalisé par Sam Raimi avec d’excellents acteurs comme Sharon Stone, Gene Hackman, Russell Crowe, Leonardo DiCaprio… Plus un film de duels au far West qu’un véritable western tel qu’on les connaît. La fin est assez inattendu car Sharon Stone est encore en vie alors qu’on la croyait morte. Les acteurs jouent tous très bien et Sam Raimi multiplie les zooms et les effets de caméra durant les duels. J’ai assez aimer même si il ne se passe pas grand chose à part des duels et des conflits. Assez bien!
Très bon souvenir de cinéma. Mais il y a déjà 18 ans !
Hé oui. Souvenir, même, d’une séance à la Fête du Cinéma !
Mon premier western. Ma première VO sous-titrée. Je suis ensuite tombée amoureuse de Sergio Leone et Clint Eastwood.
« Mort ou vif » restera particulièrement unique pour moi car il a été la porte d’entrée vers l’Ouest et les westerns !