Enola Holmes 2 : émancipation et enquête en famille
La piquante Enola Holmes se lance à Londres dans une enquête bancale, mais engageante, dans cette suite produite par Netflix.
Deux an à peine se sont écoulés depuis la sortie sur Netflix d’Enola Holmes, adaptation de la série littéraire de Nancy Springer imaginant les aventures de la petite sœur fictive de Sherlock Holmes, dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle. Un pur divertissement familial qui avait surtout marqué les esprits par l’association étonnante entre Millie Bobby Brown, star adolescente de Stranger Things dans son premier grand rôle au cinéma, et Henry Cavill, alors à l’affiche de The Witcher et un poil à l’étroit dans les costumes serrés du plus célèbre des détectives. Tiré cette fois non pas d’un livre, mais d’un scénario inédit, Enola Holmes 2 reprend la même recette et projette à nouveau son duo holmsien dans une enquête effrénée à défaut d’être renversante.
Un Holmes en cache souvent un autre
Fière d’avoir résolu sa première affaire, Enola décide de faire le grand saut et ouvre sa propre agence de détectives dans les faubourgs de Londres. Mais la jeune femme, tout heureuse d’échapper à un destin corseté, l’est tout de même un peu trop, jeune, pour ses potentiels clients. Alors qu’elle songe à fermer boutique, une petite fille vient chercher son aide pour retrouver sa « sœur » disparue. Les deux travaillent dans une manufacture d’allumettes où des documents sensibles ont été volés. Alors qu’elle se met à enquêter, Enola recroise la route de son frère Sherlock (Cavill, donc, plutôt détendu), qui se laisse aller à force de buter sur sa propre investigation : une histoire de vol d’argent impliquant des industriels et politiciens haut placés. Bien entendu, quelque chose lie ces deux affaires et de la mère d’Enola (Helena Bonham Carter) au jeune député Lord Tewkesbury (Louis Partridge), soupirant de la perspicace enquêtrice, Enola va avoir besoin de toute l’aide possible pour les résoudre…
« Enola Holmes 2 conserve le caractère ludique d’un genre où les énigmes se doivent d’être abracadabrantesques et les machinations fumeuses. »
Héroïne positive et engageante, adepte de la cassure répétée – parfois ad nauseam – du quatrième mur, car commentant, par une réplique ou une mimique, l’action au cours au spectateur (le réalisateur Harry Bradbeer était derrière la caméra pour la série Fleabag et ça se sent), Enola Holmes est un personnage en or pour une actrice désirant étoffer sa filmographie et sortir de l’ornière envahissante d’une série télé devenue un mastodonte médiatique. Millie Bobby Brown, loin de son Amérique natale, s’amuse à traverser les péripéties que lui réservent les scénaristes de cette suite bondissante. Le film démarre pourtant mal, avec cet artifice épuisé qu’est le « Vous vous demandez sans doute comment j’en suis arrivé là » appliqué sur une scène de poursuite qui se fige à l’écran. Le scénario n’est pas avare en facilités, Londres étant apparemment trop petit pour qu’Enola ne tombe pas sur son frère, sa mère ou tout autre personnage utile à sa quête sans se fouler. Enola Holmes 2 conserve heureusement le caractère ludique d’un genre où les énigmes se doivent d’être abracadabrantesques, les machinations fumeuses, pour que le spectateur passe outre le côté attendu de l’aventure. Il y a même un sous-texte émancipateur sur les premiers mouvements sociaux de 1888, bien réels ceux-ci, entrant en résonance avec le personnage d’Enola.
Dépoussiérage tout public
Bien soutenue par une profusion de décors opulents et détaillés, et la partition virtuose et entraînante de Daniel Pemberton, cette séquelle se montre moins convaincante quand elle doit développer l’incontournable romance pour ados entre Enola et Tewkesbury (Partridge est aussi convaincant en homme politique sachant encaisser les coups que Vin Diesel le serait en Tintin reporter), quand le monteur pris de spasmes surligne des indices montrés dix minutes avant (Netflix prendrait-il ses abonnés pour des poissons rouges ?) ou quand Bradbeer introduit des personnages-clés de la mythologie de Doyle avec la finesse d’un panda obèse. C’est qu’Enola Holmes 2 n’a pas l’ambition d’être révolutionnaire dans son dépoussiérage tous azimuts : nous restons ici dans le giron d’une déclinaison tous publics des films de Guy Ritchie, jamais trop choquante ou compliquée. Et ça a l’air de très bien marcher comme ça.