Black Beach : le blues du négociateur
Honnête thriller politique, Black Beach peut compter sur l’excellent Raul Arévalo pour nous guider dans une histoire amorale de corruption en Afrique.
Malgré un titre qui pouvait laisser espérer un décor de plage volcanique, Black Beach n’a rien de paradisiaque. Dans ce qui constitue le deuxième long-métrage d’Esteban Crespo (Amar), la plage noire en question désigne une prison de sinistre réputation, perchée au-dessus de la mer en Guinée équatoriale. C’est dans cette contrée noyée sous le soleil et dans la pauvreté que se situe l’action de ce film espagnol, qui se veut à la fois thriller politique et réflexion (pas trop poussée) sur la corruption des élites, l’héritage de la colonisation et les abus de pouvoir des multinationales.
Raul Arévalo (La Isla Minima, et en tant que réalisateur La colère d’un homme patient), à la fois taciturne et désemparé, y joue Carlos Fuster, un cadre aux fonctions un peu floues qui facilite à Bruxelles les transactions d’une grosse compagnie pétrolière américaine. Son monde est fait d’argent – sale -, de luxe et de compromissions, et il ne rêve que de s’installer à New York avec sa femme. Son expérience dans une ONG l’amène pourtant à être choisi pour jouer les médiateurs en Afrique, et faciliter la libération d’un ingénieur yankee pris en otage. Carlos se rend sur place, sans prendre conscience des véritables enjeux de cette mission…
Intrigues politiques et coups d’éclat
Même si le syndrome du « sauveur blanc » plane au-dessus de Black Beach comme une épée de Damoclès (le héros se balade même en voiture de sport au beau milieu des cahutes), le film de Crespo fait son possible pour de ne pas céder à la simplification. Dans cette histoire aux allures de roman à la Tom Clancy, où le protagoniste est un homme de réseaux qui doit improviser sa survie en étant ballotté d’une révélation à une autre, les frontières morales sont floues, l’innocence est toute relative et les bonnes actions ne sont pas toujours récompensées. Il fallait au moins cette ambition-là pour embrasser correctement tous les thèmes brassés par le scénario de Black Beach, qui s’éparpille un peu en voulant intégrer trop de couches d’intrigues (la prison déjà mentionnée n’apparaît par exemple que quelques minutes), au point que le retournement de situation final, qui implique un personnage secondaire clé, ne fera pas tout de suite sens si l’on a pas été très attentif dès le début du métrage.
« Avec sa dégaine de Sean Penn méditerranéen, Arévalo tient tout le film sur ses épaules. »
En terme de mise en scène, Black Beach n’est pas d’une écrasante originalité. Production visiblement bien dotée, le film s’égare malgré tout souvent dans son montage, oubliant de générer du rythme à certains moments pour mieux emballer la machine la seconde d’après. Le morceau de bravoure central est une poursuite à perdre haleine, qui fait basculer le thriller à la Costa-Gravas dans le film d’action à la Jason Bourne, avec escapade sur les toits et fusillade dans un bidonville. Même dans ces moments spectaculaires, Crespo se montre soucieux de garder l’attention sur les rapports humains, sur les conséquences des actes de Carlos et les dommages collatéraux que sa prise de conscience trop tardive entraîne. Avec sa dégaine de Sean Penn méditerranéen, Arévalo tient tout le film sur ses épaules. Son charisme cabossé, pas forcément aimable est l’atout maître de ce divertissement de bonne facture, qui ne laissera malgré tout pas un souvenir aussi vivace que les références du genre qu’il convoque.