Minor Premise : tout sur ma tête
Sorte de Split réalisé par un émule de Nolan, Minor Premise déploie une intrigue de SF cérébrale plutôt marquante.
Pas de budget, mais des idées : c’est le mantra que doivent sans aucun doute afficher au-dessus de leur lit les scénaristes et réalisateurs en manque de moyens lorsqu’ils tentent de percer sur le grand écran. Dans le cas d’Eric Schultz, auteur et metteur en scène du film à micro-budget Minor Premise, il a fallu passer par les cases production (James White, Katie says Goodbye) et court-métrage (Premise, ébauche évidente de son long-métrage) avant de parvenir à emballer cette œuvre de science-fiction lo-fi, qui à l’instar d’autres représentants du genre comme Primer, LFO, Coherence ou Pi, en raconte beaucoup avec peu. Peu d’acteurs, peu de décors, peu de temps aussi : il n’en faut pas beaucoup au cinéaste pour remuer sérieusement notre cerveau tandis qu’il explore celui de son héros, fractionné en dix pour l’amour de la science !
Un cerveau qui en cache dix
Ethan (Sathya Sridharan), neuroscientifique asocial travaillant dans l’ombre de son brillant et défunt chercheur de père, poursuit ses travaux sur la conscience humaine. Travaux qui prennent la forme d’une machine bâtie dans la cave de la maison familiale : branchée sur le cerveau, celle-ci pourrait permettre de fragmenter et de compartimenter les « zones émotionnelles » qui composent notre personnalité, et servir pour guérir les dépressions, anticiper les comportements déviants… Souffrant de pertes de mémoire, isolé malgré l’affection que lui porte son ex-petite amie Ali (Paton Ashbrook), Ethan commet l’irréparable lors d’une soirée arrosée : il teste la machine sur lui-même et décompose sa conscience en dix parties. Une par état émotionnel primitif (excité, colérique, amoureux, rationnel…), chacune se partageant six minutes de « présence » avant qu’Ethan revienne à son état naturel. Ethan et Ali doivent retrouver la bonne formule pour inverser ce processus, d’autant plus dangereux que l’une de ses « personnalités » conspire à son insu pour prendre l’ascendant sur toutes les autres…
« Un thriller malaimable, fleurant bon l’artisanat, recroquevillé par la force des choses sur la performance très solide de Sathya Sridharan. »
Impossible à la lecture de ce pitch aussi exubérant qu’excitant de ne pas repenser au Split de Shyamalan avec son James McAvoy basculant sans prévenir d’une personnalité à une autre. Plus cérébral, moins ludique (il ne s’agit pas ici de « rôles » opposés et aléatoires, mais des différents aspects d’une même personne, la nuance se révélant capitale), Minor Premise flirte également, dans sa rigoureuse construction non-linéaire et le choix de dépeindre un personnage peu aimable engagé dans une relation amoureuse quasi-toxique et une bataille pour rester lui-même, avec le Christopher Nolan de Memento. Des références prestigieuses, écrasantes, qui n’entament pas le plaisir pris à la vision de ce thriller malaimable, fleurant bon l’artisanat, recroquevillé par la force des choses sur la performance très solide de Sathya Sridharan, acteur croisé à la télé (Blindsight, Succession…) devant littéralement jouer chaque émotion du répertoire comme si sa vie en dépendait. Esthétiquement, Minor Premise fait le job pour instaurer une ambiance étouffante et laisser le script de Schultz prendre la place qui s’impose. La ligne d’arrivée est moins galvanisante que ce qui précède, mais dans un océan de productions fauchées du même style, souvent trop ambitieuses pour leur propre bien ou dénuées de rythme et de performances à la hauteur, Minor Premise marque lui (tous) nos esprits.
Bon film 🎥