Totally Killer : le slasher voyage dans le temps
Mix revendiqué de Scream et Retour vers le futur, Totally Killer se montre assez divertissant pour faire oublier ses facilités.
Parce qu’il est basé sur une collection de passages obligés et clichés reconnaissables depuis bientôt un demi-siècle, le slasher est un genre qui se prête particulièrement bien à l’expérimentation et à la mise en abyme. Bien que la saga apparemment increvable des Scream ait presque essoré cette idée, les longs-métrages tentant de briser la routine du tueur masqué équarrissant un casting de faux jeunes au petit bonheur continuent d’apparaître ici et là, et notamment en streaming. L’inévitable studio Blumhouse (déjà bien familier de la maison Amazon avec ses deux anthologies « Welcome to the Blumhouse » lâchées en 2021 et 2022) livre cette année Totally Killer, un exercice de style qui démarre comme un Halloween des familles pour bifurquer vers l’idée d’un voyage dans le temps à la Retour vers le futur exploitant notre nostalgie pour les années 80. Une idée aussi simple qu’opportuniste !
L’année de tous les dangers
L’héroïne de Totally Killer est Jamie (Kiernan Shipka, apprentie sorcière chez Netflix), une ado de 16 ans dont la particularité est d’avoir une mère, Pam (Julie Bowen, de Modern Family) complètement parano pour sa sécurité. Il faut dire que Pam a survécu en 1987 à un tueur en série qui a assassiné toutes ses amies, le « Sweet Sixteen Killer ». Lorsque l’assassin refait finalement surface un soir d’Halloween, Jamie se retrouve elle-même menacée. Le hasard fait que sa meilleure amie a inventé le voyage dans le temps (parce que pourquoi pas ?), ce qui permet à Jamie d’être renvoyée dans le passé, en 1987 évidemment, et de croiser le chemin de sa propre mère au même âge (Olivia Holt). En se rapprochant de son groupe d’amis, Jamie va pouvoir tenter de changer le cours de l’histoire, même si le « Killer » en question s’avère sacrément résistant…
« Dommage que l’ensemble ait visuellement le look
d’un téléfilm estival de TF1. »
Avec son script portant crânement en étendard ses références (les classiques de Zemeckis, Carpenter et Wes Craven, ainsi que Breakfast Club, sont non seulement cités dans les dialogues, mais plusieurs décors, scènes et costumes sont dupliqués avec un soin maniaque) et jouant – pas très finement – du gouffre idéologique qui sépare les ados populaires des eighties de la très moderne Jaimie (eh oui, surprise, les conventions ont bien changé en 40 ans), Totally Killer constitue une entrée plutôt rafraîchissante dans un genre qu’il veut dépoussiérer mais pas trop. Comme dans les Scream, le vernis pop et l’ironie blasée qui recouvrent le film comme une couche sucrée de méta rassurant explosent à intervalles réguliers sous les coups d’un tueur particulièrement violent (il poignarde à chaque fois ses victimes 16 fois… parce qu’elles ont 16 ans). Comme dans les Scream, l’identité secrète de ce cinglé masqué – masque d’ailleurs plutôt réussi – fait l’objet d’un suspense à la Scooby-doo, et d’un twist ramolli du bulbe en fin de parcours. Qu’importe la cohérence et les motivations du grand méchant, après tout, pourvu qu’il y ait du sang et des bons mots ?
Même s’il n’est pas aussi novateur qu’il prétend l’être (les points communs avec l’excellent Scream Girl, qui mettait lui en abyme les Vendredi 13, ou la propre franchise Blumhouse Happy Birthdead, sont quand même bien voyants), le film de Nahnatchka Khan (Always be my maybe) peut toutefois compter sur son rythme entraînant, une reconstitution en vase clos des eighties amusante et l’énergie indéniable de son actrice principale, Kiernan Shipka, qui sait jongler entre émotion et humour avec sincérité. Difficile par contre de nier le look numérique parfois très lisse, téléfilmesque disons, de Totally Killer, pourtant pas avare en expérimentations visuelles (séquences en fish eye, jeux sur la profondeur et les raccords dans le champ), ainsi que des dialogues qui tournent en rond ou tombent à plat à plusieurs reprises. Le film, avec son concept facilement assimilable, ses clins d’œil assumés et ses gags parfois bien vus (ah, ce sifflet anti-viol), pourrait être électrique et bondissant : il finit par n’être que sympathiquement divertissant. Ce qui n’est déjà pas si mal pour passer une bonne soirée d’Halloween !