Insurrection : aux armes, Polonais !
Le soulèvement meurtrier des habitants de Varsovie en 1944 est raconté de manière poignante et spectaculaire dans ce surprenant Insurrection.
La Seconde Guerre Mondiale n’en finit pas d’inspirer des productions à vocation mémorielle et spectaculaire. La Pologne est un pourvoyeur inhabituel de films de ce genre, même si dans le cas présent, Insurrection (Miasto 44 en VO) est moins un récit héroïque qu’une plongée en apnée dans l’enfer de Varsovie, qui se soulève durant l’été 1944, à l’approche des troupes russes. Réalisateur méconnu à l’époque de la sortie du film (on lui doit depuis le très remarqué La Communion, entre autres), Jan Komasa a hérité d’un – très – gros budget à l’échelle de son pays pour reconstituer avec un insolent luxe de détails, de décors et de milliers de figurants, cette période infernale, qui a traumatisé pour des décennies une nation entière.
Œuvre sincère, certes imparfaite, mais nécessaire pour comprendre les souffrances endurées par les Polonais (cette longue révolte face à un Reich encore très puissant dans cette zone, fit pour rappel près de 200 000 victimes de leur côté, dont 80 % de civils, et entraîna la déportation de dizaine de milliers de survivants), Insurrection compte bon nombre d’images saisissantes et inoubliables. Le dernier plan, entre autres, est un monument en soi.
Le traitement sans concession des horreurs nazies (aucun personnage n’est épargné, et certaines visions évoquent même des titres tels que Come and See / Requiem pour un massacre) côtoie de manière assez habile une histoire de triangle amoureux, entre Stefan, un jeune « combattant » ambigu et deux filles engagées à ses côtés. Insurrection débute ainsi, avec un sens aigu de la manipulation, par des scènes dramatiques mais insouciantes, les insurgés en question étant de jeunes pousses issues de la bourgeoisie, avant de s’enfoncer au fil des minutes dans la tragédie la plus désespérée, le rapport de force étant déséquilibré et les libérateurs attendus ne répondant pas à l’appel (en occurrence les troupes soviétiques de Staline, qui restaient volontairement postées sur l’autre rive devant la ville en évitant de prendre part aux combats). C’est sur le papier assez classique, mais le style déjà affirmé de Komasa, entre plans-séquences grandioses, ralentis pompiers et extravagants, et sécheresse évocatrice prenant aux tripes, constitue la vraie surprise de ce film impressionnant, sorti pour les 70 ans de l’insurrection en question.