Boss Level : se réveiller. Mourir. Recommencer !

par | 30 mars 2021 | À LA UNE, BLURAY/DVD, Critiques, VOD/SVOD

Boss Level : se réveiller. Mourir. Recommencer !

Le réalisateur Joe Carnahan propulse l’action-star Frank Grillo dans une spirale sans fin d’action régressive. Surprise : ça fonctionne plutôt bien.

Vous vous souvenez de notre introduction de la critique de Palm Springs sur la résurgence des films (et séries) réutilisant à leur compte le concept du « jour sans fin » cher à Harold Ramis, en y apposant des variations plus ou moins concluantes (de genre, d’approche, de rythme) ? Vous pouvez la recopier d’emblée pour présenter ce Boss Level jouant dans une autre catégorie que la comédie avec Andy Samberg. Loin de nous l’idée de taxer Joe Carnahan (Narc, Le territoire des loups, L’agence tous risques, bref une carrière où le solide côtoie le nawak) d’opportuniste : cette idée de film d’action tournant très littéralement en boucle, il la pitchait aux producteurs dès le début des années 2010. Tourné en 2018, Boss Level a subi maints aléas avant de bénéficier d’une sortie mondiale en vidéo, logique au vu du contexte, mais aussi du caractère résolument bis, presque suranné, de son film.

Same Grillo shoot again

Boss Level : se réveiller. Mourir. Recommencer !

Même s’il ose parfois s’aventurer, comme dans le poisseux Donnybrook, en dehors de son territoire de prédilection, la série B virile et urbaine avec une once de dérision (voir les American Nightmare), Frank Grillo contient dans son physique même d’action-star minérale et bodybuildée des promesses de spectacle sans prise de tête. Et c’est un peu ce que fournit Boss Level dès son entame sur fond de générique rétro-gaming (oui, au cas où le titre ne serait pas assez clair sur l’analogie vidéoludique du scénario) : Roy Pulver est un ancien militaire qui se réveille brutalement en devant dézinguer un homme de main, échapper à la mitrailleuse d’un hélicoptère et à une surréaliste horde de tueurs à gages hauts en couleurs (un souvenir de son Mise à Prix ?), sans parvenir à leur échapper. Car oui, Roy meurt sous les coups de ses adversaires, encore et encore, comme un joueur incapable de compléter le niveau qu’on lui demande de surmonter, un game over après l’autre. L’équivalent filmique du die and retry, qui se justifie de manière fumeuse par une intrigue de machine à créer des boucles temporelles sur laquelle travaillent son ex-femme (Naomi Watts, qui ne se cantonne pas aux utilités) et le patron de celle-ci (Mel Gibson, auteur d’au moins un petit monologue menaçant très réussi)…

« Des myriades de clins d’œil destinés aux gamers et aux nostalgiques des films d’action des années 80-90… »

Improbable, oui, mais qu’importe : l’abus immédiat de voix off, de ralentis esthétisants, d’explosions et de cascades qui inonde rapidement l’écran rappelle si besoin était que Boss Level n’est pas exactement un film à prendre au sérieux. Il faut accepter le caractère évidemment ludique de l’exercice, conçu comme un hommage à la culture ludique et filmique des années 90, qui impose au montage son rythme frénétique et au metteur en scène son ton insolent, ses dialogues très littéraux, sa violence décomplexée (Roy meurt de façon variée : empalé, décapité, écrasé… et toujours très graphique). Aussi attendu qu’il soit, le concept de duplication scénarisée des codes du jeu vidéo à l’ancienne se déploie de manière assez organique – et jouissive – dans le script de Carnahan, même si son caractère artificiel handicape dans le même temps les tentatives d’implication émotionnelle entourant la relation entre Roy et son fils, qu’il apprend à connaître un peu plus à chaque journée répétée.

Un univers à explorer

Boss Level : se réveiller. Mourir. Recommencer !

Il y a du fond, certes pas subtil, dans Boss Level, au-delà des fusillades hystériques tartinées de mises à mort cartoonesques et d’effets spéciaux numériques trahissant un budget pas si glorieux qu’il n’y paraît. Au-delà aussi des myriades de clins d’œil destinés aux gamers et aux nostalgiques des films d’action des années 80-90 (une Gatling par-là, une catchphrase de boss de fin répétée en boucle par ici, des adversaires tout droit sortis d’un beat’em all SNK, des scènes et poursuites tout droit sorties d’un Die Hard ou de Matrix… La liste est longue). Un univers et une progression dramatique savamment construits par un Joe Carnahan visiblement libre, pour une fois, de ses mouvements, pour un résultat qui pâtit néanmoins, surtout dans sa très plate conclusion, de la comparaison avec le plus sophistiqué (et friqué) Edge of Tomorrow de Doug Liman.