Continuant sur la lancée de Oblivion, qui avait rencontré un succès relatif, Tom Cruise semble vouloir pousser sa carrière vers des horizons science-fictionnels tendance « hard SF » avec cette adaptation d’un roman graphique japonais, titré All You Need is Kill, qui fut un temps le titre de pré-production du projet. La cinquantaine entamée, Cruise peut encore jouer sur son classique statut de sauveur du monde dans un récit guerrier cataclysmique, cette fois dans un registre plus fun et comic book. Il s’est associé pour l’occasion au réalisateur Doug Liman, qui peine depuis quelques années à récupérer ses marques en tant que cador du film d’action nouvelle génération (La mémoire dans la peau, c’était en 2002, avant les déconvenues de Mr & Mrs Smith et Jumper).

Tout comme son héros condamné à rejouer la même journée inlassablement jusqu’à pouvoir trouver une hypothétique issue victorieuse, Tom Cruise a-t-il enfin récupéré son trône de star du grand spectacle hollywoodien et fait oublier ces pénibles errements prosélytes au service de la scientologie ? Voilà un des challenges à remplir par ce Edge of Tomorrow que l’on n’attendait pas si tôt dans la vague des blockbusters américains.

La guerre sans fin

Edge of Tomorrow : aujourd’hui à jamais

Grand spectacle de science-fiction guerrière, se basant sur un principe narratif analogue au chef d’œuvre de Harold Ramis, Un Jour sans Fin, Edge of Tomorrow met Tom Cruise dans la peau du major William Cage, soldat bien pleutre envoyé sur les plages de Normandie en pleine Guerre des Mondes, qui va se trouver coincé dans une boucle temporelle suite à une rencontre avec un alien bien particulier. Très vite, il devient évident que la clé du scénario va résider dans la capacité d’adaptation et de survie de ce héros malgré lui, avec l’objectif d’inverser la courbe de sa défaite inévitable, aidé en cela par sa rencontre avec Rita, une super-guerrière qui va devenir son maître d’armes. Un rôle de femme forte incarné avec conviction par Emily Blunt.

[quote_center] »Pour ne rien gâcher, un humour salvateur, à la limite du burlesque, vient s’immiscer à de nombreuses occasions dans la conclusion ou l’origine des boucles temporelles, et a le mérite de faire respirer un récit quelque peu tragique. »[/quote_center]

C’est dans cette première partie excellemment ludique que réside le meilleur du film, entre les allers-retours de Cage et ses efforts à sortir du champ de bataille dominé par les ET tentaculaires en développant ses aptitudes de héros guerrier, le tout ponctué de savoureux échanges avec un Bill Paxton que l’on a toujours plaisir à revoir dans une grosse production. Quant aux inquiétudes relatives à la présence de Doug Liman derrière la caméra, qui aurait pu faire craindre un sur-découpage intensif, elles sont vite balayées par les premières séquences de combat, qui bien que montées assez cut, restent élégantes et dynamiques sans provoquer de migraine oculaire ! Aidé par une direction artistique qui a su puiser son inspiration dans Starship Troopers, Avatar et la culture mécha des mangas, le réalisateur tire le meilleur parti de son script, au point de départ brillant et assumé, en s’appuyant sur le talent et la prestance de son comédien principal, mis sur un pied d’égalité avec Emily Blunt, dont la relation en devenir reste crédible, et avec les seconds rôles, simples chairs à canon qui sauront pourtant avoir leur moment de gloire.

Same player : die again

Edge of Tomorrow : aujourd’hui à jamais

Mais plus qu’un hommage aux références précitées, c’est une forme inédite de fusion dramaturgique avec l’univers du jeu vidéo tendance « FPS » qui nous est ici proposée : le concept de la répétition (le fameux « die & retry ») et de la pseudo-linéarité dans l’enchaînement des séquences de bataille se prête avec efficacité à ce type de spectacle. Ce parti-pris ludique, mais cohérent narrativement permet de reléguer aux oubliettes les tentatives passées comme Doom et, fait penser, dans un registre plus apocalyptique, certes, aux constructions narratives de The Raid et surtout de sa suite. Pour ne rien gâcher, un humour salvateur, à la limite du burlesque, vient s’immiscer à de nombreuses occasions dans la conclusion ou l’origine des boucles temporelles, et a le mérite de faire respirer un récit quelque peu tragique. Cet ingrédient participe aussi à l’humanisation du major Cage, ce qui n’exclut pas au demeurant une digression plus grave sur la fatalité et les errements de la destinée.

Si le modus operandi du vortex temporel n’est pas tenu de bout en bout, et que la conclusion s’engage sur des terrains plus classiques, plus conformes aux canons hollywoodiens (sans trop en révéler, elle peut se voir paradoxalement comme une mise en boucle inattendue des happenings héroïques de Tom Cruise au cinéma), Edge of Tomorrow dégage assez de motifs de satisfaction pour se révéler, à l’instar de X-Men Days of Future Past, comme l’un des bons blockbusters sci-fi à déguster cette année sur grand écran. Entre le plaisir cocardier de découvrir la France en ultime champ de bataille où se joue le destin de la race humaine (Emily Blunt étant sanctifiée comme l’héroïne de Verdun !) et les nombreuses trouvailles visuelles qui accompagnent un récit tout dévoué à son concept de mise en abîme, du moins dans ses deux premiers tiers, le dernier film de Doug Liman est la production surprise du moment, trop perfectible il est vrai pour tutoyer les grandes réussites de l’animation japonaise, dont il souhaite visiblement beaucoup se rapprocher.

Une belle alternative

Edge of Tomorrow : aujourd’hui à jamais

Mais ceci est plus qu’engageant sur la manière dont les studios hollywoodiens pensent leurs films à gros budget : en proposant d’autres alternatives que des franchises usées jusqu’au trognon ou des remakes faisandés. Edge of Tomorrow souligne aussi la volonté de Tom Cruise de persister dans la voie initiée par Mission impossible : protocole fantôme en 2011 avec des choix de producteur aussi audacieux et plus en phase avec un grand public, qui semble désormais prêt à lui pardonner ses errements sectaires passés.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Quatresurcinq

Edge of Tomorrow
De Doug Liman
2014 / USA / Australie / 113 minutes
Avec Tom Cruise, Emily Blunt, Bill Paxton
Sortie le 4 juin 2014
[/styled_box]