Beyond the infinite two minutes : du plaisir en boucle
Voyage dans le temps microscopique, Beyond the infinite two minutes est un OVNI à petit budget à découvrir d’urgence.
Définition même de la pépite sortie de nulle part, Beyond the infinite two minutes fait partie de ces productions ultra-indépendantes qui n’arriveraient jamais jusque dans vos petits écrans sans la caisse de résonance apportée par les festivals spécialisés. De l’argent, le réalisateur Junta Yamaguchi et la troupe de théâtre Europe Kikau qui constitue le gros de son casting n’en avaient clairement pas. Mais des idées originales et du talent, ça oui, ce film en regorge ! Et c’est ce qui permet à cette micro-production japonaise d’intriguer puis de ravir les cinéphiles qui le découvrent au détour d’une sélection. Comme à l’époque du brillant One Cut of the Dead / Ne coupez pas !, on ne peut que louer l’inventivité et l’ingéniosité de cette « comédie spatio-temporelle » qui présente la particularité d’être tournée en un seul plan-séquence !
Vers la minute infinie et au-delà
Toute l’action de Beyond the infinite two minutes se déroule dans un café de Tokyo et les étages qui le surplombent. Le jeune Kato travaille et vit sur place, et à la fin d’une longue journée, a la surprise de voir sur l’écran de son ordinateur personnel son propre moi qui lui parle en direct du futur ! Mais pas un futur lointain : il s’agit du Kato de dans deux minutes, qui parle à l’écran de télévision connecté à l’ordinateur au rez-de-chaussée. Médusé, Kato descend dans le café et voit effectivement son Kato du passé, dans sa chambre, et à qui il vient dire exactement la même chose. Il est bientôt rejoint par ses amis qui découvrent avec la même stupeur cette anomalie temporelle, et se mettent en tête de multiplier les écrans « miroir » – en prenant en compte l’effet dit de Droste, sortez vos livres de sciences – pour avancer toujours plus loin dans le futur… Mais jusqu’où ?
« Beyond the infinite two minutes se déguste
comme une capsule de plaisir ludique. »
Il en faut de la discipline et de la préparation pour exécuter dans un seul plan de 70 minutes, filmé à l’iPhone, l’intégralité du scénario de cet euphorisant Beyond the infinite two minutes. Parce qu’il repose sur un principe de voyage dans le temps microscopique, mais calculé à la minute près (deux minutes, puis quatre, puis douze, etc.), le film impose un crescendo rythmique insensé, l’action prédite dans chacun des écrans devant ensuite se dérouler, hors écran, à l’exacte minute du film où elle est censée avoir lieu (vous suivez ?). C’est intrinsèquement absurde, mais il se dégage de cet exercice de style, de comédie et de science appliquée une forme de joie enfantine, consistant non pas à chercher les causes d’un phénomène, mais à s’amuser à en tester les limites, comme prédire le résultat d’un match pour aller prévenir son moi du passé – qui n’en aurait pas l’idée ? Porté par l’énergie d’un casting de théâtre rompu à l’exercice du « live », et par une scénographie verticale qui n’autorise aucun temps mort, Beyond the infinite two minutes se déguste comme une capsule de plaisir ludique qui ne se prend pas au sérieux – il n’y a qu’à voir comment tout ça se termine -, mais dont la réussite n’a au final rien à voir avec la chance ou l’accident heureux.
Selection BIFFF 2021! Un film qui part en sucette comme on aime, car on n’a pas d’attente précise. On se laisse bercer par la surprise!