Adam à travers le temps : l’aventure antérieure

par | 21 mars 2022 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

Adam à travers le temps : l’aventure antérieure

Ryan Reynolds rencontre son mini-moi et résout ses traumas familiaux dans une escapade science-fictionnelle très familiale.

Le duo Shawn Levy – Ryan Reynolds, qui s’était formé pas plus tard que l’été dernier pour les besoins de Free Guy, comédie d’action vidéoludique et carton surprise au box-office, n’a visiblement pas eu envie de se reposer sur ses lauriers. Car voici que débarque, à peine huit mois plus tard, son successeur, Adam à travers le temps, production aussi clinquante, mais finalement bien plus modeste dans ses ambitions. Cette fois destiné à la plateforme Netflix, The Adam Project (en VO) est assez malin dans ses intentions puisqu’il associe l’une des grosses stars du moment, dont l’audience est plutôt jeune et adolescente, à un script dont les références font de l’œil à une génération de quarantenaires biberonnées aux productions Amblin et à la saga Retour vers le futur en particulier. Un programme familial et nostalgique donc, qui n’entend pas prendre beaucoup de risques même s’il traite finalement en filigrane d’un sujet difficile, à savoir le deuil parental.

Les voyages temporels forment la jeunesse

Adam à travers le temps : l’aventure antérieure

L’action débute au beau milieu de l’espace, alors que le pilote Adam Reed (Reynolds) tente d’échapper à ses poursuivants dans un vaisseau capable de voyager dans le temps. Nous sommes en 2050 et notre héros pense avoir réussi à se catapulter en 2018… mais il atterrit finalement dans l’année 2022. À cette époque, Adam a 12 ans, est chétif, et se caractérise par sa grande bouche et sa manie de faire des bons mots (on se demande bien où les scénaristes ont été chercher ça…). Un mécanisme de défense, sans doute, pour surmonter le chagrin dû à la mort de son père scientifique (Mark Ruffalo), qui a laissé sa mère (excellente Jennifer Garner) seule et en quête de reconstruction. Quand Adam tombe, au fond de son jardin, non pas sur E.T., mais sur son propre moi venu du futur, il est plus qu’excité par cette aventure inattendue. Excédé, blessé, Ryan Adam a malgré tout besoin de son jeune moi pour redémarrer son vaisseau, retrouver sa femme (Zoe Saldana) perdue dans le passé puis le chemin de 2018, année où leur père a découvert sans le savoir le moyen de créer le voyage dans le temps…

« La bonne idée de Shawn Levy est ici de convoquer le spectre des productions Spielberg d’antan. »

L’excitant programme d’Adam à travers le temps titille des concepts qui font depuis longtemps le bonheur des amateurs de science-fiction. Rencontrer plusieurs versions de soi-même venues du futur ou du passé est une vieille marotte de scénariste, utilisée il y a une décennie à merveille par Rian Johnson dans Looper. La bonne idée de Shawn Levy est ici de convoquer le spectre des productions Spielberg d’antan en faisant collaborer un ado prêt à s’émerveiller et sa version adulte, fatiguée par le temps et les épreuves, mais également porteur d’un savoir et d’une technologie plus qu’excitante (Ryan Reynolds ne quitte jamais une sorte de bâton-sabre laser à la puissance complètement disproportionnée). Ressort comique et dynamiteur dramaturgique, ce duo est rapidement installé sur des rails familiers, Adam à travers le temps se muant illico en course-poursuite avec des méchants falots et interchangeables. Plus que les paradoxes temporels (ou même le futur de 2050, finalement jamais montré), ce qui intéresse ici le réalisateur de Real Steel, c’est l’émotion qui saisit et paralyse ses héros, des deux Adam à leur maman, dont la personnalité est comme amputée par la mort du père. Le trauma irrésolu de la perte brutale, le malheur vécu comme une injustice, tout cela pointe vers un vrai climax émotionnel, qui supplante aisément en intérêt les péripéties digitales et les rajeunissements numériques hideux qui parsèment le film.

Cela ne fait pas d’Adam à travers le temps un bijou du niveau des influences qu’il convoque : sans temps mort, ramassé, porté par un casting motivé, le long-métrage reste paresseux, un peu trop bon enfant et programmatique. Mais il ressort du projet, clairement destiné à un jeune public, une certaine humilité, une ambition à hauteur d’homme (ou plutôt d’enfant) qui nous réconcilie notamment, un peu, avec l’irritant Reynolds après ses purges made in Netflix comme Red Notice ou Six Underground.